Livre numérique en Suisse : un marché prometteur

Dans notre tour d’horizon du livre numérique à l’étranger, nous nous penchons cette semaine sur le cas de la Suisse francophone. Le marché de l’ebook y est encore assez réduit, mais quelles sont les habitudes des lecteurs suisses et quelles sont les initiatives qui existent en numérique ? Lettres numériques fait le point.

Lentement, mais sûrement

En Suisse romande, les ventes de livres papier dominent toujours le marché et la situation du livre numérique est similaire à celle d’autres pays européens, la Belgique ou la France notamment. Comme nous le confiait Isabelle Falconnier, la présidente du Salon du Livre de Genève, lors d’un précédent entretien, beaucoup d’interrogations subsistent autour du prix de l’ebook, ainsi que des droits des auteurs et des lecteurs. Mais la croissance du marché numérique, si elle est discrète et plutôt lente, reste néanmoins constante.

Pour mieux cerner la question, le Service de la culture de Genève a réalisé une enquête auprès des lecteurs sur Les habitudes d’achats de livres en Suisse romande. Il en ressort qu’un quart des lecteurs a déjà testé la lecture en numérique et que la moitié d’entre eux (environ 13%) lit des ebooks de manière régulière. Ce chiffre est à relativiser car il n’était que de 8% en 2012, ce qui indique que l’intérêt pour le livre numérique augmente tout de même rapidement, compte tenu de la généralisation des supports de lecture et de l’élargissement de l’offre d’ebooks en français.

Arguments du numérique

Outre la disponibilité des ouvrages et l’aspect pratique, la gratuité de certains ebooks, pensons aux ouvrages gratuits du domaine public ou aux ouvrages offerts, joue un rôle important dans le rapport au numérique. En effet, l’acquisition d’un livre numérique n’implique pas toujours de devoir payer et ce critère séduit une partie des lecteurs suisses qui n’achètent donc pas de livres, sans parler de ceux qui ont recours au piratage. La majorité des lecteurs effectue tout de même des achats mais ceux-ci restent limités (1 à 3 livres par an) par rapport aux achats en papier (plus de 10 par an). Les lecteurs considèrent le prix du livre en général trop élevé et le faible taux d’achat explique que le marché du numérique ne décolle pas vraiment en Suisse.Nuage de mots

Des acteurs digitaux qui s’implantent

La complémentarité des supports donne lieu à une forte demande d’offre couplée des versions papier et numérique d’un même livre : le lecteur suisse souhaite avoir la possibilité d’acheter l’une ou l’autre version, ou les deux, et ce au même endroit. C’est ce qu’a bien compris Payot, une grande chaîne de librairies en Suisse, qui le propose déjà à ses clients. Certains éditeurs favorisent le développement de leur offre papier en numérique, à l’image des Éditions Eaux troubles (spécialisées dans les polars et les thrillers) et des Éditions uTopie (livres jeunesse interactifs).

Les éditeurs pure players, dont l’offre est essentiellement numérique, pourraient représenter pour la Suisse romande un bon compromis, surtout pour les auteurs qui passent par l’auto-édition : il s’agirait pour ces derniers d’un moyen de se faire connaître et pour l’éditeur numérique d’atteindre directement un marché ciblé.

Initiatives des librairies et bibliothèques

Si Amazon est, comme dans de nombreux autres pays, largement en tête des sites de ventes d’ebooks, de petites plateformes locales tirent également leur épingle du jeu : la plateforme mise en place par l’Office du livre de Fribourg, consultable ici, est par exemple aussi fréquentée en Suisse que celle du géant Apple.

Certaines bibliothèques proposent des prêts de liseuses et de livres numériques. Ils complètent le papier et permettent de répondre à la demande des lecteurs : quand un livre a du succès et que son prêt est sollicité par plusieurs utilisateurs, le numérique devient alors l’outil idéal. Les librairies physiques, qui connaissent toujours le succès car l’expertise des libraires est très appréciée, peuvent également y gagner en renforçant les possibilités d’achats de livres numériques en leur sein, via des bornes par exemple, et en y apportant leurs conseils dans l’utilisation des supports de lecture, notamment.

La lecture en numérique ne s’est pas encore totalement installée dans les habitudes des lecteurs suisses mais certains acteurs du marché font des efforts pour s’y adapter en repensant leur offre et en ajustant leur stratégie. Si l’avenir du numérique en Suisse francophone est difficile à déterminer à l’heure actuelle, son évolution semble prometteuse et mérite d’être suivie avec la plus grande attention.

— Loanna Pazzaglia

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