Un e-book de seconde main, dès demain?

L’ebook ne s’use pas à l’usage : on comprend que les lecteurs soient enthousiastes à l’idée d’acheter à prix réduit un livre (comme) neuf, et que les éditeurs le soient peut-être un peu moins…


Trois Hollandais, Marc Jellema, Judith Marien et Laurens Van Hoorn ont parié sur cette attente des lecteurs numériques : à la fin du printemps 2014, ils ont donc lancé « Tom Kabinet », une plate-forme en ligne où les particuliers peuvent revendre et acheter des ebooks. L’initiative n’était pas trop du goût des éditeurs néerlandais : l’association qui les représente, le Nederlands Uitgeversbond ou NUV, a donc livré une bataille juridique à Tom Kabinet. Le dernier rebondissement en date a eu lieu à la Cour d’Amsterdam. Celle-ci a tranché ce 20 janvier 2015 :  Tom Kabinet peut bien exploiter un site web où se revendent des ebooks… légaux. Évidemment, la revente d’ebooks illégaux, piratés, reste interdite. À Tom Kabinet, dès lors, de fournir une preuve que les livres circulant par son site sont bel et bien légaux, et non piratés. En attendant cette solution technique, la revente via le site Tom Kabinet est suspendue.

Verdict, et ensuite

Les deux parties se disent blij, contentes, du verdict. Et qui s’essaie à vendre un ebook de seconde main aujourd’hui chez Tom Kabinet voit surgir un petit avis : celui-ci explique que Tom est occupé à trouver comment distinguer le bon grain de l’ivraie, les copies légales des illégales. D’ici que la solution soit trouvée, pas question de vendre. Acheter est toujours possible : les livres, assure Tom Kabinet, sont vérifiés et équipés d’un « filigrane » (watermark). Tom est aussi sans doute bien occupé à lancer son système d’abonnement aux livres numériques made in Europe : la lecture à volonté, pour cinq euros par mois. Il voit les choses en grand : 20 000 abonnés pour fin 2016, et six pays. Les investisseurs aussi, qui ont apporté 300 000 euros au capital, comme le relaient Sprout.nl et Actualitté. Reste à voir comment Tom Kabinet pourra(it) négocier avec les éditeurs néerlandais, qui n’ont visiblement pas apprécié sa première initiative…

Une question qui dépasse les Pays-Bas

Notons au passage qu’une question similaire s’était posée à la Cour de Justice européenne, avec le cas opposant UsedSoft (une plate-forme de revente de logiciels de seconde main Oracle) à Oracle. En juillet 2012, elle avait tranché que les logiciels pouvaient bel et bien être vendus d’occasion, à certaines conditions dont le fait que l’utilisateur précédent cesse bel et bien d’utiliser le logiciel lorsqu’il le revend. Une start-up brabançonne a d’ailleurs lancé sa plate-forme de revente de logiciels de seconde main, Nearly New Software, à la suite de cette jurisprudence par la Cour de Justice européenne.

Par ailleurs, Amazon et Apple ont déposé tous deux en janvier 2013 un brevet qui permet à leurs clients de revendre un objet digital (ebook par exemple) acheté chez eux. Selon ces brevets, une copie d’un ebook serait chez un seul utilisateur à la fois. Ils suggèrent également que les éditeurs puissent limiter le nombre de reventes d’un même ebook et éventuellement fixer un prix-plancher aux ebooks de seconde main. Une façon de permettre à chacun d’y trouver son compte ?

On le voit, la revente d’ebooks fait parler d’elle depuis un petit moment déjà, sans qu’une plateforme en particulier n’ait visiblement conquis les masses. C’est sans doute à la faveur de solutions juridiques et techniques claires qu’un véritable marché se développera – à l’instar du marché de logiciels de seconde main…

Source photo: pedagogeek.com

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