À quoi ressemble le lecteur numérique en 2018 ?

Lors de la conférence Readmagine 2018 qui a rassemblé en juin dernier des distributeurs de livres numériques venus des quatre coins du monde, les professionnels du secteur se sont évidemment penchés sur la question suivante : quel est le profil du lecteur numérique en 2018 et quel public cibler pour les ventes ebook ? L’avantage des livres numériques, c’est évidemment que nous pouvons plus facilement identifier les profils des lecteurs grâce au Big data (rassemblement de données informatiques sur la consommation en ligne des utilisateurs). Faut-il dès lors cibler la génération Z, les universitaires, les populations urbaines, etc. ? Quelques pistes vous sont proposées dans cet article.

Nous ne vous l’apprendrons pas : les habitudes de consommation ont changé avec l’arrivée du digital et Internet. Grâce à ce que l’on appelle le Big data, la récolte de données à grande échelle sur les habitudes de consommation des utilisateurs du net, l’on peut désormais se faire une idée de plus en plus précise de l’identité du lecteur numérique d’aujourd’hui. Les habitudes de lecture varient en fonction de l’âge, du pays, du lieu de vie (ville ou campagne), du diplôme et des revenus. Lors de la conférence Readmagine 2018, Nisa Bayindir, Director of Insight pour Global Web Index, une agence marketing spécialisée dans la récolte de données, nous a présenté les derniers chiffres agrégés sur la lecture numérique.

Nisa-Bayindir

D’un point de vue mondial et sur base des données récoltées lors des premiers mois de 2018, le secteur numérique se développe de plus en plus sur appareils mobiles au détriment de l’ordinateur en Amérique du Nord, tandis qu’en Europe l’ordinateur, fixe ou portable, reste dominant comme support pour la consommation digitale. Le marché numérique est moins axé sur les réseaux sociaux en Europe et beaucoup moins de contenus créatifs sont achetés en échange d’un paiement en Europe par rapport à l’Amérique du Nord. En effet, aux États-Unis, la moitié des consommateurs en ligne sont prêts à payer pour du contenu contre 30 % seulement en Europe. En découle une forte croissance du commerce via téléphones portables outre-Atlantique. Il est également important de noter que les réseaux sociaux y sont la porte d’entrée vers le commerce digital et le contenu payant. Quant à l’Asie, l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Amérique latine, le téléphone portable y est également plus usité que l’ordinateur en ce qui concerne le commerce digital.

Parmi les lecteurs numériques de ce début d’année 2018, tous pays confondus, 65 % ont un diplôme universitaire. 92 % d’entre eux continuent à acheter des livres en format papier, pour leur caractère tangible et la possibilité d’en faire cadeau. 7 % seulement ont renoncé au livre papier au profit des ebooks. 25 % d’entre eux lisent sur tablettes et 29 % alternent entre différents ouvrages. Les genres les plus populaires sont le polar, la fantasy, la romance, les livres d’horreur et la science-fiction. Les lecteurs numériques sont aussi majoritairement opposés à la publicité dans les ebooks. L’achat de livres numériques devient petit à petit une norme, de la même manière que la consommation digitale dématérialisée s’est répandue par le passé pour la musique et les vidéos.

Ensuite, outre ces critères géographiques et économiques, la manière dont nous lisons a fortement changé depuis quelques années, selon Mme Bayindir. Avant, il s’agissait d’une expérience unique, un temps que nous nous offrions pour nous plonger dans un ouvrage. À présent, lire sur un téléphone portable implique que nous ayons accès à un large panel d’autres informations en même temps, que ce soit via les réseaux sociaux, de multiples applications ou l’actualité en ligne. Lire n’est donc plus une expérience isolée, mais un moment qui s’intègre pleinement dans un contexte social, que l’on peut partager avec nos pairs. Les livres sont désormais « plus que des livres » selon Rüdiger Wischenbart (auteur du Global Ebook Report). Ils ont donc une place à se faire dans une nouvelle dynamique, entre les contenus média divers et les réseaux sociaux.

La lecture serait-elle devenue plus sociale grâce à Internet ? La réponse est oui, selon Veronika Kartovenko, de Sweek.com : pour la génération Z (16 – 20 ans aujourd’hui) et les Millenials (21 – 30 ans), la lecture est une activité que nous pratiquons durant notre temps libre ; or ces générations sont en permanence penchées sur leur téléphone portable. À l’échelle mondiale en 2018, la génération Z passe en moyenne quatre heures par jour sur son téléphone portable, seulement vingt minutes de plus que leurs aînés. Il apparaît donc essentiel de pouvoir faire de la lecture un moment de partage, par le biais des réseaux sociaux, de communautés de lecteurs ou l’écriture interactive, afin de répondre à l’envie croissante des jeunes générations de partager leurs expériences.

Les Millenials urbains et universitaires apparaissent donc comme une cible privilégiée pour la lecture numérique : ils disposent d’un pouvoir d’achat et sont prêts à payer pour du contenu créatif en ligne tandis la génération Z n’a pas encore de revenus, bien qu’elle soit la plus connectée de toutes les générations. Les éditeurs et les marques peuvent toucher leurs lecteurs par le biais des réseaux sociaux, des influenceurs et la publicité en ligne. YouTube, Facebook et Instagram sont les sites les plus fréquentés par cette génération. Les communautés de lecteurs et réseaux sociaux sont les principaux incitants à l’achat de contenus créatifs, mais la qualité de l’ouvrage joue également un rôle. Enfin, ils favoriseront un contenu digital dépourvu de publicité et transférable d’un support à un autre.

Ailleurs sur Lettres Numériques :

Retrouvez Lettres Numériques sur TwitterFacebook et LinkedIn

— Nathalie Debusschere

Share Button