Clarisse Bardiot de Subjectile : « Le format numérique aide à s’affranchir de certains freins »

Le 5 décembre prochain, le PILEn organisera un colloque sur l’ePUB à Bruxelles. Lettres Numériques est allé à la rencontre de l’une de ses intervenantes, Clarisse Bardiot, directrice des éditions Subjectile, spécialisées dans la création contemporaine, et créatrice du projet Rekall, qui vise à documenter et conserver les œuvres artistiques.

Pourriez-vous présenter brièvement l’origine de votre maison d’édition Subjectile ?

Ce projet est né en 2011 lorsque je travaillais, pour une institution culturelle, à des revues consacrées aux processus de création et aux relations entre les arts, les sciences et les technologies. J’ai alors pu constater le réel besoin des artistes de rendre plus explicite leur processus de création et j’ai voulu les accompagner dans l’expérience éditoriale. L’année 2011 a également été marquée par un grand bouleversement au niveau de l’édition avec les débuts de l’iPad. L’ensemble fournissait un terrain passionnant pour explorer de nouvelles formes d’édition.

Pourquoi avez-vous choisi de mêler numérique et papier ?

L’objectif de Subjectile est de s’adapter aux supports et aux problématiques d’aujourd’hui, comme la matérialité du numérique et la question du papier au sein de l’édition. Les formats papier et Clarisse Bardiotnumérique sont souvent mis en opposition mais sont en réalité complémentaires. Chacun a quelque chose à apporter et, chez Subjectile, le choix d’un support de publication se fait en fonction du projet de livre. C’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas une maison d’édition pure player : nous publions en papier et en numérique, et nous établissons également des liens entre les deux avec des livres hybrides.

Pensez-vous que le numérique peut être un bon outil pour revaloriser l’art et la culture ?

Une des questions principales autour du livre d’art papier est celle de sa diffusion et sa distribution. Dans ce cadre, le numérique offre de nouvelles possibilités et peut s’ouvrir à un public beaucoup plus large que celui qui fréquente les librairies spécialisées, par exemple. Un autre écueil est le prix souvent onéreux, mais justifié, des beaux livres au format papier. Le numérique est également intéressant de ce point de vue car il permet de réduire certains coûts, notamment ceux liés à l’impression, via sa très large diffusion. Le format numérique aide ainsi à s’affranchir de certains freins.

Quels supports et formats numériques utilisez-vous ?

Nous recherchons toujours la technologie la plus adéquate pour un projet donné. Nous avons jusqu’à présent utilisé 3 supports :

  • le livre papier avec des QR codes (format web) à lire au moyen d’un smartphone dans la collection Wish You Were Here! ;
  • le format numérique ePUB, qui respecte l’ambition et la qualité du livre papier de départ (comme dans la collection Cabarets de curiosités) ;
  • un livre papier à lire avec une application de réalité augmentée et sa version numérique adaptée au format iBooks d’Apple, dans la collection In Progress. Le livre se présente alors comme une articulation entre textes et images, et propose aussi des portfolios et des capsules vidéo.

Pour ce dernier support, nous avons développé un logiciel qui permet d’organiser des documents autour d’une captation vidéo. Ces éléments, en lien avec le film, apparaissent au fur et à mesure du visionnage et sont disponibles via une connexion internet. La lecture se fait donc à la fois à l’intérieur et en dehors du livre numérique. Notre ambition est en effet de réaliser un livre d’art au format numérique.

Quel est votre point de vue par rapport au format ePUB ?

Comme je l’ai évoqué, le format ePUB offre des possibilités de diffusion passionnantes, mais il conserve certaines lacunes. Nous sommes toujours dans l’expectative par rapport à ses modèles économiques et, si le format évolue avec l’ePUB 3 (qui permet d’inclure des contenus enrichis), le matériel de lecture (tablettes, liseuses, etc.) n’y est pas encore adapté. En tant que lectrice, je suis séduite par la facilité de lecture qu’offre le numérique, mais il reste encore beaucoup de travail à faire au niveau des métadonnées pour faciliter l’accès du lecteur aux très nombreux livres qui se trouvent dans les catalogues en ligne.

Rekall 1

Pourriez-vous également présenter le projet Rekall ?

Rekall est un logiciel dont l’objectif est de documenter, analyser et conserver les œuvres numériques. Le point de départ de cette initiative est la volonté d’aider les artistes des arts de la scène à préserver leurs œuvres dans un contexte d’obsolescence des technologies. Dans une logique de recherche, Rekall propose un corpus rassemblant des documents de tous types (textes, images, vidéos). Dans la lignée, nous avons également lancé MemoRekall, un logiciel en open source gratuit qui permet de faire de l’édition numérique de contenus multimédia en créant des capsules documentaires à partir de vidéos. Une nouvelle version devrait voir le jour début 2017, en partenariat avec le Ministère de la Culture français.

Quels sont vos projets pour le futur ?

Un projet de collection autour de l’histoire du théâtre contemporain, uniquement au format numérique, est en cours. Nous souhaitons également développer de nouvelles publications numériques avec MemoRekall et lancer d’autres opus sur les processus de création dans la série In Progress. Les résultats de cette première expérience avec la réalité augmentée sont très encourageants et nous aimerions poursuivre dans cette voie.

Propos recueillis par Loanna Pazzaglia

— Loanna Pazzaglia

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