Quand la chaîne du livre devient la chaîne de la data

Sophie Vandepontseele, directrice des collections contemporaines de la Bibliothèque royale de Belgique (KBR), a présenté la plateforme depotlegal.be lors colloque annuel du PILEn (Partenariat Interprofessionnel du Livre et de l’Édition numérique) « D’ici à là-bas » qui a eu lieu en novembre dernier. depotlegal.be constituerait en effet un outil de rayonnement du livre belge francophone. Voyons en quoi il y contribue.

Le site du dépôt légal belge est défini par la KBR comme une plateforme « de publications belges (monographies, périodiques, etc.) éditées par des éditeurs commerciaux, des associations, des services publics, des universités et des particuliers. Sous format PDF et ePub ». C’est un outil qui permet d’effectuer la déclaration de dépôt légal en ligne. On y trouve aussi une vitrine reprenant les derniers dépôts et publications annoncées. Cette vitrine reprend tant des publications imprimées que numériques.

Le dépôt légal belge : une loi, trois services

Le dépôt légal est une loi belge mise en application depuis 1965 qui oblige tout publiant d’auteur et autrice belge ou vivant sur le territoire belge à déposer une copie à la Bibliothèque royale. Aujourd’hui, la Bibliothèque royale belge tend vers la numérisation de ces ouvrages avec la plateforme depotlegal.be. Dans cet élan, elle souhaite conscientiser tous les acteurs du monde du livre sur l’importance des métadonnées comme outil de rayonnement des écritures belges. Le dépôt légal, qui est par la loi une obligation, offre en réalité un service qui se déploie sous trois axes :

  • Un lieu de dépôt

Toutes les parutions sont déclarées et déposées auprès de la KBR. Les procédures pour ce faire sont clairement énoncées sur le site depolegal.be. Même s’il est encore possible d’envoyer la version papier, il s’agit de dématérialiser l’ouvrage au maximum. Pour les publications numériques, on peut à la fois encoder ou télécharger les métadonnées et directement soumettre le fichier numérique.

  • Une vitrine

Cette plateforme offre aussi une grande visibilité aux nouvelles parutions, une véritable vitrine classée par maisons d’édition. La KBR souhaite réduire au maximum le délai d’attente entre le dépôt d’un ouvrage et sa parution dans le catalogue numérique de la bibliothèque. Pour une attente de 4 à 6 mois au début, la KBR arrive aujourd’hui à un délai de 6 à 8 semaines. KBR travaille quotidiennement à la diminution du délai entre le moment où une publication est déposée et le moment où elle est effectivement disponible pour le lecteur dans le catalogue. Le dépôt légal tel qu’inscrit dans la loi prévoit un délai maximum de 15 jours après la parution d’un ouvrage pour être déposé ; si l’on ne respecte pas ce délai, l’ouvrage en question est archivé dans le catalogue de la KBR et perdra donc la visibilité de la vitrine depotlegal.be.

  • Une bibliographie

Enfin, la plateforme donne accès à une véritable bibliographie des publications belges au travers de son inventaire mensuellement mis à jour et sans équivalent.

La KBR lance un appel aux éditeurs et éditrices

L’intérêt de la plateforme du dépôt légal de la KBR par rapport à d’autres « concurrents » de la métadonnée est que la Bibliothèque royale de Belgique propose un service gratuit avec des données gratuites et exportables pour tous les acteurs.

Le monde de l’édition est à l’origine de l’encodage des métadonnées. L’objectif de cet outil de dépôt légal est double à leur égard : d’une part, la KBR souhaite leur faciliter la mise en pratique. Concrètement, depotlegal.be offre une grille de champs à compléter qui permet de standardiser toutes les métadonnées. Ensuite, une fois atteint le niveau de la catalographie, les catalographes peuvent récupérer une partie de ces métadonnées et le travail de description bibliographique est effectué avec le livre en main.

Il est important de sensibiliser tous les acteurs du monde du livre et plus particulièrement encore les maisons d’édition. En effet, si l’encodage des métadonnées est intégré, complet et mis correctement en forme, ceci facilite tout transfert de données et donne plus de visibilité, notamment pour le commerce en ligne. Le commerce en ligne ne fonctionne qu’avec des métadonnées. Les maisons d’édition qui ne publient que du livre papier pourraient se sentir moins concernées, mais il est aujourd’hui indispensable d’avoir des métadonnées de qualité pour avoir un minimum de visibilité. En France, le Syndicat National de l’Édition a même été jusqu’à publier une brochure, très complète et claire, sur ce que sont les métadonnées. La KBR souhaite aussi élaborer un tel outil, en travaillant par exemple avec l’ADEB (Association des éditeurs belges). Le PILEn a pour sa part organisé, avec Stéphane Leroy, une journée de formation sur le sujet.

