Les digital natives : mais qui sont-ils vraiment ?
On parle d’eux comme de la génération Y férue de numérique, constamment connectée et experte de l’usage d’internet. Les « digital natives », comme on les surnomme, sont-ils les pro du net tant vantés ? Et surtout, sont-ils vraiment tous égaux entre eux face à cette utilisation des nouveaux médias ? Rien n’est moins sur.
Malgré l’apparente généralisation des nouvelles technologies, les jeunes ne sont pas égaux face au numérique. Ils ne maitrisent pas les mêmes niveaux de compétentes pour l’utilisation mais aussi la compréhension et les pratiques de certains outils informatiques. Tout dépend en fait de liens étroits entre la position sociale, l’accès au matériel, l’acquisition de compétences, les intensités d’investissement dans les loisirs culturels et les types d’usages qui en découlent. Contrairement aux idées reçues, les jeunes ne sont pas tous des « digital natives ».
L’image unifiée du « digital native » souvent dépeinte par les médias n’existe donc pas. Derrière cette appellation se cachent des rapports divers et différenciés au numérique. Si l’ordinateur s’est largement diffusé et que la plupart de foyers en sont désormais équipés, la fracture numérique s’est déplacée de l’acquisition du matériel à l’usage qu’il en est fait, créant ainsi des disparités entre les membres d’une même génération.
Pour Pierre Mercklé et Sylvie Octobre, qui se sont penchés sur cette problématique, on peut concevoir une génération Y à deux vitesses :
- Les digitals natives
Cette minorité d’adolescents regroupe des filles et des garçons familiarisés dès l’enseignement primaire à l’utilisation de l’ordinateur. À la fin de l’adolescence, ceux-ci sont habitués à des usages très divers de l’informatique et d’internet. Les filles s’orienteraient vers des usages plus scolaires, communicationnels et créatifs des nouvelles technologies tandis que les garçons se spécialiseraient dans des usages plus récréatifs et techniques.
- Les digitals immigrants
Le deuxième groupe concerne la majorité des adolescents familiarisés plus tard à l’environnement numérique, généralement durant les années secondaires. On constate chez eux une utilisation des nouveaux outils technologiques beaucoup moins régulière et moins diversifiée à l’âge adulte que celle des digital natives.
Au-delà de ce premier constat, d’autres fractures peuvent continuer à apparaitre. Les « early adopters » issus des milieux privilégiés auront toujours tendance à s’approprier plus rapidement les usages numériques émergents et ne cesseront de déplacer les frontières entre les groupes.
Pour plus d’informations sur l’enquête longitudinale menée par les auteurs, voir notamment leur article en ligne : Mercklé Pierre, Octobre Sylvie, « La stratification sociale des pratiques numériques des adolescents », RESET. Recherches en sciences sociales sur Internet, n° 1, 2012.
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— Stéphanie Michaux