(Ré)appropriation des icônes digitales avec le festival Transnumériques #7

Au début du mois de mars devait se dérouler la 7e édition des Transnumériques. Instaurée par Transcultures, cette biennale présente les nouvelles pratiques et formes artistiques numériques et intermédiatiques. Cette année, elle devait se dérouler du 7 mars au 24 mai au MiLL, à La Louvière. Au programme : une exposition collective d’arts numériques intitulée Digital Icons, performances, ateliers, conférences et bien plus. Malgré l’arrêt forcé du festival à cause de la quarantaine, le thème choisi pour cette année reste incontestablement, et plus que jamais, ancré dans notre actualité.

Dangers et dérives du monde virtuel

Digital Icons invite à repenser le rapport que nous entretenons avec la technologie qui nous inonde de toutes parts. La multiplicité de l’image numérique est au centre du thème : images-signes, images-données, images-réseaux. Ces images et données sont manipulées et réinterprétées par les artistes invités, qui utilisent des outils numériques pour « faire apparaître ce que ces icônes digitales cachent ou ne disent pas ».

Le but de l’exposition est de nous faire réfléchir sur les dangers et dérives du monde virtuel, ce flux d’images incessant dans lequel nous baignons. Ces icônes virtuelles sont les objets de vénération de notre société actuelle, où le paraître devient l’être. « Un spectacle qui est l’inversion concrète de la vie », comme l’introduit Philippe Franck, fondateur de Transcultures, avec les mots de Guy Debord.

En effet, les frontières entre ce qui est réel et faux, naturel et fabriqué sont désormais tellement poreuses que ces représentations perdent leur sens. Digital Icons veut dès lors interroger l’image en termes de données, d’informations qui la composent, pour déterminer ce qui crée l’icône contemporaine et « postnumérique ».

Que restera-t-il de nous sur Internet après notre disparition ?

Les installations multimédia des 16 artistes invités par Transnumériques présentent donc différentes formes de pratiques digitales, comme des compilations de data et des détournements d’images.

Par exemple, l’artiste français Grégory Chatonsky a réalisé une enquête online pour reconstituer les traces de personnes récemment disparues, à partir d’un site Internet américain mormon. À la suite de ses recherches sur les réseaux sociaux, il a pu reconstituer leurs souvenirs et leurs vies anonymes dans une vidéo de 7 heures, intitulée Le jour de notre mort. L’artiste américain R. Luke DuBois a réussi, quant à lui, à télécharger plus de 19 millions de photos de profil d’Américains célibataires sur des sites de rencontre en ligne pour les compiler dans son œuvre vidéo, dans un but de recensement alternatif.

À travers ces œuvres, nous pouvons nous interroger sur les traces qu’on laissera derrière nous après notre disparition. Quelles sont les données laissées définitivement, avec ou sans notre accord, dans les tréfonds illimités d’Internet ?

Transformation de nos vies en quarantaine

Les questions posées dans le thème Digital Icons rejoignent inévitablement celles qui sont liées à la transformation de nos vies en cette période de quarantaine. Dans la mesure où les contacts humains sont quasi interdits, Internet est devenu le principal vecteur d’informations et de communication, jamais autant de contenus (de personnes physiques et privées, tout comme d’organismes publics) n’ont été créés et publiés sur la Toile.

Dans un monde surmédiatisé enclin aux fake news, nous sommes encore plus assaillis d’images de toutes parts, surtout en cette période de confinement. En attendant une éventuelle réouverture de l’exposition, il est plus que jamais pertinent de réfléchir à ce que nous exposons sur la Toile et à l’usage de nos données.

En outre, à la suite des annulations des activités culturelles, Transcultures souhaite lancer et relayer de nouvelles initiatives en ligne dans le courant des mois à venir. Transcultures soutient notamment les artistes belges et internationaux qui initient des projets audio, vidéo ou multimédia pendant la période de confinement. L’une des œuvres multimédias de l’exposition Digital Icons fut ainsi relayée récemment. Il s’agit de la dernière vidéo collaborative de l’artiste Kika Nicolela, intitulée Exquisite Corpse Video Project #7. L’œuvre est inspirée par la méthode de création du cadavre exquis, où chaque artiste participant au projet crée une vidéo en réponse aux 10 dernières secondes du travail de l’artiste précédent. Au fil des projets et à travers les vidéos, ce projet collaboratif a notamment pu réunir 100 artistes de 25 pays.

Pour en savoir plus sur les Transnumériques, une interview avec Philippe Franck est disponible ici. Une brochure explicative de l’édition 2020 des Transnumériques est également à télécharger sur leur site. Enfin, suivez les dernières actualités de Transcultures ici.

Ailleurs sur Lettres Numériques :

Retrouvez Lettres Numériques sur TwitterFacebook et LinkedIn.

— Karolina Parzonko

Share Button