Or, en ce jour de colloque sur le rayonnement du livre et des écritures belges francophones, l’atelier n’a pu compter sur la présence d’éditeurs ou éditrices. Face à ce constat, la directrice à la Bibliothèque nationale de Belgique appelle les maisons d’édition, mais aussi tous les acteurs du monde du livre, à prendre conscience de ces changements :

« Il faut éviter de parler de la chaîne du livre. C’est la chaîne de la data, de la donnée. Il s’agit de la réalité d’aujourd’hui du livre. Sans ce constat, le métier ne va pas pouvoir être renouvelé. C’est un métier très “à l’ancienne”, alors que les technologies ne sont plus les mêmes et les compétences requises non plus. Il est donc essentiel de comprendre l’enjeu de ces métadonnées. »

Dépôt légal : standardisation et interopérabilité

Concrètement, comment déposer ou récupérer les métadonnées des ouvrages sur la plateforme de la KBR ? Il existe trois procédures possibles.

La première consiste à déposer les métadonnées à la pièce. Celle-ci va principalement concerner les plus petites maisons d’édition, qui sortent 3 à 5 publications par an. La seconde procédure permet de charger les métadonnées via CSV, que la KBR pourra ensuite récupérer. La dernière option, qui semble être l’option la plus optimale en termes de qualité de contenu, est l’utilisation des flux ONIX (ONline Information Exchange).

Le format ONIX est un format interopérable, qui permet aux différents partenaires du livre d’échanger les métadonnées sans les altérer. Tout le monde obtient les mêmes infos qui sont traitées de la même manière. C’est en quelque sorte un langage commun, une standardisation des contenus et de ce fait un outil interopérable qui permet des échanges structurés de métadonnées. La KBR a donc intégré à son système la réception des champs ONIX qui sont directement adaptés sans qu’aucune manipulation n’intervienne. Autrement dit, les flux ONIX rendent possible l’automatisation des échanges de données.

Cependant, cette standardisation des métadonnées a un coût et la Bibliothèque royale en est bien consciente. Le format ONIX est donc souvent plus prisé par les grandes maisons d’édition, mais la Bibliothèque royale de Belgique souhaite tout de même encourager tous les éditeurs et éditrices à investir dans ces outils qui semblent être les modèles du futur.

« Je me demande si la FWB n’aurait pas un rôle à jouer là-dedans : accompagner les maisons d’édition à s’upgrader dans les technologies. Parce que ça fait aussi partie du rayonnement. Le rayonnement, ce ne sont pas uniquement des aides à la création de contenus, ce sont aussi des aides dans l’accompagnement des technologies. Ces outils qui amènent une plus grande visibilité à la vente, à l’exportation et au commerce en ligne. »

Il faut aussi mentionner la difficulté de composer avec un paysage belge relativement fragmenté, ce qui oblige la KBR à offrir un service varié. Sophie Vandepontseele confirme que, du côté néerlandophone, le procédé est plus fluide : la KBR utilise les données de la Boeken Bank, la bibliothèque publique de Flandre. Mais du côté francophone, le système est plus disparate et donc les métadonnées plus difficiles à récupérer et à standardiser. La difficulté de ce système plus disparate se fait aussi ressentir face à nos homologues francophones français, qui recensent moins de cas de dépôts à la pièce qu’en Belgique. La Belgique ne peut pas se permettre de développer son propre système de métadonnées si elle souhaite rayonner à l’international.

Finalement, n’oublions pas de regarder du côté des usagers qui, eux, ne connaissent pas les enjeux existants derrière leurs recherches de livres et ouvrages. Si l’on veut pouvoir concurrencer des services mondiaux et gratuits, il est nécessaire de penser l’ergonomie de la plateforme du point de vue des utilisateurs. « Il faut se mettre dans la peau des usagers et arrêter de parler en collection pour répondre à une demande bien précise » nous dit ainsi Sophie Vandepontseele.

En quelques mots, le site du depotlegal.be est un service national belge gratuit, qui soutient le rayonnement du livre et des écritures belges francophones et néerlandophones. La KBR qui en est l’initiatrice en appelle à tous les acteurs et actrices de la chaîne de la data à prendre conscience de l’importance d’une métadonnée qui soit la plus « propre » possible.

Retrouvez ce compte-rendu ainsi que d’autres billets sur le blog du PILEn.

Ailleurs sur Lettres Numériques :

Crédits photos à la une : © PILEn

Retrouvez Lettres Numériques sur TwitterFacebook et LinkedIn.

— Julie Sharp

Share Button