Cécile Chabot : l’auto-publication pose le débat de la légitimité
Auteur auto-éditée depuis 2012, Cécile Chabot a publié plusieurs polars historiques au format ebook et en impression à la demande. Elle revient aujourd’hui sur cette expérience avec beaucoup de transparence et a accepté de partager les résultats qu’elle a pu observer.
Parlez-nous de votre activité d’auteur auto-éditée.
Je consacre environ deux heures par jour ainsi que le samedi ou le dimanche matin à cette activité. Je consacre également un temps certain à la production de mes livres. L’édition papier demande un important travail de mise en forme dans InDesign. Dans ce cas-là, je souscris à un abonnement mensuel à la suite Adobe Creative. En revanche, pour le format ebook, comme je rédige directement dans le programme Scrivener, un logiciel d’écriture professionnelle, je peux générer l’ePub en quelques minutes. Après, comme je suis curieuse, je modifie un peu le code et les paramètres des images dans Sigil pour la mise en forme. Par la suite, je convertis la version .mobi dans Calibre. J’assure également moi-même la communication et le marketing autour de mes livres.
Dans quelles librairies en ligne les lecteurs peuvent-ils trouver vos livres ?
Pour le moment, j’ai arrêté de publier ailleurs que sur Amazon. Lorsque mon livre a été sélectionné par Amazon pour une promotion à la suite d’un appel à projet, j’ai dû passer par le programme KDP (Kindle Direct Publishing). J’ai toujours le souhait de publier mes livres sur un maximum de canaux mais force est de constater que les ventes ne décollent pas beaucoup à la Fnac ou sur Google. Quant à l’iBookstore, je dois faire face à des problèmes techniques qui m’empêchent de télécharger mon ePub dans iAuthor.
Quelle est votre vision du développement du marché du livre numérique pour les auteurs auto-publiés ?
D’après mon expérience, Amazon est sans aucun doute le meilleur vendeur en ligne pour mon genre littéraire de prédilection : le polar historique. Sans tenir compte ici de considérations idéologiques, je constate que c’est la plateforme la plus efficace en termes de découverte. Je ne dis pas qu’elle est parfaite mais Amazon semble avoir une longueur d’avance sur ses concurrents. J’ai fait quelques tests en me mettant à la place d’un lecteur qui recherchait des polars historiques et il s’est avéré que, sur des sites concurrents, la découverte est plus fastidieuse. Il faut avouer que l’architecture et le marketing d’Amazon sont mieux conçus.
Les réseaux de distribution ouverts aux auteurs auto-édités sont très limités. Des acteurs comme Immatériel ne distribuent par exemple pas les auteurs non liés à une maison d’édition. Je ne peux donc pas être présente sur les réseaux de librairies indépendantes. Bien que présente sur le store de Google, je n’y ai jamais réalisé aucune vente et l’accès au catalogue est moins évident. Quant à la Fnac sur laquelle je suis disponible via Kobo, il m’a presque fallu un mois pour que mon titre apparaisse sur le site après de multiples interventions auprès de leurs services et de ceux de Kobo.
Pensez-vous que l’auto-édition souffre d’un problème de légitimité en francophonie ?
C’est certain. La plupart des plateformes qui acceptent de commercialiser nos livres sont des entreprises internationales (iBooks, Amazon, Google et Kobo). Je pense qu’en France, les professionnels du livre sont très attachés à la notion de label. L’éditeur est là pour labelliser la qualité d’un contenu. Pourtant, je suis venue à en douter. C’est peut-être un trait de notre culture de ne faire confiance qu’à ce qui nous apparait légitimé par les autorités. L’auto-publication pose en tous cas ce débat.
Vous publiez également vos romans au format papier via l’impression à la demande, quels sont les enseignements que vous avez pu en tirer ?
Je publie en effet mes livres en format imprimé via le programme Create Space d’Amazon. Ce canal représente un pourcentage important de mes ventes de l’ordre de 25-30%. Lorsque j’ai conçu le « template » de mes livres papier, j’ai privilégié un format poche. Ce positionnement me permet de ne pas dépasser le prix psychologique de 10 euros. Je ne cherche pas à maximiser mon profit mais j’ai regardé ce qui se faisait autour de moi et je devais rester dans cette gamme de prix.
Existe-t-il aujourd’hui de vraies communautés d’auteurs auto-publiés sur internet ? Comment vous informez-vous sur l’évolution de cette pratique ?
Je fais partie de plusieurs groupes sur internet notamment sur Facebook et Google Plus. Ce sont des communautés très intéressantes qui permettent d’échanger des ressources et des expériences. Je diffuse également des articles via mon site sur lequel je reçois beaucoup de messages d’autres auteurs. Je ne considère pas ces autres auteurs auto-édités comme des concurrents. Loin de là ! Plus on sera à réfléchir à notre métier, plus on sera nombreux à défendre une auto-édition de qualité.
Vous venez de recevoir un numéro ITIN délivré par le fisc américain, une petite victoire ?
En effet, grâce à ce numéro ITIN (abréviation pour Individual Taxpayer Identification Number), je peux enfin bénéficier de déductions fiscales. En effet, jusqu’à présent, 30% de mes revenus nets produits par la vente de mes livres étaient prélevés pour respecter la fiscalité américaine.
Selon vous, quelle est la bonne stratégie à adopter pour un auteur auto-édité ?
Je ne me considère pas comme un auteur jouissant d’un immense succès. J’essaie surtout de construire une relation à long terme avec mon lectorat. Mon objectif est d’être autonome vis-à-vis des tiers, que ce soit un éditeur, des plateformes de ventes ou des experts en marketing. Je veux avoir la propre maitrise de la relation avec mon lectorat. Je fais beaucoup de tests mais je ne fais pas encore le marketing que je souhaiterais mettre en place. Je devrais contacter plus souvent des blogueurs par exemple. Mais je pense que la priorité pour un auteur auto-édité est d’offrir le meilleur produit possible à ses lecteurs. Il doit faire de son mieux pour la couverture, la page de titre, l’édition et surtout la correction du texte.
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— Stéphanie Michaux