Tout savoir sur la coédition : une coédition, pour quoi faire ? (Partie 1)
Dans le but de concrétiser davantage le partenariat qui unit Lettres Numériques et le PILEn (Partenariat interprofessionnel du livre et de l’édition numérique) depuis plusieurs années, l’équipe de Lettres Numériques est heureuse d’ouvrir une nouvelle sous-catégorie dans la rubrique très appréciée « boîte à outils » de son site : une section spécialement réservée aux comptes-rendus des activités et formations organisées par le PILEn.
Pour ce premier compte-rendu, nous allons revenir sur le cycle de formations organisé autour du thème de la coédition. Comme nous vous l’expliquions ici, trois conférences ont été données par Jean-Philippe Thivet, éditeur, producteur et auteur franco-belge :
- Jeudi 28 mars 2019 – Une coédition, pour quoi faire ?
- Jeudi 25 avril 2019 – Comment structurer un partenariat ?
- Mardi 28 mai 2019 – Comment mettre en place un partenariat international ?
Nous revenons aujourd’hui avec le compte-rendu complet de cette première journée de formation, qui répondait à la question : une coédition, pour quoi faire ?
Coédition, partenariats, licences et cessions : quelles différences ?
Une douzaine d’éditeurs-trices, libraires et auteurs-trices sont présent-es pour cette première formation sur la coédition. Que leur évoque le mot coédition ? Pour certain-es participant-es, il s’agit avant tout de grandir ensemble, d’approche multimodale, d’ouverture, de partenariat, de synergie ou de division des compétences. Pour d’autres, c’est plutôt un passage obligé ou une contrainte. Pour Jean-Philippe Thivet, la coédition est synonyme de recherche d’une personne qui va nous permettre de résoudre un problème, de combler un manque, de surmonter un défi. Ce défi peut se rapporter à un manque de financement, de compétences ou d’accès logistique. La coédition, c’est une opportunité de réduire le risque économique ou de diviser les tâches en fonctions des zones de confort respectives. La coédition peut permettre de faire plus, de faire mieux, de faire plus vite et ainsi d’être plus fort pour aller plus loin. Grâce à la coédition, atteindre le plein potentiel de son projet, la viabilité voire la rentabilité économique peut ainsi s’avérer plus simple.
Autour des principes de la coédition, plusieurs logiques gravitent, qu’il convient de différencier. Par exemple, la logique du partenariat (traditionnellement avec les médias, qui vont booster la promotion d’un projet moyennant présence visuelle). La licence (qui rémunère des ayants droit autorisant un projet que l’on porte soi-même, sans mutualisation des ressources) est également à différencier de la coédition. La cession (où un produit existant est adapté moyennant rémunération) est aussi différente de la coédition. L’élément-clé de la coédition réside, à la différence donc de ces logiques, sur la mise en commun des points forts des parties prenantes, pour une complémentarité profitant au projet.
Connaître ses forces et ses faiblesses pour identifier le partenaire qui nous convient
Pour déterminer avec qui faire une coédition, il faut d’abord correctement définir sa propre identité, à l’aide par exemple de la matrice SWOT (acronyme pour Strengths Weaknesses Opportunities Threats). Celle-ci permet de dresser les points positifs de son projet, internes (les forces) comme externes (les opportunités existantes). Le SWOT identifie par ailleurs les points négatifs, à nouveau internes (les faiblesses) comme externes (les menaces potentielles).
En quelques minutes, il est déjà possible de dire qui on est, dans quel environnement on évolue et surtout comment tourner cela à son avantage ; des opportunités qu’on ne saisit pas peuvent se transformer en faiblesses. À l’inverse, des faiblesses bien identifiées (un manque de visibilité, de diffusion ou de distribution) peuvent être dépassées, notamment grâce à l’appui d’un-e coéditeur-trice adapté-e à nos besoins. À l’autre bout de la chaîne de la coédition, nos forces seront ce qui va intéresser notre potentiel-le coéditeur-trice. Ceci étant, il faut être conscient que la coédition peut également revêtir des menaces, comme la question de l’image de marque de l’autre, toujours susceptible de se dégrader suite à un scandale notamment.
Le SWOT permet surtout de lancer les bases d’une réflexion et de commencer à faire exister son projet à petite échelle. On peut alors se rendre compte si son idée fonctionne, ce qui manque pour qu’elle fonctionne et comment elle peut évoluer pour fonctionner. Le modèle SWOT permet d’agir bien en amont et d’adopter des lignes d’action structurantes.
Une coédition avec un éditeur, un libraire ou les lecteurs ?
Une fois qu’on a clairement établi qui ont est et ce qu’il nous manque, on peut se mettre en quête du-de la coéditeur-trice qui permettra une addition de valeurs ajoutées.
La définition de la coédition, d’après le Larousse, est une édition d’un même ouvrage par plusieurs éditeur-trices. En tant qu’éditeur-trice, je chercherai ainsi souvent parmi mes pairs. Par exemple, un-e éditeur-trice généraliste peut chercher un-e éditeur-trice spécialisé-e qui bénéficie d’une image de marque auprès d’un public de niche, qui a un accès à une matière spécialisée, à un fonds iconographique qui nous manque.
En tant qu’éditeur-trice, je pourrai aussi chercher au sein de la chaîne du livre : auteur-trice, ayant droit, agent, libraire ou bien encore lecteur-trice. Les possibilités sont nombreuses mais pas toujours sans danger. Il faut ainsi bien mesurer le rapport coût-bénéfice de la coédition, et bien poser le cadre de la collaboration.
La société en participation, véhicule de la coédition
Pour mettre en place une coédition, on met en place une société en participation, qui sera le véhicule du partenariat. Celle-ci s’apparente de base à une SNC (Société en Nom Collectif). Cependant, il ne s’agit pas d’une personne morale, qui n’aura pas d’existence propre et pour lequel aucun acte écrit n’est requis. Ceci présente les avantages d’une grande rapidité, discrétion, liberté et souplesse dans le lancement et le fonctionnement. Il est cependant hautement recommandé de se protéger en documentant au maximum cette alliance temporaire. À commencer par coucher par écrit la clé de répartition des bénéfices et des pertes et les apports en nature, industrie et numéraires. Il faut également clairement déterminer qui fait quoi à chaque étape de la chaîne du livre et qui paie quoi (la question des compétences et du financement vue plus haut). Ceci peut s’avérer délicat, en particulier pour les engagements. Ces derniers doivent respecter la clé de répartition et peuvent recouvrir des calendriers comptables différents pour chaque coéditeur-trice.
Pour résumer, la coédition requiert de la créativité dans la recherche de nouveaux débouchés, de la confiance envers son-sa coéditeur-trice et de la rigueur dans les écrits et la mise en œuvre.
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— Gilles Simon