Voyage onirique dans les entrailles de la ville avec Alec De Busschère

Dans son œuvre Possible Tracks for Short Cuts, l’artiste bruxellois Alec De Busschère élabore des histoires avec de nouvelles pistes de lecture. Des séquences vidéo, sons et textes sont structurés aléatoirement par un algorithme pour finalement offrir une expérience audiovisuelle au spectateur. Celui-ci est dès lors invité à entrer dans un monde singulier, quasi post-apocalyptique, où les entrailles de la ville sont désertées de toute trace humaine malgré l’indéniable présence de cette dernière à chaque plan.

Possible Tracks for Short Cuts

Afin d’obtenir l’étrange esthétique onirique caractéristique de cette œuvre hybride, l’artiste a dû recourir à une combinaison des langages cinématographique et informatique, en passant par la littérature de Laurent de Sutter et les sons de Youri Balcers.

En effet, il s’agit de faire dialoguer la réalité et la fiction dans Possible Tracks for Short Cuts. Les éléments réels, tels que la production d’images tournées in situ, sont enrichis avec des éléments fictionnels et virtuels, comme du texte littéraire, du code informatique, du graphisme, de la peinture et des sons (tracks).

Ces éléments sont rassemblés dans une base de données regroupant tous les fichiers qui permettront ainsi la production des short-cuts (courtes séquences). Ceux-ci sont ensuite générés et arrangés par l’algorithme et ses propres critères, découlant en une série de propositions différentes : des possibles. Comme le précise Alec De Busschère, ces short-cuts évoquent « autant d’histoires possibles, tels des trailers, des génériques de séries ou des résumés d’épisodes ».

Une ville dépeuplée

L’œuvre audiovisuelle se présente sous forme verticale, à la manière d’un format d’écran de smartphone que nous connaissons tous. Le but derrière cette démarche est de référer à ce rapport entre la réalité et la fiction dans la vie quotidienne, et à la coexistence de deux mondes distincts dans un même espace-temps : celui d’Internet et des réseaux sociaux, dématérialisé et intangible, ainsi que l’espace physique existant autour de nous à ce moment.

Les séquences qui apparaissent à l’écran représentent de vastes infrastructures élémentaires dans la gestion des villes contemporaines, telles que des entrepôts colossaux, des parkings vides, des centres de tri, des institutions culturelles… Mais sans âme qui vive dedans. Le spectateur peut facilement imaginer que ces lieux sont massivement fréquentés quotidiennement.

Commence alors une déambulation fixe et vague, d’un point à un autre, dans ces endroits dépeuplés et habituellement inaccessibles au public. Ces organes internes à la ville sont ceux qui participent à la « grande machinerie » invisible du monde, qui poursuit inlassablement ses activités à l’infini. L’artiste se pose dès lors une question : « Avons-nous créé les bases d’un monde capable de tourner sans nous ? »

L’œuvre donne l’impression d’un monde post-apocalyptique sans temporalité, et montre une image détournée de ce qu’est habituellement une ville. Dans ce cas, celle-ci est vide, éclairée artificiellement, machinale et fonctionnelle. Sans dimension affective et sans identité propre, elle est ainsi interchangeable avec n’importe quelle autre ville du monde globalisé dans lequel nous vivons.

L’œuvre au Centre Wallonie-Bruxelles

Depuis le lancement du projet Possible Tracks for Short Cuts en 2017, Alec De Busschère désire proposer de nouvelles identités pour les villes filmées in situ. Le résultat des croisements de celles-ci par l’algorithme débouchera sur une sorte de mégapole immense et interconnectée. Le but de l’artiste est de créer des connexions inédites entre les spectateurs et l’algorithme, qui les amènera à réfléchir sur notre rapport à la réalité et « à considérer ces lieux comme autant d’espaces fictionnels témoins de nos propres cheminements physiques et mentaux ».

Du 23 juillet au 7 septembre 2020, la présentation de l’œuvre a été spécifiquement adaptée pour le Centre Wallonie-Bruxelles à Paris, grâce à la réalisation de séquences vidéo à l’extérieur et à l’intérieur du bâtiment. Ce dispositif a fait du CWB une zone de transit qui a mené rapidement le spectateur dans les antres de Bruxelles, à travers des plans filmés pendant l’été 2019.

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Crédits photo à la une : IMAL AT WORK, IMAL, Brussels, 2019. © Jean Goossens

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— Karolina Parzonko

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