Le marché britannique de l’ebook
À en croire les chiffres, le marché du livre britannique s’est moins bien porté en 2013 qu’en 2012. Tout le marché ? Non : le livre numérique continue à faire des heureux, tranquillement…
L’industrie du livre britannique vaut tout de même son pesant de… livres : d’après les statistiques de l’association locale des éditeurs (Publishers Association), ses revenus ont atteint 4,7 milliards de livres en 2013. À l’instar de l’Allemagne et des États-Unis, à la différence de l’Espagne ou de la France, l’industrie n’a pas faibli. Un petit tiers de ces revenus, 30%, seraient issus du numérique, produits et services inclus. Et les Britanniques sont champions du monde à l’exportation, forts de leur langue et de leur culture répandues mondialement : les ventes à l’exportation compteraient pour 40% des revenus des éditeurs britanniques, selon la Publishers Association.
Dans l’ombre des « 50 nuances… »
En 2o13, les vente de livres au format papier ont décliné : seulement 183.9 millions d’exemplaires ont été vendus, soit 9.8% de moins que l’année précédente. La baisse de revenus qui s’en est ensuivie a été quelque peu compensée par l’augmentation du prix moyen des livres, à 7.70 £. Comment l’expliquer? 2013 suit 2012, l’année où « Fifty Shades of Grey » a fait exploser les ventes de livres : au faîte de ses ventes, l’oeuvre d’E.L. James a représenté 50% des livres vendus au Royaume-Uni… Pas facile de faire aussi bien l’année suivante, sans un tel best seller à la vitrine!
Notons également qu’en décembre 2014, Waterstones a vu ses ventes de livres papier augmenter de 5%. Par contre, les Kindle, qui avaient fait fureur quand Waterstones avaient commencé à les distribuer, ont beaucoup moins séduit à l’approche du sapin, d’après la librairie et son CEO James Daunt, au Telegraph.
Le livre numérique n’a pas fini de gagner du terrain
Pourtant, les Britanniques lisent en numérique : entre janvier et septembre 2013, deux millions d’utilisateurs britanniques ont découvert les joies du numérique. Résultat, en 2013, 80 millions d’ebooks ont été vendus. Les ventes de livres digitaux pour l’année ont culminé à 509 millions de livres sterling. À titre de comparaison, en 2o11, les ventes de livres numériques représentaient 258 millions de livres sterling… En deux ans, ce montant a plus que doublé ! Dans la première partie de 2014, les éditeurs britanniques ont vu leurs ventes de contenus digitaux augmenter de 10%. Des chiffres pour la suite de l’année ne sont pas encore disponibles.
Désormais, un livre sur quatre est un ebook au Royaume-Uni : parmi eux, 39% relèvent de la fiction et 42% sont des livres à vocation académique ou scolaire. Ces catégories, à elles deux, totalisent donc 412 millions de livres sterling des revenus des éditeurs.
Nouveauté 2014, Kindle Unlimited est arrivé au Royaume-Uni au tarif de 7,99 livres par mois. Quel impact sur les habitudes de lecture et d’édition au numérique ? Affaire à suivre…
Ces chiffres semblent démentir cette idée que la croissance des livres numériques aurait atteint un palier. Ils semblent indiquer aussi que les éditeurs britanniques ont tout intérêt à pouvoir tirer un revenu de ce qui constitue 25% des livres lus, mais moins d’un quart de la valeur du marché du livre, les lives numériques étant en général vendus moins chers que leurs équivalents papier… Notons aussi que les livres en langue anglaise, a fortiori au format numérique, s’exportent facilement tout autour du monde : un atout à ne pas négliger!
Et les auteurs auto-édités, dans tout ça?
18 millions de livres auto-édités ont été achetés en 2013, pour un montant total de 59 millions de livres sterling. Ces nouveaux venus dans l’industrie du livre représentent là 5% de tous les livres achetés en 2013, 20% de toutes les ventes d’ebook et 12% des dépenses : ils sont en moyenne moins chers que leurs équivalents édités traditionnellement, leur prix tournant autour de 2 livres sterling. On observe tout de même une tendance à l’alignement de ces prix. Les genres dont raffole l’auto-édition ? Les thrillers, la fantasy, la fiction plus généralement… pour le moment! Les experts s’accordent en tous cas sur un point : estimer la portée du phénomène de l’auto-édition n’est pas une mince affaire.
Les chiffres de 2013 nous laissent face à des questions : en quelles quantités le livre numérique continuera-t-il à séduire ? Plus fondamentalement, la lecture, de livres numériques ou papier, retiendra-t-elle l’attention de ses lecteurs, tentés également par les films, les jeux et tout ce qu’offre un internet toujours plus présent? Les chiffres de 2014, dès leur sortie, nous donneront sans doute quelques éléments de réponse à ces vastes questions. Ce que l’on y suivra avec une curiosité toute particulière : l’impact de l’arrivée de Kindle Unlimited sur le nombre de livres lus au numérique et la part qu’y représenteront les auteurs auto-publiés.
Ailleurs sur la toile:
Les chiffres aux États-Unis et au Royaume-Uni décryptés par publishingtechnology.com, en anglais ici.
La BBC fait le point sur la lecture en Grande-Bretagne en 2013 ici.
Ailleurs sur Lettres numériques :
— Sibylle Greindl