Stéphane Leroy (Zebook) : Lorsque l’offre numérique est payante, il faut valoriser un véritable travail éditorial

Avec l’explosion du livre numérique en 2012, les offres de numérisateurs se multiplient. Entre grands groupes et indépendants, Zebook a réussi à se faire une place dans un marché de plus en plus compétitif, Stéphane Leroy, co-fondateur de la société, nous parle de son travail.

Zebook est une structure qui a été en 2009. Aujourd’hui, nous avons trois activités différentes, nous sommes non seulement libraire en ligne mais également éditeur pure-player et prestataire de service.

Pourquoi cette diversification ? Et bien, grâce à notre connaissance du marché du livre numérique et nos compétences techniques, nous avons très tôt fait pu faire valoir notre expérience éditoriale et de libraire auprès d’éditeurs papier qui souhaitaient se lancer dans le numérique. Nous avons donc commencé à réaliser des coéditions avec des acteurs traditionnels qui percevaient la nécessité de faire du livre numérique mais qui n’avait pas envie de gérer cet aspect-là directement. En revanche, nous avons également été sollicités par d’autres éditeurs qui savaient très bien ce qu’ils voulaient et qui souhaitaient juste déléguer la réalisation des ebooks. Nous œuvrons alors en tant que prestataires.

Pourriez-vous nous expliquer plus en détail la différence entre les deux ?
En tant qu’éditeur pure-player, nous prenons beaucoup d’initiatives même si elles impliquent un dialogue avec l’éditeur originel. Nous réfléchissons beaucoup à la présentation de l’ouvrage et son adaptation au numérique. Pour nos ouvrages professionnels ou de littérature érotique, nous avons refait toutes les couvertures, non seulement pour qu’elles soient lisibles en miniatures mais également pour qu’elles ne heurtent pas la sensibilité des internautes.

Pour les prestations de services, nous nous référons au contraire à un cahier de charges prédéfini. Mais cela n’empêche que nous effectuons un grand travail de conseil pour que le livre numérique que nous leur fournirons convienne le plus possible aux codes et aux usages du monde digital. Je pense notamment au fait de repenser la navigation, le déroulement des pages, le sommaire ou la présentation.

Quelles sont selon vous les plus grandes erreurs qui apparaissent lorsqu’on veut passer du papier au numérique ?
Selon moi, l’erreur la plus fréquente est de rester dans une perspective PDF. C’est-à-dire, ne pas prendre un ebook pour ce qu’il est : un texte vivant qui évolue dans une culture de l’immédiateté. Autrement dit, il faut souvent repenser la structure du livre. Dans le livre numérique, on ne tourne qu’une page à la fois, il faut donc aller à l’essentiel, donner le plus vite accès à la lecture. Des informations telles que le copyright seront donc reléguées à la fin du livre.

Je pense aussi à des choses qui peuvent paraitre surréalistes. Un éditeur voulait que je maintienne dans le livre numérique des pages avec des pointillés ou des pages blanches pour prendre des notes. Je lui ai donc expliqué qu’en numérique tous les passages pouvaient être annotés et qu’il était impossible d’écrire sur ces pages.

Je vois aussi un autre phénomène, certains éditeurs perçoivent le numérique comme une version low-cost du livre papier. Puisqu’il se vend moins cher, certains veulent rogner sur la qualité. Je me souviens d’une éditrice qui m’avait demandé d’enlever toutes les photos de son livre non pas pour une question de difficulté technique ni de droits d’auteur mais parce qu’il fallait marquer la différence entre les deux versions. J’estime au contraire qu’on peut faire de très belles choses au numérique, des choses différentes du papier, certes, mais si l’offre est payante, il faut valoriser un véritable travail éditorial.

Le marché de la numérisation se complexifie et il est très courant que des éditeurs papier se retrouvent avec des devis dont le budget peut être très différent. Comment l’expliquez-vous ?
Il s’agit avant tout d’une question de qualité. Il y a un très gros décalage entre certaines offres qui s’explique par le processus de réalisation. Certains prestataires automatisent leur processus à 97% et peuvent se permettre de proposer des prix défiant toute concurrence entre 30 et 60 euros. Le fichier fourni passe l’ePubcheck mais leur qualité s’apparente à celle des livres gratuits.

D’autres prestataires réaliseront réellement un travail de conception du livre qui se verra adapté avec des astuces et dans le respect de certaines règles, ce qui demande un réel travail de fond. On a parfois du mal à expliquer ce travail et sa plus-value mais ce qui est sûre c’est que le livre numérique ne peut pas être une simple copie de son équivalent papier.

Quels sont les délais pour numériser un livre ?
Le timing pour un projet dépend énormément de sa nature. Si on travaille sur une collection, on peut gagner beaucoup de temps car on conservera la même charte graphique. En revanche, le fichier-source peut complexifier le processus. Le travail à fournir ne sera pas le même si vous partez d’un PDF, d’un fichier InDesign ou Xpress. Par exemple, on ne peut pas récupérer les notes en bas de page de ce dernier format. Il m’est déjà arrivé de passer une journée entière à devoir recopier manuellement ces références. Cela étant dit, un roman peu complexe peut être numérisé en une demi-journée.

A quoi un éditeur papier doit-il faire attention en choisissant son prestataire de service ?
Il doit s’assurer qu’il puisse traiter des fichiers-sources variés, comme je viens de l’expliquer parce que le projet en dépend. Il faut aussi que le prestataire ait une réelle connaissance du monde du livre, qu’il ait un oeil graphique pour construire une mise en forme adaptée. Une expérience éditoriale est également indispensable.

Et pour conclure, quelle est la meilleure façon de se former pour devenir intégrateur ?
C’est loin d’être facile car les processus ne sont pas homogènes. Il faut pratiquement tout réinventer en fonction de chaque cas de figure. Il faut maitriser les différents programmes et fichiers mais également se tenir au courant des chartes qui évoluent, des exigences des différents revendeurs.

Au final, c’est un métier à part entière. Il y a des formations normalement à l’Asfored mais elles sont très pointues et abordent les compétences séparément. Je pense par exemple à la maitrise d’InDesign et la conversion epub automatique. Chez Zebook, on ne réalise par exemple jamais d’ebook à partir d’InDesign. Il y a aussi des formations universitaires en TAL (Traitement Automatique du Langage) en Belgique ou à Lille qui n’apprennent pas directement à faire de l’ePub mais qui permettent d’acquérir toutes les compétences techniques requises.
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— Stéphanie Michaux

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Stéphanie Michaux

Digital publishing professional

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