Dyspraxiatheca, première bibliothèque en ligne à destination des enfants dyspraxiques
Julie Guilleminot est cofondatrice et présidente de l’Apprimerie, une maison d’éditions interactives. Nous sommes allés à sa rencontre pour discuter du projet européen DYSPRAXIATHECA qui vise à aider les enfants dyspraxiques dans leur environnement scolaire en leur apportant de nouvelles ressources.
Lettres Numériques : L’Apprimerie propose des éditions interactives, comment définiriez-vous ce concept ?
Julie Guilleminot : Nous cherchons à imaginer ce qu’offrent les supports numériques en matière d’expérience de lecture et de facilité d’accès aux contenus. À travers nos livres, nous avons exploré différentes pistes aussi bien en termes de narration que de navigation. Par exemple, dans le cadre de l’adaptation de textes classiques, comme Le Horla de Guy de Maupassant ou Les choses de Georges Perec, nous avons travaillé la mise en page comme une promenade littéraire en jouant avec le fond et la forme à travers des calligrammes animés, des jeux de lettres et des animations graphiques et sonores. Pour des publications documentaires ou universitaires, nous avons réfléchi à des navigations complexes entre les contenus : navigation en croix, systèmes de pop-up, défilement vertical ou horizontal avec ou sans parallaxe, inspirées des nouvelles pratiques en termes de navigation Internet.
Vous participez également à des projets, tels que DYSPRAXIATHECA, en quoi consiste-t-il et quel est votre rôle ?
DYSPRAXIATHECA est une bibliothèque numérique de ressources pédagogiques gratuites à destination des élèves dyspraxiques. Elle regroupe des ebooks libres de droit avec une maquette personnalisable, des exercices interactifs en ligne, des exemples de leçons adaptées et des fiches pratiques. Ce projet est financé par le programme Erasmus+. Nous en sommes le chef de file et coordinateur.
Il est né du constat du manque de ressources gratuites disponibles et de la méconnaissance de ce trouble aussi bien au niveau national qu’européen. La vocation d’Erasmus+ est à la fois de produire des contenus, mais également de sensibiliser et de procéder à un échange de compétences et de bonnes pratiques.
Qui d’autre y contribue ?
DYSPRAXIATHECA rassemble 5 autres partenaires européens :
- LogoPsyCom, une organisation belge spécialisée dans la dyspraxie et les troubles d’apprentissage ;
- DDE Karditsa, une institution grecque spécialisée dans la formation et l’éducation ;
- La Fondation italienne Franchetti-Hallgarten, spécialisée dans les pédagogies innovantes ;
- La municipalité de Lousada au Portugal ;
- Et enfin Edulog, une société française spécialisée dans les outils numériques à destination des établissements scolaires.
Comment définiriez-vous la dyspraxie ? Est-ce une pathologie répandue ?
Il y a peu d’études sur le sujet, mais on estime entre 6 et 8 % de la population diagnostiquée « dys » ce qui regroupe dyslexie, dyscalculie, dyspraxie, etc. La dyspraxie est une forme de trouble de la coordination du développement (TDC) qui affecte la coordination motrice fine et/ou globale chez les enfants et les adultes. Elle peut aussi affecter l’articulation et la parole, la perception et la pensée. Les enfants peuvent éprouver des difficultés à prendre soin d’eux-mêmes, à écrire, à faire du vélo ainsi qu’à participer à d’autres activités éducatives et récréatives. À l’âge adulte, bon nombre de ces difficultés se poursuivront, de même que l’acquisition de nouvelles compétences à la maison, à l’école et au travail, comme la conduite d’une voiture ou le bricolage.
Comment fonctionnera concrètement DYSPRAXIATHECA ?
La plateforme a pour objectif d’améliorer l’accès, la participation et les performances des élèves dyspraxiques, de 6 à 16 ans, au sein du système éducatif. L’ensemble des ressources est librement téléchargeable depuis le site www.dyspraxiatheca.eu et exploitable sous la license Creative commons 4.0. DYSPRAXIATHECA entend ainsi apporter des solutions et des outils pratiques aux élèves, aux enseignants et aux parents et être un espace de téléchargement et de partage de futures productions que les organisations, les entreprises, les écoles ou les particuliers pourraient produire.
En quoi le numérique est-il un outil pour améliorer l’accessibilité des livres aux enfants dyspraxiques ?
L’écrit sous sa forme imprimée est très difficile d’accès aux enfants dyspraxiques. Les supports numériques offrent une série d’aides à la lecture qui permettent de pallier ces difficultés : maquette adaptable, texte lu, etc. Ils sont donc des outils précieux et indispensables pour favoriser l’accès aux contenus écrits.
Pourquoi ce projet est-il nécessaire selon vous ?
DYSPRAXIATHECA est la première plateforme européenne de ressources pédagogiques adaptées aux élèves dyspraxiques en français, anglais, portugais, grec et italien. C’est un petit pas en faveur de l’accessibilité et de la prise de conscience de ce type de troubles qui touche, je le rappelle, au moins 6 à 8% de la population, et qui selon les pays européens ne bénéficie que d’une très faible prise en charge pédagogique.
Une conférence internationale a eu lieu le 18 octobre, afin de communiquer les premiers résultats de la plateforme. Que pouvez-vous en dire ?
Le projet sera finalisé le 31 décembre 2018. Nous sommes pour l’instant dans la phase de corrections et de traductions. La plateforme est ouverte et les contenus sont d’ores et déjà disponibles en téléchargement. N’hésitez pas à les télécharger, à les partager et à nous envoyer vos retours.
Propos recueillis par Jean Cheramy
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— Jean Cheramy