Project Debater, une IA capable de débattre avec un être humain

Le 11 février dernier a eu lieu à San Francisco le « IBM Think » au cours duquel la société IBM a présenté ses innovations. L’une d’elles est le « Project Debater », une intelligence artificielle capable de débattre sur des sujets complexes avec un humain. Un duel a eu lieu entre la machine et Harish Natarajan, un champion de compétition de débats. L’humain a battu le robot à plate couture lors de cette épreuve.

Le duel a été enregistré et est disponible sur Youtube. Project Debater est défini par IBM comme étant « le premier système d’intelligence artificielle capable de débattre avec des humains de sujets complexes ». En effet, cette IA est spécialement conçue pour cette tâche. IBM, après avoir montré la supériorité de la machine aux échecs (Deep Blue en 1997) ainsi qu’au jeu Jeopardy avec Watson (2011), a décidé en 2012 de créer un robot capable de surpasser l’humain lors de débats.

Déroulement de l’épreuve

Photo_Gagnant_et_IALe but du débat est de faire changer l’auditoire d’avis. Pour ce faire, chaque participant met à profit 15 minutes pour préparer la discussion. Le débat portait sur l’intérêt de subventionner les écoles maternelles. L’IA était pour les subventions, mettant en avant l’importance de cet outil pour aider les défavorisés. Harish Natarajan était quant à lui contre ces subventions, estimant que cela ne règle pas les causes profondes de la pauvreté et que l’on peut les voir comme un cadeau politique à la classe moyenne. Avant le débat, 79 % du public étaient favorables aux subventions, contre 13 % qui y étaient défavorables.

L’épreuve était divisée en 3 rounds pour un total de 10 minutes par participant :

  • 4 minutes pour l’argumentation ;
  • 4 minutes pour réfuter les arguments du rival ;
  • 2 minutes de conclusion.

Les résultats sont sans appel. Après le débat, 62 % étaient favorables aux subventions et 30 % étaient contre. Les arguments humains ont donc considérablement convaincu l’auditoire. L’IA n’a pas réussi à persuader le public face à son rival. Cependant, un autre sondage met quant à lui en avant que Project Debater aurait davantage enrichi les connaissances de l’auditoire. Bilan mitigé, donc.

Fonctionnement de Project Debater

Dans le cadre du langage, IBM avait pour objectif de « créer une intelligence artificielle en mesure de maîtriser le monde infiniment complexe et riche du langage humain ». En effet, le domaine linguistique constitue un véritable challenge dans le domaine de l’intelligence artificielle. Pour remédier aux difficultés inhérentes de la maîtrise du langage (créativité linguistique, sémantique, etc.), Project Debater exploite une base de connaissance de 10 milliards de phrases de presse. Cette IA possède trois capacités principales explicitées par IBM :

  • la génération de discours convaincants à partir du corpus de presse ;
  • la capacité d’écouter le rival et d’extraire ses arguments afin de les réfuter ;
  • la capacité de modéliser les dilemmes humains.

Fonctionnement_Project_Debater

De plus, cette IA a reçu un entraînement bien particulier permettant de discerner les nuances d’un discours.

Malgré ces innovations technologiques, la démarche de l’IA est mécanique à cause du très grand nombre de calculs qu’il lui faut exécuter. Cependant, Project Debater atteint un niveau d’élocution et « d’érudition » jamais vu. Le résultat n’est pas parfait car l’IA a tendance à donner beaucoup d’importance aux chiffres et aux statistiques sans répondre à toutes les attaques de son rival. En effet, à l’argument du « cadeau politique pour la classe moyenne », l’IA n’a rien su répondre. Il est en effet normal que le robot ait plus de facilités avec des arguments chiffrables.

Futur de Project Debater

Ranit Aharanov, à la tête du projet, estime que l’IA peut aider l’humain dans les prises de décision. En effet, celle-ci est capable de sélectionner des arguments pertinents et de les donner sous une forme linguistiquement correcte. Project Debater pourrait donc être vu comme un conseiller dans des prises de décision.

Selon Harish Natarajan, l’art du débat, pilier de la philosophie et de la démocratie, consiste en la faculté de « manier les émotions, la rhétorique et les exemples ». L’IA, bien que compétente dans certains de ces aspects, n’en est pas pour autant « intelligente ». En effet, elle n’a pas la conscience d’être en train de débattre et elle ne possède aucune conviction personnelle sur le sujet. Cependant, son savoir encyclopédique ainsi que sa bonne élocution font d’elle un adversaire en devenir. Harish Natarajan estime qu’« un jour, l’IA sera meilleure que l’humain ». Faut-il pour autant s’inquiéter d’une machine qui n’a ni conscience ni conviction ?

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— Jean Cheramy

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