ePub Summit : 5 pistes pour le marché du livre numérique

Ces 9 et 10 mars se déroulait la 2e édition tant attendue de l’ePub Summit, organisé par l’EDRLab. Au programme, deux journées de conférences, tables rondes et ateliers afin d’étudier le marché du livre numérique sous toutes ses coutures et faire le point sur les dernières avancées. Aujourd’hui, Lettres Numériques vous livre un compte-rendu de 5 grandes tendances dégagées au cours de ces deux jours.

  1. S’allier pour mieux régner ?

Ce n’est un secret pour personne, le marché du livre numérique est actuellement dominé par quelques grands acteurs américains tels qu’Amazon, Google ou encore Apple. Malheureusement, les moyens de ces entreprises sont incomparables à ceux des plus petites plateformes et librairies, et il est donc difficile de contrer leur progression. Toutefois, depuis quelques années, on observe une réelle volonté de la part des acteurs numériques à sortir de ce marché oligopolistique.

L’exemple le plus parlant est bien entendu celui de l’alliance allemande Tolino qui, en l’espace de trois ans à peine, a réussi à sérieusement concurrencer, voire dépasser, Amazon sur le marché allemand. Aujourd’hui, les liseuses Tolino se retrouvent un peu partout, notamment en Belgique via les librairies Club, et Kobo vient récemment d’annoncer sa prise de participation dans l’entreprise.

Tout espoir n’est donc pas perdu pour les petites plateformes, à condition de former des alliances entre elles afin de mutualiser les moyens et ressources.

Tolino

  1. L’interopérabilité avant tout et l’importance de la DRM LCP

L’un des plus gros inconvénients liés au livre numérique à l’heure actuelle vient du manque d’interopérabilité entre les plateformes. Bien entendu, Amazon figure parmi les mauvais élèves et reste le plus facile à pointer du doigt avec son format propriétaire, mais il n’est pas le seul puisque d’autres plateformes telles qu’Apple apposent des protections particulières à leurs ebooks et empêchent ainsi de lire celui-ci sur d’autres supports que ceux de la marque.

Lors du premier ePub Summit, l’interopérabilité se trouvait au centre de toutes les discussions et on attendait beaucoup de la fameuse DRM LCP, alors en cours de développement. Un an plus tard, la solution est bel et bien mise au point et applicable, et l’ePub Summit a été l’occasion d’en faire les premières démonstrations, notamment avec TEA et ePagine. Cette DRM, tout aussi efficace que la DRM d’Adobe mais bien plus souple pour l’utilisateur, a pour objectif de permettre une véritable interopérabilité entre les différents supports de lecture et plateformes de ventes. Comme nous l’expliquait récemment Laurent Le Meur, le travail de Readium sera maintenant de faire adopter cette DRM par le plus d’acteurs possibles, à commencer par les bibliothèques (pour relire notre interview complète, c’est ici). À ce sujet, la plateforme de prêt numérique belge Lirtuel sera la première à tester cette nouvelle DRM. Pour en savoir plus n’hésitez pas à lire notre interview d’Alexandre Lemaire, gestionnaire de la plateforme.

L’acteur français TEA a également profité de l’ePub Summit pour annoncer le déploiement d’une solution interopérable LCP dans le cadre du PNB (prêt numérique en bibliothèque), à laquelle sera intégré le catalogue de Hachette Livre (rendez-vous ici pour le communiqué complet).

liseuse TEA

« L’interopérabilité est la clé qui permettra aux différentes plateformes de s’allier et d’avancer ensemble. Tant que cette étape n’est pas derrière nous, nous ne pourrons pas progresser constructivement. Or, si nous ne nous allions pas, nous ne pourrons jamais faire face à des géants tels qu’Amazon », résumait très justement Jens Klingelhöfer, co-fondateur et manager du réseau de distribution allemand Bookwire.

