Selon Arnaud Nourry, PDG d’Hachette, « l’ebook est un produit stupide »
Mi-février, le président d’Hachette Livres Arnaud Nourry était de passage à New Delhi pour fêter les dix ans de la filiale indienne du groupe. Au détour d’une interview, il a fustigé le livre numérique, le qualifiant de « produit stupide ». Retour sur quelques passages clés de cet entretien qui aura secoué le monde du livre.
Avec plus de 17 000 titres publiés par an et 150 filiales à travers le monde, le groupe Hachette Livre est l’un des leaders du marché mondial de l’édition. Il figure en effet parmi les cinq plus grands acteurs anglophones et domine le marché francophone. Fin 2016, le groupe avait déjà publié plus de 80 000 livres numériques. Pourtant, lors d’une interview accordée au média indien Scroll.in, son PDG Arnaud Nourry s’est exprimé sur les limites de ce format, qui semble avoir du mal à trouver grâce à ses yeux.
« Pas de véritable expérience numérique »
Interrogé sur le léger déclin de l’ebook sur les marchés britannique et américain, où le format représente tout de même 20% des ventes totales de livre, il a ainsi déclaré : « [j]e pense que l’équilibre, ou plutôt le déclin, que nous observons aux États-Unis et au Royaume-Uni ne s’inversera pas. C’est la limite du format numérique. Le livre numérique est un produit stupide. C’est exactement la même chose que le papier, mais en numérique. Il n’y a aucune créativité, pas d’enrichissement, pas de véritable expérience numérique. »
Pour expliquer ces limites, Arnaud Nourry assume la part de responsabilité des éditeurs : « [nous] n’avons pas fait du bon travail avec le numérique. (…) Nous avons expérimenté l’ebook augmenté ou enrichi – cela n’a pas marché. Nous avons tenté des applications, des sites web avec notre contenu – nous avons connu un ou deux succès pour des centaines d’échecs. »
L’autopublication également critiquée
Dans la suite de l’interview, l’autopublication a aussi été la cible de vives critiques de la part d’Arnaud Nourry. Selon lui, le secteur « qui est parfois considéré comme une concurrence, est à l’opposé de notre activité. Notre métier consiste à dire non à trois mille manuscrits et dire oui à un seul. Et l’autopublication dit oui à trois mille, sans voir le seul où il devrait y avoir un investissement et un soutien. »
En filigrane, on comprend donc qu’au-delà de l’ebook homothétique (comprenez : une réplique numérique de la version papier) ou de l’autopublication, ce que le PDG d’Hachette reproche aux évolutions du livre, c’est surtout la perte de contrôle des éditeurs sur leur activité. Si certains de ses arguments sont pertinents, il n’en demeure pas moins que sa prise de position a suscité de vives réactions parmi les lecteurs d’ebooks dans le monde, et l’on imagine aisément le malaise qu’ont pu ressentir les équipes qui travaillent à la production et à la diffusion de contenus numériques au sein même du groupe Hachette.
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— Raphaël Dahl