Le numérique pour penser la démocratie autrement

La révolution numérique a une influence considérable sur tous les domaines de nos sociétés. Elle transforme notre modèle économique, notre consommation de biens culturels, notre manière de vivre ensemble et possède également un impact sur la vie politique. De nombreuses initiatives, souvent citoyennes mais qui viennent aussi des pouvoirs publics, se reposent ainsi sur des outils numériques pour proposer de nouvelles façons d’appréhender la politique.

La communication entre politiques et citoyens

On a pu le constater lors des dernières élections présidentielles françaises ou américaines, les outils numériques sont de plus en plus souvent mis au service de la communication lors des campagnes électorales. Alors que le Front National relatait les grands événements de sa campagne à travers une chaîne YouTube, un hologramme du candidat Jean-Luc Mélenchon assurait un meeting politique à sa place. Le numérique fournit ainsi des canaux privilégiés de communication entre les politiciens et la population. Les réseaux sociaux, en particulier Twitter, constituent de plus un autre moyen pratique et efficace pour communiquer avec les citoyens, que certains hommes politiques utilisent volontiers, et parfois même à l’excès (à l’instar de Donald Trump).

Le numérique pour mieux informer ?

L’accès à l’information est également facilité par la révolution numérique, ce qui encourage la formation d’une opinion publique éclairée mais qui pose aussi un certain nombre de problèmes. En effet, il est aisé de se retrouver noyé sous la quantité d’informations, d’autant plus que celles-ci manquent de filtre et qu’il est parfois difficile d’identifier la fiabilité de la source, notamment sur les réseaux sociaux. D’autre part, elles peuvent être relayées par les médias dans l’urgence et sans être vérifiées. Le problème de la désinformation se pose aussi ; ce processus de communication parfois utilisé pendant les campagnes électorales consiste à transmettre des informations erronées dans le but de tromper ou d’influencer l’opinion publique.

Capture d’écran test électoral

Des comparateurs de programmes politiques, sous forme de tests électoraux, ont également vu le jour ces dernières années, destinés à aider le citoyen à connaître le programme qui lui correspond le mieux. Un test, disponible sur cette page, avait par exemple été développé par l’UCL pour les élections belges de 2014 (nous vous en parlions déjà dans ce dossier dédié aux liens entre numérique et politique). Cette initiative permet à la population d’acquérir une meilleure connaissance des affaires publiques, c’est l’un des objectifs des « Civic Tech ».

Les Civic Tech

La révolution numérique a encouragé l’apparition de nombreuses autres initiatives. De nouvelles plateformes proposent de réinventer la démocratie locale et de s’impliquer d’avantage dans l’action quotidienne, des pétitions en ligne sont lancées régulièrement, l’idée d’un financement participatif pour les projets publics a émergé, etc. Ces initiatives se rassemblent sous le concept récent de « Civic Tech », que l’on pourrait définir comme tout outil ou processus que les individus ou les groupes peuvent utiliser pour influer sur la scène publique et se mobiliser pour l’intérêt général (cette définition est celle du journaliste Alex Howard, énoncée dans un article de Tech Republic).

D’après le site Civictechno, les enjeux de ce que l’on appelle aussi la « technologie civique » sont d’élargir le nombre de participants à la décision publique, d’éclairer l’avis des citoyens, de co-construire des politiques publiques plus efficaces et de remédier à la lenteur administrative du processus démocratique grâce à la technologie.

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Des outils d’expression directe

Via les Civic Tech, la révolution numérique donne donc aux citoyens de nouveaux outils d’expression directe : elle invite au débat et à la démocratie participative. Les dispositifs numériques deviennent ainsi les vecteurs privilégiés par lesquels l’opinion publique peut se faire entendre. À l’ère du buzz, une pétition qui devient virale peut ainsi constituer un moyen d’action important pour les citoyens. En France par exemple, si elle recueille plus de 500 000 signatures, y compris électroniques, une pétition peut être examinée par le Conseil économique, social et environnemental. De tels mécanismes existent également au niveau européen et aux États-Unis. Le numérique permet donc de faire bouger les lignes et oblige les élus à s’adapter pour entendre et répondre aux citoyens.

Une action publique co-construite

Dans un entretien publié sur le site de l’Université Sciences Po, Yann Algan, doyen de l’École d’affaires publiques et chercheur au Département d’économie, explique que les nouveaux outils numériques ont fait évoluer le rôle de l’État vers une action publique co-construite entre les citoyens et les services publics sur des plateformes. Par exemple, et cela rejoint le concept de Smart City, la ville de Boston a créé une plateforme permettant au citoyen de géolocaliser les nids-de-poule sur les routes et de transférer l’information aux services publics, qui économisent les coûts de détection.  Selon le chercheur, « [l]a mise à disposition des données ouvertes au plus grand nombre, citoyens et entreprises, peut être source de progrès social, d’innovation et de croissance. » Les élus locaux font également souvent appel à la démocratie participative, comme en témoignent le développement des budgets participatifs (par lesquels les citoyens d’une ville ont la possibilité de décider de l’allocation d’une partie du budget) ou la tendance des élus locaux à recourir à la démocratie directe en consultant en ligne les habitants sur les décisions à prendre, sous la forme de sondage.

Le numérique fournit donc des outils intéressants pour améliorer la relation entre les pouvoirs politiques et la population, pour mieux informer les citoyens et élargir leur participation à la décision publique. Il est néanmoins important d’insister sur la formation de tous à ces nouveaux outils, afin de développer un sens critique par rapport à la masse d’informations qui circulent et d’éviter une fracture numérique qui exclurait certains citoyens du processus de prise de décision.

Raphaël Dahl

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