La Bibliobox, un outil original de partage de contenu

Depuis plusieurs années, le concept de BiblioBox s’est répandu dans une série de bibliothèques, de centres de documentation, d’institutions scolaires françaises et il a commencé à faire son apparition en Belgique. C’est un outil apprécié des amateurs de logiciels libres et de partage de documents numériques.

Dans la pratique, une BiblioBox est un dispositif électronique de partage de ressources, que ce soient des livres numériques, des documents, des vidéos, des photos ou de la musique. La BiblioBox génère un réseau Wi-Fi auquel on peut se connecter via un smartphone, une tablette ou un ordinateur portable, et qui permet ensuite de télécharger les contenus qu’elle héberge.

Alors qu’à l’heure actuelle, les services numériques sont, dans leur immense majorité, basés sur internet et sur un hébergement de données dans le « cloud », la BiblioBox va à contre-courant de ces tendances. Le contenu du dispositif n’est pas partagé sur internet, n’est accessible qu’à proximité de la BiblioBox et est hébergé directement sur l’appareil. Face à ces contraintes, on est en droit de se demander si cet outil ne date pas d’un temps révolu et s’il n’a pas été dépassé par les nouvelles technologies.

Il n’en est rien. La BiblioBox est une variante de la PirateBox, un appareil créé en 2013 par David Darts, un artiste, activiste et informaticien américain. Il voulait créer un outil simple de partage de fichiers, inspiré des radios pirates, en opposition aux scandales de la surveillance d’internet par les autorités américaines. Il devait permettre de créer n’importe où un espace et un réseau de partage temporaire de fichiers, aucune information n’étant conservée sur les personnes se connectant à ce réseau. David Darts voulait ainsi créer une alternative locale et anonyme à internet.

Cet outil mobile, permettant de partager facilement des documents et fichiers, de manière anonyme et sans devoir passer par internet a, par la suite, intéressé des bibliothécaires technophiles. Parmi ceux-ci, Jason Griffey a, par le biais d’un projet participatif sur Kickstarter, lancé la LibraryBox, une version « clé sur porte » de l’appareil, destinée aux bibliothèques, centres de documentation, services publics, et ne nécessitant que peu de configuration et de bidouillage de la part des utilisateurs.

La BiblioBox est la déclinaison francophone du projet, qui est animé par une communauté de passionnés (souvent issus du monde des bibliothèques et des centres de documentation) et dont les discussions et ressources sont rassemblées sur le site http://bibliobox.net, créé par Thomas Fourmeux et Sylvain Naudin.

Quels sont les avantages d’une BiblioBox pour une bibliothèque ?

Si la BiblioBox et les projets qui l’ont inspirée ont eu du succès chez les bibliothécaires, c’est en partie par son aspect alternatif et sa technologie basée sur des logiciels libres. Cet outil gravite dans les projets DIY (Do It Yourself) et Open Source qu’affectionnent de nombreux bibliothécaires et documentalistes technophiles.

Mais ce n’est pas juste une question de technologie. L’aspect de localisation géographique rentre également en ligne de compte. En effet, la BiblioBox ne se trouve pas sur internet, mais elle est liée à un lieu.

Le contenu, comme nous l’avons vu, n’est accessible qu’à proximité de l’appareil. Psychologiquement, cela crée un pont entre le concept d’internet en tant que bibliothèque entièrement virtuelle, contenant tout et n’importe quoi, accessible depuis partout dans le monde, pour peu que l’on ait accès à une connexion, et la bibliothèque physique, qui nécessite de se rendre sur place, mais est accessible sans outils complémentaires et contient des documents organisés et sélectionnés par des professionnels, dans le but de rencontrer les besoins des lecteurs de la manière la plus efficace possible.

En effet, les documents présents sur la BiblioBox ont été choisis et organisés par les bibliothécaires, et la contrainte de lieu fait que l’on se rapproche d’une véritable étagère virtuelle, liée à une thématique particulière. On peut donc imaginer une sélection de documents visant à accompagner un lieu ou un événement spécifique nécessitant pour le public de se trouver sur place. Les documents numériques viennent alors en complément à une visite, atelier ou toute autre activité.

Les bibliothèques qui accompagnent leurs animations et autres événements d’une sélection de livres peuvent faire de même avec la BiblioBox, mais avec des documents électroniques cette fois.

Du point de vue pratique, la BiblioBox ne nécessite pas une connexion internet. Elle a juste besoin que le smartphone, la tablette ou l’ordinateur portable de l’utilisateur se connecte directement par Wi-Fi à celle-ci. Cela en fait un outil très versatile, les connexions internet en Wi-Fi n’étant pas disponibles partout et tout le monde ne possédant pas un abonnement 3G/4G.

Enfin, l’outil est mobile et ne consomme que peu de courant. Des batteries portables existent et permettent à la BiblioBox de fonctionner une journée entière loin d’une prise de courant. L’activité qu’elle accompagne peut donc se dérouler à la bibliothèque ou hors les murs.

Du point de vue pratique, comment mettre en place une BiblioBox ?

