Au Mundaneum, un géant de papier s’éveille au numérique

Riche d’une longue histoire, le Mundaneum est un centre d’archives de la Fédération Wallonie-Bruxelles et un espace d’expositions installé à Mons. Grâce à la numérisation de ses fonds et à la création d’expositions virtuelles, il entre aujourd’hui de plein pied dans l’ère digitale.

Quand Alex Wright visite le Mundaneum en juin 2008, l’équipe du centre d’archives le reçoit comme un visiteur lambda. Le mystérieux visiteur s’est en effet bien gardé de se présenter. Il est pourtant journaliste au New-York Times. Quelques jours plus tard, c’est la surprise : l’équipe du centre d’archives et d’expositions découvre son reportage élogieux dans le prestigieux journal new-yorkais. Pour Delphine Jenart, directrice adjointe du Mundaneum, l’anecdote est révélatrice : « Le Mundaneum est un géant qui s’ignore ! » Depuis longtemps reconnu internationalement, ce monument du patrimoine belge est désormais apprécié à sa juste valeur par le grand public.

© Collections de la FWB - Mundaneum (Mons)
© Collections de la FWB – Mundaneum Mons

Le Mundaneum est l’héritier de l’Office International de Bibliographie fondé, en 1895, par Paul Otlet et Henri La Fontaine, deux juristes belges, inventeurs de la classification décimale universelle, la fameuse CDU encore en usage dans les bibliothèques de plus de 100 pays. Ensemble, ils se lancent dans un travail titanesque : indexer les références bibliographiques du monde entier depuis l’invention de l’imprimerie. Grâce au soutien du gouvernement de l’époque, ils créent ainsi le répertoire bibliographique universel. « C’est ce gigantesque fichier que l’on compare souvent à un Google de papier », nous explique Delphine Jenart. Le répertoire permet de retrouver les différents supports d’information liés à une thématique et de naviguer vers d’autres thèmes connexes, à la manière d’un système hypertexte.

Un trésor sauvé des entrailles du métro bruxellois

Après une histoire mouvementée, le précieux répertoire aboutit, dans les années 1980, dans les souterrains du métro bruxellois, où il est entreposé dans des conditions déplorables. Heureusement, le Mundaneum est ensuite transféré à Mons. Il devient un centre d’archives et un espace d’expositions ouvert au public en 1998. Parmi les amoureux de l’endroit, on trouve le dessinateur François Schuiten et le scénariste Benoît Peeters. Alors qu’ils étaient encore étudiants, le Mundaneum leur a inspiré la saga des Cités obscures. Lors de l’installation à Mons, ils ont conçu la scénographie des salles d’exposition. Celles-ci doivent notamment leur cachet si particulier à leurs murs recouverts des 206 meubles en bois du répertoire bibliographique universel.

© Collections de la FWB - Mundaneum Mons
© Collections de la FWB – Mundaneum Mons

Avec le développement d’Internet et des technologies de l’information, le Mundaneum attire l’attention des chercheurs du monde entier. Paul Otlet et Henri La Fontaine, pour qui le partage du savoir devait conduire à la paix mondiale, sont considérés comme des pionniers du Web et des moteurs de recherche. En effet, leurs travaux se révèlent précurseurs à bien des égards. Ils inspirent aujourd’hui de nouvelles recherches, par exemple en design de l’information ou en sémantique computationnelle. En 2012, Google et le Mundaneum annoncent le début de leur collaboration. Plus récemment encore, le Computer History Museum de Mountain View dans la Silicon Valley présente le Mundaneum comme l’ancêtre de Wikipedia dans l’une de ses expositions.

Un géant de papier en pleine mue numérique 

Après deux années de fermeture pour rénovation, le Mundaneum a rouvert ses portes à l’occasion de Mons 2015, capitale européenne de la culture. Et depuis, le succès est au rendez-vous : jamais autant de visiteurs ne se sont pressés pour visiter le centre ! Différents services sont offerts au public : la consultation des archives sur rendez-vous, l’organisation d’événements pour les entreprises et des expositions temporaires. Celles-ci ont lieu tout au long de l’année et s’inspirent de la philosophie humaniste des deux fondateurs. Actuellement, l’exposition Et si on osait la paix retrace l’histoire du pacifisme en Belgique, avec une extension 2.0 contre la haine sur les réseau sociaux destinée au public des 18 – 22 ans. En juin, une nouvelle exposition sera consacrée à la cryptographie. D’Alan Turing aux hackers contemporains en passant par la lutte anti-terroriste, celle-ci explorera les enjeux du codage dans notre société digitalisée.

© Mundaneum - Patrick Tombelle
© Mundaneum – Patrick Tombelle

Mais, comme nous l’indique Delphine Jenart, l’avenir du Mundaneum est aussi numérique. Un important travail de digitalisation a déjà permis de numériser 10% des archives. En consortium avec les autres centres d’archives de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le Mundaneum fera l’an prochain l’acquisition d’un nouveau logiciel de gestion de son catalogue. À terme, les fonds d’archives pourront donc être consultés en ligne et les documents téléchargés en version numérique. Grâce à sa collaboration avec Google, le Mundaneum est également créateur d’expositions virtuelles, parmi lesquelles une visite guidée du centre réalisée avec la fonction « Plans d’intérieur » de Google Maps. En plein développement, ces expositions peuvent être visitées gratuitement sur Google Arts & Culture.

Olivier Patris

— Rédaction

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