Nicolas Gary d’Actualitté : « On joue au chat et à la souris avec l’information littéraire »

Au Panthéon des médias consacrés au livre, il y a Actualitté. Mais avant d’être un site d’informations reconnu par ses pairs, Actualitté c’est surtout une idée folle qui a surgi dans la tête d’une bande de potes. Nicolas Gary, maître d’oeuvre du projet, a accepté de retracer pour nous cette aventure.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours ?
J’ai étudié les lettres classiques. Après la fac, j’ai suivi la voie standard en devenant professeur avant de connaitre un revirement radical et travailler quelques années pour un magazine informatique. Cette expérience m’a permis d’abord de développer des compétences et des connaissances dans ce domaine et par après une fascination pour le numérique. En regard à cela, j’ai toujours été un littéraire, je ne me balade jamais sans un livre sur moi. Bref, tout a basculé fin 2007 lorsque j’ai découvert le Kindle un jour dans le métro parisien aux mains d’un étudiant américain. J’ai immédiatement été fasciné.

… Jusqu’à créer un magazine d’informations dédié au livre en passe de se numériser.
Oui, l’idée m’est venue quelques jours plus tard avec une bande de potes. J’avais appris à croiser l’info, l’organiser, la vérifier. Le livre me passionnait ; le livre numérique a été le prémisse de l’aventure Actualitté. Nous étions tous très emballés par cette idée et nous avons lancé le site un peu plus tard en assurant nous-mêmes le développement et une grande quantité d’articles. C’était la logique de départ. On est arrivé avec un mois et demi de contenu. Les internautes arrivaient sur le site en se demandant comment ils avaient pu rater tant d’infos. Après, quand je regarde les papiers de l’époque, j’ai un peu honte : on avait la passion mais on manquait de rigueur.

Et puis ce projet entre amis a basculé en 2009 lorsque nous sommes devenus une société. J’ai eu de gros doutes à l’époque. On ne savait pas dans quoi on s’embarquait, dès qu’il y a de l’argent en jeu, il y a forcément de la pression et cela pouvait se répercuter sur notre amitié mais heureusement, la distance et l’éloignement ont fait que nos amitiés ont survécu. De mon côté, j’avais eu la chance entre temps de me faire virer, le magazine se portait mal, et du coup, je me suis investi à 200% dans la société. Aujourd’hui, Actualitté gagne de l’argent, déborde de projets et est capable de rémunérer ses auteurs et de recourir à des stagiaires et des pigistes.

Ce qui a fait la force d’Actualitté c’est surtout la diversité et la pertinence des informations que vous proposez, comment avez-vous construit cela ?
J’avais appris l’importance de la veille en tant que journaliste. J’avais l’habitude de dresser et d’alimenter une liste de sites high-tech de référence. J’ai fait la même chose pour le livre et l’édition. Et là, à ma grande surprise, le résultat fut plutôt limité. Jusqu’au moment où l’on a découvert Livres Hebdo. Le contenu était très bon mais l’accès souvent verrouillé. J’ai fini par les prendre en grippe par jalousie et par envie bien sûr et surtout avec la volonté de faire mieux. Je voulais prouver avec Actualitté que la littérature et l’édition existaient en dehors de Saint-Germain-des-Prés.

Nous avons continué à alimenter nos listes, avec des sites plus obscurs mais des informations toujours plus pertinentes. Aujourd’hui aussi, on continue à jouer au chat et à la souris avec l’information littéraire. Au final, on doit dépasser les 500 références dans nos flux RSS. Le temps aidant, on a commencé à figurer dans les listings des communiqués de presse et puis les rencontres se sont révélées cruciales. On publie entre 30 et 40 articles par jour en jonglant avec de l’actualité internationale, des interviews, des tribunes, des chroniques de livres et beaucoup d’autres informations.

Quel est le business model d’Actualitté ?
Il faut savoir que ce n’est qu’un an après avoir lancé Actualitté que j’ai entendu pour la première fois l’expression « business model« . Le site, nous l’avons lancé sans business angels, sans business plan sans aucune stratégie sur le long terme. On est juste parti d’un constat: sur internet, si on dépend de la pub, c’est la mort assurée. Alors on a diversifié les sources de revenus. Bien sûr, il y a de la pub sur le site et on passe par une régie publicitaire pour cela, mais on propose aussi des jeux-concours, la publication d’extraits, des promotions, des participations à des évènements. L’argent gagné est directement investi dans la société.

Quel public consulte Actualitté ?
On s’est rendu compte après des enquêtes que 57% des internautes qui naviguaient sur le site étaient des femmes. Cela peut paraître étonnant mais ce ne l’est pas tant que ça. Un homme, par nature, pense maîtriser tout ce qui a trait de près ou de loin à la technologie même quand il n’y connait rien, c’est pareil pour la voiture ou le bricolage. Les femmes en revanche sont beaucoup plus fines, elles vont préférer se renseigner. Au-delà de cela, on constate que le site est davantage grand public que la newsletter qui concerne à 60% des professionnels du livre.

Quand as-tu pu mesurer la crédibilité du site ?
On a commencé à mesurer notre crédibilité lorsque François Bon a écrit sur Facebook « Ils ont été chercher des informations dont on ne soupçonnait même pas l’existence« . On a senti qu’on commençait à avoir une bonne visibilité. Mais ce qui nous a vraiment marqué, c’est le jour où j’ai reçu une mise en demeure de Livres Hebdo. On a compris à ce moment-là qu’on était suffisamment gros pour qu’ils prennent la peine de nous envoyer une lettre d’avocat. Récemment, Antoine Gallimard m’a dit au cours d’un déjeuner : « Vous, au moins, vous vérifiez vos informations« . Forcément, ça nous fait plaisir. On a toujours défendu cette image de pieds nickelés, touche à tout mais avec des informations sérieuses. Tout le mérite revient à l’équipe qui a affiné la ligne éditoriale tout en conservant ce ton particulier.

Consulter le site Actualitté

Retrouvez Lettres Numériques sur Twitter et Facebook.

— Stéphanie Michaux

Share Button

Stéphanie Michaux

Digital publishing professional

3 thoughts on “Nicolas Gary d’Actualitté : « On joue au chat et à la souris avec l’information littéraire »

  • 05/10/2012 at 15:36
    Permalink

    Nous, gens curieux, voulons savoir : mise en demeure ? par rapport à quoi ?

    Sinon, merci à Stéphanie Michaux et Nicolas Gary pour l’entretien, et plus particulièrement au second et son équipe pour Actualitte !

  • 05/10/2012 at 15:39
    Permalink

    Parasitage et contrefaçon mais il faudrait demander à Nicolas pour avoir l’intitulé exact de cette mise en demeure.

Laisser un commentaire