Rencontre avec Jérémie Roche – Partie 2 : les défis de l’édition académique numérique
Nous vous en parlions déjà la semaine passée : à l’occasion du DPUB Summit de Berlin, Lettres Numériques est allé à la rencontre de Jérémie Roche, responsable des relations institutionnelles de la plateforme CAIRN. Comme promis, voici la suite de notre entretien, axée autour de l’édition académique numérique et de ses défis !
LN : Quels sont, selon vous, les grands défis du CAIRN et de l’édition académique francophone aujourd’hui ?
J.R. : Le premier et principal défi de l’édition académique numérique est de comprendre comment surfer sur la vague du numérique. Dans un contexte où le support préféré des institutions est devenu le numérique, il est important pour l’édition académique de tirer le meilleur parti possible des avantages de celui=ci.
Le deuxième défi du CAIRN est de maximiser la visibilité de ses publications. Il s’agit de s’assurer que si un internaute fait des recherches pour trouver des revues universitaires en sciences humaines et sociales, il trouve les publications proposées par CAIRN. Il est donc important de s’assurer que les revues proposées sur CAIRN sont bien référencées sur les moteurs de recherche « classiques » (comme Google), mais également sur d’autres outils plus spécifiques : les index mis à la disposition des étudiants/chercheurs dans lesquels sont référencées les revues, les publications universitaires et académiques comme le Web of Science ou Scopus (qui sont également un gage de qualité pour le contenu qu’ils reprennent), mais également les logiciels de bibliothèques qui répertorient toutes les ressources auxquelles ces institutions sont abonnées. Pour nous assurer du bon référencement de nos publications sur tous ces outils, nous travaillons et optimisons leurs métadonnées : pour chaque revue, nous identifions les titres de tous les articles, leurs auteurs, les résumés, les mots-clés, etc.
Enfin, le troisième défi que j’identifie est plus spécifique au monde non francophone : s’assurer de la diffusion des contenus du CAIRN dans les bassins anglophones (la lingua franca de la recherche universitaire est aujourd’hui l’anglais). Le CAIRN, par le biais d’un programme qui est en place depuis plusieurs années, fait un gros travail de traduction. Il s’agit de traduire les métadonnées du français vers l’anglais, mais aussi, dans certains cas, de traduire des articles. Ceux-ci sont sélectionnés par des comités éditoriaux sur base de leur intérêt potentiel pour un lectorat autre que francophone. Grâce à ce travail de traduction, des revues de sciences humaines et sociales figurent dans des outils dont la langue principale de publication est l’anglais. De cette manière, les publications de langue française ne disparaissent pas ou ne deviennent pas invisibles dans ces outils parce que publiées dans une langue différente. Il existe un véritable enjeu qui est de conserver une certaine diversité dans les ressources qui sont proposées aux chercheurs et aux étudiants : il ne faut pas se limiter à des publications de langue anglaise chez des éditeurs anglo-saxons.
Quels sont les formats choisis pour les publications académiques, et pourquoi ?
Comme on a pu le voir lors du DPUB Summit, dans l’édition académique, on se retrouve face à des problématiques différentes de l’édition grand public. Du coup, les choix techniques diffèrent. Le format qui a été choisi sur CAIRN est le format XML. Celui-ci permet de déstructurer le contenu : « découper » un numéro de revue en articles, une collection de revues en numéros, un article en titres, sous-titres, introduction, en identifiant les références, les notes, etc. À partir du XML, les usagers consultent le contenu en HTML. Grâce à l’HTML, les articles contiennent de nombreux hyperliens qui permettent au lecteur de rebondir entre les articles, les sujets et les auteurs. Notre objectif est de proposer tous types de publications au sein d’un écosystème unique.
Ensuite, pour une lecture plus linéaire du contenu, les usagers peuvent télécharger le contenu en PDF. C’est une version plus figée de l’article puisqu’il n’y a plus d’hyperliens, mais uniquement le texte de l’article. Une lecture sur CAIRN s’apparente plus à un ensemble de recherches effectuées par l’internaute au sein de l’écosystème, alors que l’utilisation du PDF correspond à une lecture plus profonde et complète. Ces deux formats permettent dès lors des usages différents.
Bien qu’il s’agisse du format de prédilection de diffusion des ebooks, le CAIRN ne propose pas d’ePub. Cela s’explique en partie par le fait que nous ne poursuivons par les mêmes objectifs que les éditeurs grand public : nos défis sont de maximiser la diffusion et la visibilité de nos publications quand les éditeurs grand public ont plutôt tendance à se focaliser sur l’accessibilité de leurs contenus (notamment sur leur rendu dans les liseuses et autres appareils), tout en se protégeant contre le piratage de leurs œuvres. Dans ce contexte-là, un format comme l’ePub est plus adapté.
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— Emilie de Sousa Oliveira