Écrire, un travail de groupe

« Tout est expérience »,  certes. Mais encore faut-il identifier ce que l’expérience apporte, et à qui.

Qui dit lire au numérique, dit aussi écrire au numérique. En et hors ligne, des outils se sont développés ces quatre, cinq dernières années. Ils permettent aux auteurs et aux chercheurs de mieux travailler ensemble. Aussi, admirateurs et clients potentiels peuvent y donner leur avis et former, ce faisant, une communauté. Un mot magique, semble-t-il, aux oreilles des investisseurs de tout poil…

Les outils qui permettent d’écrire un document à plusieurs mains de manière conviviale et pratique existent, nous les avons même rencontrés.

Dans cette gamme-là, Poetica nous vient de Londres, fruit d’un quintet de femmes d’affaires et de techniciens de l’informatique. Avec Poetica, on édite et on discute à plusieurs mains un texte commun, qui peut se retrouver ensuite sur WordPress aussi bien que sur Word ou encore Google Docs. Son plus? Une interface attrayante et pratique, même et surtout pour les littéraires purs et durs.

Loren Burton, lui, fait le pari de proposer à ceux qui rédigent une plate-forme similaire à GitHub, le rendez-vous des codeurs. PenFlip aussi permet d’écrire et de mettre en page à plusieurs. Le résultat final peut-être un simple document ou un ePub.

piano4mains

Penflip et Poetica sont loin d’être les seuls de leur espèce mais ils sont particulièrement accessibles. Avec des outils de ce style, écrire ou annoter un document à plusieurs devient intuitif. Créer une communauté autour d’un texte que l’on a parcouru ensemble, aussi. Certains éditeurs surfent donc sur cette vague.

Coliloquy en est un exemple : sur cette plate-forme, les lecteurs participent au déroulement du récit. Après avoir publié une trentaine de titres en 3 ans, la start-up a été rachetée par l’éditeur d’ebooks Vook en 2014. Le concept, visiblement, ne séduisait pas que les lecteurs…

Sur Wattpad, des histoires (Dickens par exemple) sont proposées gratuitement aux lecteurs. Ceux-ci les commentent et les discutent, sur leur ordinateur ou leur téléphone, et créent au passage une communauté d’initiés. Comme le relève Anthony Ha qui a suivi l’affaire pour Tech Crunch, ces commentaires sont susceptibles d’influencer le cours des histoires, souvent organisées en séries.  Le CEO tient à sa communauté, d’ailleurs il lui a promis que l’application serait toujours gratuite. Wattpad se rémunère donc avec de la publicité ciblée : par exemple, 20th Century Fox a créé un compte Wattpad autour du livre lié au film que 20th Century Fox s’apprêtait à sortir. Des investisseurs privés ont aussi misé dès 2010 sur ce cheval…

Face au succès de Wattpad, Amazon entendait bien ne pas se laisser distancer : le géant a donc lancé Write On, une plate-forme où lecteurs et auteurs peuvent ensemble réaliser une histoire et au passage, devinez quoi… créer une communauté! Cela semble bien être le seul but de Write On, Amazon s’engageant à ne pas vendre les écrits partagés sur cette plate-forme.

Ce que ces plates-formes collaboratives mettent en avant, ce n’est pas la qualité des travaux produits. C’est la communauté qui s’y crée et l’expérience qu’elle y vit. Et c’est sur cette communauté unie autour d’une expérience que les investisseurs, annonceurs publicitaires et éditeurs misent. Les auteurs, eux, y gagnent une rare et précieuse évaluation de leur travail et, peut-être, des arguments à faire valoir auprès d’un éditeur. Intéressant… mais cette évaluation constante est-elle la meilleure garantie d’une création vraiment originale? Un peu tôt pour en juger, on attend toujours qu’un bouquin exceptionnel sorte des communautés de lecteurs!

Coliloquy et PenFlip avaient déjà attiré notre attention !

Source photo : youtube.com

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— Sibylle Greindl

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