La personne voulant mettre en place une BiblioBox se retrouve devant deux possibilités. Elle peut se tourner vers le projet LibraryBox et acheter l’appareil déjà configuré, contenant tous les logiciels nécessaires. Il faut alors se procurer l’appareil sur le site du projet pour environ 135,00 € et le faire venir des États-Unis. C’est la solution la plus chère, mais l’appareil est livré prêt à l’emploi et les bénéfices récoltés servent à alimenter de nouveaux développements informatiques pour le projet. L’autre solution est bien moins onéreuse (l’achat du matériel requis ne dépasse pas les 50,00 €), mais nécessite de mettre la main à la pâte. Le matériel de base est le même dans les multiples déclinaisons du projet : il s’agit d’un petit routeur portable (le modèle TP-Link TL-MR3020 pour être plus précis) qui est, à l’origine, prévu pour créer un réseau Wi-Fi sur la base d’une connexion 3G/4G. Dans le cas de la BiblioBox, il va être détourné de sa fonction première et créer un réseau diffusant le contenu d’une simple clé USB connectée au routeur. Pour cela il faut installer une série de fichiers sur la clé USB, qui vont modifier le programme interne du routeur et créer l’environnement permettant de diffuser les fichiers déposés sur la BiblioBox.

Comme souvent dans les projets Open Source, le nouveau venu peut compter sur une série de tutoriels et une communauté dynamique.

Toutes les informations nécessaires se trouvent sur le site http://bibliobox.net, et la mise en place du système n’est pas très compliquée, surtout depuis la mise à disposition des derniers logiciels très performants issus de la campagne de financement participatif de la LibraryBox. Soulignons quand même que l’utilisation de quelques lignes de commandes va se révéler nécessaire, mais ce n’est pas le genre de choses qui rebutent les bibliothécaires amateurs de logiciels libres. Ensuite il ne reste plus qu’à ajouter du contenu à partager sur la BiblioBox.

Quel contenu pour la BiblioBox ?

Un des aspects intéressants de ce projet est, pour le bibliothécaire, de pouvoir faire un véritable travail de curation du contenu et de sécuriser celui-ci. En effet, la connexion à la BiblioBox est asymétrique : par défaut, les utilisateurs ne peuvent pas y ajouter du contenu, mais uniquement télécharger les documents présents sur celle-ci. C’est une garantie de n’y trouver que des documents sélectionnés par les bibliothécaires et dont ils sont garants. Il faut donc que les documents aient été créés par les bibliothécaires ou qu’ils soient légalement téléchargeables.

En ce qui concerne les ressources disponibles pour trouver du contenu librement diffusable, elles sont nombreuses. Du projet Gutenberg à Feedbooks en passant par WikiSource, Open Library ou Internet Archive, les bibliothécaires n’ont que l’embarras du choix pour trouver des titres tombés dans le domaine public ou des auteurs contemporains proposant leurs créations sous licence Creative Commons. La valeur ajoutée des bibliothécaires sera de sélectionner les documents et de proposer une collection pertinente en lien avec le lieu où sera déployée la BiblioBox.

Un exemple de sélection thématique d’e-books peut se trouver sur le site Pearltrees (http://www.pearltrees.com) en faisant une recherche sur le terme BiblioBox.

Enfin, si les retours d’expérience d’utilisateurs de BiblioBox sont encourageants, toutes les personnes l’ayant intégrée dans leurs projets insistent sur la nécessité d’une signalétique claire et de médiation auprès du public. Des affiches et explications écrites doivent absolument signaler la présence de la BiblioBox et expliquer aux visiteurs son utilisation. À partir de là, toutes les déclinaisons sont possibles.

Des expériences ont, par exemple, eu lieu en milieu scolaire, l’appareil servant alors à héberger du matériel pédagogique à utiliser en classe par des étudiants équipés de tablettes ou de smartphones.

La BiblioBox en Belgique

Le site bibliobox.net reprend une carte qui compile les lieux proposant une BiblioBox à leurs utilisateurs. En ce qui concerne la Belgique, il n’y a actuellement qu’une seule entrée : la bibliothèque de la commune de Saint-Gilles à Bruxelles. Celle-ci a installé une BiblioBox à l’occasion de la Fureur de Lire 2014 dont la thématique était « Lectures en liberté ». En plus de textes libres de droits, elle a proposé à ses lecteurs de faire découvrir leurs propres textes en les diffusant sur la BiblioBox sous une licence Creative Commons. Le but du projet était également de mieux faire connaître les possibilités de ce type de licence et de faire la promotion des logiciels libres.

Il n’y a pas de raison pour que cet outil ne se diffuse pas dans d’autres bibliothèques. C’est un projet ludique et peu onéreux à mettre en place, qui permet la mise en valeur des documents numériques à peu près n’importe où. Encore une preuve que les solutions sont dans les mains des bibliothécaires, que le partage de documents peut prendre de nombreuses formes et que tout ne doit pas nécessairement passer par les outils commerciaux des géants de l’internet.

Par François de Hemptinne

Directeur de la Bibliothèque Hergé d’Etterbeek

« Article paru dans Lectures n°192 (septembre-octobre 2015), Ministère de la Culture, Fédération Wallonie-Bruxelles ».

Tous les numéros de la revue sont accessibles sur Calaméo.

— Gaëlle Noëson

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Gaëlle Noëson

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