Comment le numérique modifie-t-il nos compétences de lecture ?
C’est un fait : nous vivons dans une société où nous sommes bombardés d’informations. Hyperconnectés, nous avons accès de manière quasi instantanée à des connaissances et des millions de contenus. Inévitablement, notre rapport à la lecture s’en voit modifier.
Alors de quelle manière le numérique affecte-t-il nos compétences ? Tout d’abord, force est de constater que dans la galaxie numérique, la lecture est notre premier mode d’accès à l’information. Nous lisons en effet tout le temps : sms, whatsapp, contenus online, rapports, PDF, présentations slideshare, ebooks, courriels, commentaires et statuts de nos amis sur les réseaux sociaux… La lecture est immédiate et constitue la clé fondamentale du web. On est donc bien loin du modèle ancestral d’une lecture volontaire, intentionnelle et qui nécessite une concentration intense.
C’est vrai que la transposition d’un livre à la sphère numérique n’est pas seulement un transfert d’encre vers les pixels. Le numérique façonne notre mode de lecture. Bien qu’elle puisse être tout aussi intense que la lecture d’un support imprimé, la lecture numérique s’effectue de plus en plus dans des conditions de voyage. Nous lisons partout, dans le train, le métro, le tram ou l’avion dès que nous avons un temps de libre. C’est l’une des principales caractéristiques des nouvelles habitudes de lecture : la lecture numérique apparait avant tout nomade et fragmentée.
En effet, notre lecture, aujourd’hui effectuée à travers des dispositifs et écrans, peut maintenant se définir comme une continuité irrégulière et non plus comme une période claire entre deux moments précis. Plus que jamais, nous nous laissons distraire sans cesse, interrompus dans notre lecture par exemple par une rapide consultation de notre page Facebook. De plus en plus, nous lisons en diagonale, à une plus grande vitesse, en sautant de paragraphe en paragraphe au gré des titres et sous-titres… Dans cette perspective, le Projet Spritz a développé une application qui fait ressortir le Point de Reconnaissance Optimale de chaque mot (ORP), situé légèrement à gauche du centre de chaque mot, il est le point précis où notre cerveau déchiffre chaque ensemble de lettres. De cette façon nos yeux ne bougent pas du tout lorsque nous voyons les mots, et nous pouvons donc traiter l’information instantanément plutôt que de passer du temps à décoder chaque mot. Résultat ? Si la vitesse normale de lecture est de 250 mots à la minute, avec Spritz on arrive à une vitesse de 1000 mots, soit une multiplication par quatre de notre vitesse de lecture.
Le numérique n’est donc pas prêt de tuer la lecture, les chiffres tendent plutôt à indiquer le contraire. Selon un récent sondage réalisé pour USA TODAY et Bookish, 35% des personnes possédant des appareils de lecture numérique (tablette, liseuse ou autres) affirment lire plus de livres depuis qu’ils ont obtenu leurs dispositifs. Les lecteurs férus d’ebooks sont avant tout des lecteurs enthousiastes qui lisent dans plusieurs formats. D’autres études ont également montré que 88% des personnes qui lisent des livres sur Kindle dans la dernière année ont également lu des livres papier.
La popularité des genres littéraires est également touchée par cette mutation de nos habitudes lectrices : la nouvelle, les romans brefs, le feuilleton connaissent de nouveaux succès à l’ère du numérique. Jetez un coup d’œil au Projet Bradbury de Neil Jomunsi en partenariat avec ActuaLitté. L’écrivain a décider d’écrire et publier une nouvelle par semaine pendant 52 semaines, à la foi un défi et un hommage qui, pour l’instant, marche très bien.
Ces changements d’habitudes risquent donc bien de modifier la production éditoriale. Affaire à suivre !
A lire également sur Lettres numériques :
Retrouvez Lettres Numériques sur Twitter et Facebook.
— Stéphanie Michaux