La Chine est-elle appelée à dominer le marché mondial de l’édition numérique ? (Partie 1)

La Chine est l’une des premières puissances économiques mondiales et semble destinée à le rester pendant de nombreuses années. Pourtant, le pays reste plutôt discret dans le secteur de l’édition numérique, dominé par des entreprises américaines. Alors, quelles sont les tendances actuelles du marché et quelle place la Chine pourra-t-elle occuper sur le marché mondial de l’édition numérique ? Nous allons tenter de répondre à cette question dans un article en deux parties, dont nous vous proposons de découvrir la première cette semaine.

Nous vous avions déjà parlé de la Chine il y a deux ans (relire notre article), mais au vu des récentes évolutions de la situation, une nouvelle mise au point s’impose. D’après l’Observatoire de la bibliodiversité de l’Alliance internationale des éditeurs indépendants, la Chine est appelée à occuper une place prépondérante dans l’industrie éditoriale numérique mondiale. La transition vers le numérique est en effet bien avancée en Chine, sous l’impulsion de l’État chinois qui en est le principal levier. La plupart des maisons d’éditions sont privées, mais les plus importantes sont des maisons d’éditions d’État organisées en groupes, dont le colossal China Publishing Group. En ce qui concerne le secteur de l’ebook, les principaux canaux de diffusion sont China Reading Limited (de Tencent), Migu Digital Media (de China Mobile, géant des télécommunications), Kindle (d’Amazon) et les plateformes chinoises iReader et Chineseall.

L’usine du monde

C’est dans le domaine de la fabrication d’appareils numériques, et notamment de liseuses, que se manifeste le plus clairement la suprématie chinoise. Selon l’Observatoire de la bibliodiversité, environ la moitié de ces dispositifs dans le monde sont issus de Chine. Au-delà des e-readers chinois, ceux distribués par des géants de l’édition numérique comme Amazon ou Apple sont également fabriqués en Chine. On le sait, la Chine est l’usine du monde et cela se confirme aussi dans le domaine de l’édition numérique. L’entreprise Hanvon concentre à elle seule l’essentiel du marché en termes de production de dispositifs de lecture numérique.

Des profits en baisse

La Chine jouit donc d’une confortable avance dans ce secteur. Cependant, la compétition entre les fabricants de liseuses sur le territoire est tellement féroce que la marge de bénéfice est de plus en plus étroite, les profits sont donc en constante baisse, obligeant certains acteurs à se retirer du marché. Au bout du compte, les concepteurs des dispositifs sont ceux qui captent l’essentiel des profits.

Sun Peilin, d’Analysys International, entrevoit une possibilité de sortir de cette impasse : « Ce que les producteurs chinois d’e-readers peuvent faire, c’est coopérer avec les maisons d’édition pour développer du software ; car ils ne survivront pas en vendant exclusivement du hardware. » Plusieurs firmes chinoises ont adopté cette stratégie, et la Chine bénéficie maintenant d’écosystèmes numériques qui combinent hardware, software et contenus. Les industries du numérique chinoises sont ainsi beaucoup mieux préparées pour défier leurs rivaux nord-américains ou européens.

L’État, principal levier de la transition numérique

Le secteur de l’édition est encore aujourd’hui l’une des industries les plus contrôlées par le gouvernement chinois. Pour autant, il connaît une forte tendance à la décentralisation et l’État encourage une phase d’ouverture vers le marché. Le gouvernement accompagne par ailleurs le secteur de l’édition dans sa transition vers le numérique. De 2006 à 2010, il a ainsi tout fait pour rendre les maisons d’éditions et les librairies d’État lucratives, en y incorporant des capitaux privés, en adoptant un profil international et en encourageant leur transition numérique. On a ainsi assisté à la fondation de la bibliothèque nationale de Chine, ou encore à la construction de parcs dans les grandes villes du pays : des entreprises et des centres de recherche y travaillent à la production et à la distribution de contenus numériques. Les progrès considérables du secteur de l’édition en Chine sont ainsi en grande partie le fruit des investissements publics.

Rendez-vous la semaine prochaine pour lire la suite de l’article ! Nous y poursuivrons notre enquête pour déceler si la Chine sera amenée à dominer le marché mondial de l’édition numérique à travers les défis que le pays doit relever, et les tendances à venir du secteur.

Raphaël Dahl

Retrouvez la deuxième partie de cet article en suivant ce lien.

À relire sur le site :

• La Chine est-elle appelée à dominer le marché mondial de l’édition numérique ? (Partie 2)
• Le numérique, support de lecture privilégié par les Chinois
• Focus sur la lecture numérique en Chine

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— Rédaction