Transnumériques, pour découvrir et promouvoir de nouvelles formes artistiques liées au numérique !

À l’occasion de la clôture des Transnumériques – festival belge consacré aux formes artistiques et intermédiatiques –, Philippe Franck, le fondateur de Transcultures (Centre interdisciplinaire pour les cultures numériques et sonores) et initiateur du projet, a accepté de revenir avec nous sur cet événement.

Quelles sont les origines de Transnumériques ?

Philippe Franck : Nous avons initié les Transnumériques en 2005 suite à la fin du festival des arts électroniques Netd@ys, car, forts de cette expérience fondatrice des points de vue numérique et international, nous voulions offrir une plate-forme de soutien et de visibilité aux nouvelles pratiques/formes artistiques numériques et intermédiatiques des talents de Wallonie-Bruxelles. Les Transnumériques se sont ainsi développés en biennale, passant par Bruxelles, Mons, Liège, mais aussi Paris et Lille. Depuis, le concept n’a cessé de se métamorphoser, motivé par les mutations technocréatives accélérées ainsi que les interrogations qui accompagnent les cultures numériques.

Quelle est leur place au sein de Transcultures ?

P.F. : Transnumériques constitue une « balise festivalière » dans le programme des nombreuses activités numériques, sonores et interdisciplinaires de Transcultures : résidences d’artistes, échanges internationaux, projets Arts/Sciences, workshops, conférences/forums, publications, etc. le tout alliant étroitement les dimensions de production, diffusion et réflexion. Nous agissons dans des optiques connective, prospective et critique – important pour les activités de production et de diffusion multimédiatiques, mais aussi de réflexion sur les enjeux Arts/Technologies-Sciences/Société actuels.

Dans une vision qui va à l’encontre d’une entreprise généralisée de « startupisation » des arts et cultures numériques, Transnumériques se définit comme un festival des cultures et des « émergences numériques ». Une appellation commune à un programme qu’on mène avec plusieurs écoles d’art, partenaires en Fédération Wallonie-Bruxelles et en France, pour accompagner et diffuser des projets d’étudiants prometteurs.

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Quel(s) est/sont le(s) objectif(s) et les particularités de cette sixième édition ?

P.F. : Cette édition 2018, fruit d’un partenariat entre Transcultures et l’UCL Culture [dont le thème pour l’année 2017-2018 est le numérique], a été présentée principalement à Louvain-la-Neuve. Dans ce cadre, le festival a pris appui sur l’exposition Écritures numériques au Musée L. Dirigée par mon complice Jacques Urbanska et moi-même, celle-ci comportait deux volets. D’abord, un « Cabinet de curiosités numériques » constitué d’une douzaine d’œuvres, tant singulières que poétiques. Citons, à titre d’exemples, la bulle de savon suspendue dans The Long Now de l’Allemande Verana Friedrich, le globe terrestre de l’artiste algérien Fayçal Baghriche, le laboratoire aux signaux électro-hypnotiques du Bruxellois Alexis Choplain, la colonne sculpturale des Pixelflows du collectif belge LABau ou encore les compositions visuelles du duo français Émilie Brout & Maxime Baron. Ensuite, le volet DISNOVATION.ORG (la « disnovation » dévoile et dénonce, entre détournements et récits alternatifs, les modes de propagande de l’innovation que nous subissons de manière exponentielle mis en œuvre par le technolibéralisme), du collectif éponyme initié par l’artiste français Nicolas Maigret, qui a proposé des installations utilisant les artefacts de communication et technologies en réseau dans une vision technocritique.

À cette exposition, qui fut un réel succès auprès de publics variés, étaient associés des événements plus performatifs comme les lives de l’artiste sonore français :such :, interagissant avec la lumière de l’Israélien Ofer Smilansly, mais aussi des conférences à Point Culture (de Régis Cotentin, notamment), une journée d’étude universitaire autour des « Black infrastructures » et une série de sessions introductives à l’« Open Tokenomics » par John F. Robert au Mundaneum de Mons. Transnumériques#6 a donc combiné ces différents types d’activités pour offrir un programme engagé dans la différence créative, mais aussi dans les enjeux technosociétaux qu’il nous semble important de mettre en perspective et en relation avec une dimension culturelle qui ne peut plus se contenter de ses propres certitudes et modes de fonctionnement, ébranlés par les mutations de ces dernières années.

Quelles retombées et perspectives pour la suite ?

P.F. : Plus qu’un événement ponctuel, tenant compte des mouvements centrifuges/centripètes comme matière constitutive et mode de régénérescence permanente, Transnumériques est aussi une plateforme favorisant le développement et la diffusion des œuvres. Ainsi, des installations vont voyager dans diverses structures ou lors d’autres événements comme notre festival international des arts sonores City Sonic [ce sera notamment le cas de Rhizomatics]. De plus, nous souhaitons continuer à présenter davantage d’œuvres (post) numériques issues de collections privées, tout en proposant des liens signifiants entre les arts contemporains et les pratiques numériques. Enfin, avec le concours de John F. Robert, nous lancerons également les « Transcultures Factories & Open Tokenomics ».

Comme vous le voyez, nous ne manquons pas d’horizons ouverts, ce dont nous nous réjouissons pour les créateurs et les projets défendus par Transcultures qui ont besoin de ces partenariats, diffusions, réadaptations, coproductions aussi dans le cadre d’une économie des arts numériques qui doit continuer de s’inventer, tout en rencontrant autant que possible d’autres champs plus « traditionnels » de plus en plus ouverts à ces pratiques hybrides et exploratrices.

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— Perrine Estienne

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