  1. L’époque du marketing de masse est révolue

Toujours selon Jens Klingelhöfer, « le marketing de masse est dépassé. Aujourd’hui, nous avons face à nous un marché fragmenté avec autant d’envies que de lecteurs différents. Nous devons être capables de toucher chacun d’entre eux grâce à un marketing ciblé et personnalisé ».

Une affirmation qui rejoint le travail effectué sur les recommandations personnalisées par les grandes plateformes depuis quelques années maintenant. En juin dernier, Luis Collado, manager des partenariats produits pour Google Espagne, expliquait que leur travail s’orientait vers les recommandations ciblées : « ce n’est pas au lecteur de trouver un livre qui lui convient, c’est à nous de le trouver pour lui ».

Toutefois, Bookwire va plus loin et axe ses recherches sur 2 points pour le moins novateurs :

  • Le distributeur allemand a mis au point un système qui permet d’insérer au sein d’un ePub une page publicitaire qui renvoie vers un ebook du même genre. Mieux encore, l’éditeur peut choisir, pour chacun de ses livres, quel ebook il préfère recommander. Contrairement donc aux recommandations actuelles qui se font en dehors du livre que vous lisez (par email notamment, ou directement sur le site de la librairie), le lien est ici intégré directement au sein de votre ebook et ne se base pas uniquement sur des algorithmes puisque c’est l’éditeur qui choisit les livres qu’il décide de mettre en avant ;
  • Bookwire oriente désormais ses recherches vers l’intelligence artificielle. Si l’on sait déjà que les ventes de livres fluctuent au cours de l’année, l’idée sera ici de déterminer avec précision les moments les plus propices aux ventes.
  1. Ne jamais oublier le lecteur en bout de chaîne

« Le lecteur ne se soucie pas de savoir s’il existe des formats différents ou des protections différentes. Ce qu’il recherche, c’est avant tout un système facile à utiliser, qui lui permette d’acheter ou de louer des ebooks le plus facilement possible », affirme Françoise Dubruille, directrice de la Fédération européenne et internationale des libraires.

Si cette affirmation semble couler de source, elle est pourtant très difficile à mettre en place. Actuellement, le lecteur lambda qui souhaite simplement lire son livre au format numérique se retrouve perdu face à une jungle de formats, de plateformes et de verrous électroniques.

Hormis tout le travail sur l’interopérabilité, il est aussi important de prendre en compte les besoins réels du lecteur. Tous les lecteurs numériques cherchent-ils forcément des ebooks interactifs truffés d’enrichissements ? La question mérite en tout cas d’être posée avant de se lancer dans des projets d’innovation qui peuvent s’avérer coûteux et parfois (souvent ?) peu rentables.

  1. « Entendez-vous le marché de l’audiobook exploser ? »

Ce titre de l’une des conférences résume bien l’engouement grandissant que provoque l’audiobook. Si celui-ci a été quelque peu délaissé ces dernières années au profit du livre numérique, la tendance semble aujourd’hui s’inverser : alors que le marché de l’ebook stagne, celui de l’audiobook semble prendre son envol, particulièrement dans les pays anglophones. À titre d’exemple, le nombre de téléchargements d’audiobooks a augmenté de 29 % en Grande-Bretagne sur l’année 2016.

Prudence toutefois : si le livre numérique affiche une croissance moins vertigineuse qu’il y a quelques années, il continue tout de même à croître. En comparaison, l’audiobook reste actuellement un marché très minime en France et en Belgique, et sa production implique des coûts nettement plus élevés que celle de l’ebook.

En résumé, le livre numérique semble avoir encore de beaux jours devant lui et il nous tarde de voir l’évolution de la DRM LCP dans l’année à venir. Si les acteurs parviennent réellement à mettre en place un écosystème interopérable et à former des alliances, les grandes sociétés américaines pourraient bel et bien avoir du souci à se faire dans les mois qui viennent.

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— Mélissa Haquenne

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Mélissa Haquenne

Digital Publishing Professional