Intelligence artificielle, copyright et droits d’auteur

À l’heure où l’intelligence artificielle (IA) n’est plus science-fiction, mais bien réalité, où les robots tentent de rivaliser avec l’imagination humaine en écrivant des romans, les débats s’initient à travers le monde pour savoir quel rôle juridique et quels droits leur donner.

Le cadre juridique

Le développement de l’IA et son ingérence progressive dans nos quotidiens remettent en question des principes fondamentaux du droit de la propriété intellectuelle, tels que ceux d’auteur, d’originalité ou de copie.

La propriété intellectuelle, tant à l’échelle européenne que mondiale, constitue un ensemble de droits voués à protéger les créateurs. L’objet de la création peut quant à lui être varié : ouvrage, marque, modèle ou encore invention, pourvu qu’il soit concocté par une main humaine. En effet, c’est tout d’abord la notion même de créateur qui va juridiquement poser problème : jusqu’ici, ce terme a toujours renvoyé à un créateur humain, faute d’autres possibilités. C’est pourquoi de nos jours, avec l’apparition d’œuvres créées par l’intelligence non humaine, il y a un vide juridique dans ce domaine.

Aujourd’hui par exemple, tous les tribunaux semblent s’accorder sur le fait qu’un robot ne peut pas bénéficier d’un droit d’auteur sur un texte, tous à l’exception d’un juge chinois qui a accepté il y a peu et pour la première fois un tel procédé. Alors, sachant que l’un des buts de la propriété intellectuelle est de favoriser la création, peut-on vraiment reconnaître la qualité de créateur à une IA, c’est-à-dire à un algorithme dénué d’émotions ?

Par ailleurs, il existe un autre problème qui remet en cause le principe même du machine learning. En effet, avant d’apprendre à effectuer une tâche par elle-même, l’IA doit d’abord apprendre à partir de modèles. Par exemple, pour écrire un ouvrage, l’IA doit d’abord retenir les données contenues dans une liste d’ouvrages déjà existants, et donc protégés. Le fait est qu’en règle générale, les données utilisées à cette fin le sont sans l’autorisation de leur créateur humain, ce qui ajoute à la liste un nouveau problème juridique important.

Les solutions envisageables

Les questions soulevées plus haut sont essentielles, mais n’ont pas encore trouvé de réponses fixes. En effet, deux camps semblent s’opposer à travers le monde.

D’une part, il y a ceux, dont fait partie la Fédération des Auteurs américains, qui souhaitent exclure de la protection juridique les créations des IA, en soulevant le problème éthique que cela provoquerait. Alors, comme il faut bien trouver un responsable, quid du créateur humain de l’IA créatrice ? En effet, l’on pourrait admettre que le degré d’intervention de l’homme dans la création de la machine peut influer sur la protection ou non du fruit du travail de l’IA. Toutefois, rendre le mérite à l’homme qui n’a fait que créer la machine ne serait-il pas comparable à décorer le professeur pour l’invention de son élève ? À l’heure actuelle, ni le créateur humain ni la machine ne bénéficient d’une protection pour les œuvres produites par un robot et susceptibles d’être protégées.

D’autre part, il y a ceux qui prônent une adaptation de notre système juridique aux évolutions de l’IA, par la création d’un droit spécial, sui generis. Ces derniers, dont fait partie notamment le Parlement européen, ont proposé la création d’une personnalité électronique. Cette solution permettrait certainement d’engager la responsabilité de l’IA pour des problèmes de contrefaçons ou d’utilisation non autorisée d’œuvres protégées. Néanmoins demeurent des questions telles que celle des droits patrimoniaux : un robot n’a que faire de l’exploitation économique de son œuvre, seul son créateur humain peut réellement s’en servir.

Finalement, et même si les choses avancent rapidement, nous ne nous réveillerons pas demain face à un robot à la plume de Balzac. D’ici là, il faudra donc attendre que les juridictions internationales se positionnent sur le sujet.

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— Nausicaa Plas

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