L’avenir du PDF : révélateur des mentalités

Souverain des formats numériques, le PDF est actuellement incontournable. Cela pourrait ne plus durer. Les habitudes de lecture étant en pleine mutation, la raison d’être du PDF pourrait bientôt disparaître.

Si le PDF (Portable Document Format, l’extension .pdf à la fin de vos fichiers) devait disparaître, les lecteurs s’en émouvraient-ils ? Pas certain. Pourtant, selon une étude du PILEn (Partenariat interprofessionnel du livre et de l’édition numérique), soixante-sept pour cent des lecteurs numériques utilisent ce format.

Alors, ce chiffre a-t-il de l’importance pour les lecteurs ? Après tout, qui s’intéresse vraiment à la nature du format du fichier de son livre numérique ? PDF, ePub, Mobi ? Quelles différences pour le lecteur ? À première vue, aucune. Sauf que le règne du PDF souligne l’un des problèmes récurrents du livre numérique : la difficulté d’abandonner les usages papiers.

Un avantage devenu handicap

Thibault Léonard, fondateur et CEO de Primento (un partenaire numérique pour les éditeurs) résume en une phrase toute l’équation : « historiquement, le PDF est un format destiné à l’impression« .

Le spectre du livre papier hante l’édition numérique jusque dans les formats des fichiers. D’ailleurs, Thibault Léonard a raison : la spécificité du PDF est de préserver la mise en forme d’un fichier – polices d’écriture, images, objets graphiques, etc – telle qu’elle a été définie par son auteur, et cela quels que soient le logiciel, le système d’exploitation et l’ordinateur utilisés pour l’imprimer ou le visualiser. Bref, un format super rigide, à toutes épreuves : l’étalon pour les imprimeurs.

Super ? Ça l’était ! Inventé au début des années 1990 (bien avant les livres numériques, les liseuses et les tablettes en général), la super rigidité du PDF, en période d’expérimentations numériques et multimédia, devient un super handicap.  En effet, avec son devoir de fidélité, il est incapable de s’adapter correctement ou confortablement à des tailles d’écrans différentes, il intègre difficilement le multimédia et est très, très peu interactif. Le PDF sur tablette ou smartphone, c’est ennuyeux et terne. Et à l’heure du digital fun nomade, ça fait tache.

Révélateur de mentalités …

Confort et expérience de lecture mobile dégradé, qu’est-ce qui explique encore les quasi-septante pour cent d’utilisation du PDF comme format de lecture numérique ? L’explication se trouve sans doute dans un autre chiffre donné par l’étude du PILEn : septante-et-un pour cent des lecteurs consultent leurs livres numériques sur ordinateur.

Vingt-huit pour cent lisent sur tablettes, dix-huit sur smartphones et seulement douze (12 !) pour cent sur liseuses (pourtant conçues uniquement pour la lecture !). Alors, il faut imaginer que la mobilité du format d’un livre numérique, le lecteur, derrière son poste fixe, n’en n’est que peu impacté.

Thibault Léonard réagit : « Les usages des utilisateurs numériques changent plus vite que la technologie … et que les éditeurs. On est dans une course contre la montre pour s’adapter« . L’entrepreneur numérique précise sa pensée : « Primento est né à peu près en même temps que l’iPad, il y a trois ans. Aujourd’hui, avoir une tablette est banal. Les remplaçants du PDF, comme l’ePub ou Mobi, sont encore jeunes. Malgré les efforts d’Adobe (créateur du PDF ndlr) pour rendre son format plus interactif, ses successeurs sont déjà là avec un potentiel de progression beaucoup plus élevé. Pour le PDF, c’est déjà trop tard« .

Thibault Leonard nuance pourtant son constat : « la question n’est pas tellement de savoir si le PDF est mort, ou qui va le remplacer le cas échéant. Ce n’est simplement pas le même usage« .

… qui changent

On récapitule : le PDF est destiné à l’impression, les autres formats, plus jeunes (ePub et Mobi), à la lecture numérique. Le patron de Primento illustre ses dires : « il ne me viendrait pas à l’idée d’envoyer un contrat en ePub par exemple, et avoir une vraie expérience de lecture numérique en PDF est compliqué« .

Thibault Léonard rappelle l’essentiel : « il ne faut pas perdre de vue le lecteur. Pour les contenus à usage local (comprendre : derrière son ordinateur ndlr), il préfèrera le PDF. Pour les contenus mobiles, les tablettes et liseuses, il faut privilégier les formats plus adaptés et donc exclure le PDF« .

D’ailleurs dixit Thibault Léonard, alors que les ventes de tablettes décollent, l’usage du PDF régresse.

Alors, faut-il se soucier de la disparition, ou non du PDF ? Le lecteur s’en souciera-t-il ? À l’évidence non, mais la courbe de l’utilisation de ce format, est, mine de rien, un indice sur la façon dont les mentalités et les usages du livre numérique. Et ça, c’est intéressant.

Martin Boonen

@martyboonen

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— Martin Boonen

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