Assises du livre numérique 2015 : le livre pratique a encore du chemin à parcourir
À l’occasion des Assises qui se sont déroulées au Salon du Livre de Paris, plusieurs acteurs de l’édition et du livre numérique ont pris part à une table ronde autour du sujet « Ebook, applications, Web : ce que nous apprend le livre pratique ». Étant donné que le livre pratique se situe en 3e position du type de lecture préféré des Français (voir baromètre SOFIA/SNE/SGDL), il s’agissait d’une rencontre intéressante pour comprendre les tenants et aboutissants de ce type de projets.
Autour de la table, cinq intervenants : Nathalie Bloch-Pujo, membre du Conseil national du Numérique et directrice de Hachette Tourisme (qui comprend notamment les publications du célèbre guide Le Routard), Christelle Derda, directrice numérique au sein d’Édi8, Anne de Lilliac, responsable du développement numérique chez Fleurus, Nicolas Francannet, cofondateur de Storylab et fondateur d’Iggybook, et enfin Christophe Duhamel, cofondateur et directeur du site Marmiton.
Le site internet semble l’emporter sur l’ebook et l’application chez Le Routard
Face à ces trois possibilités majeures, le site internet semble offrir une bonne complémentarité au livre papier. C’est notamment le cas pour Le Routard, qui comptabilise environ 2,5 millions de visiteurs par mois. L’ebook n’atteint pas encore ces résultats car, selon Nathalie Bloch-Pujo, il ne répond actuellement pas aux demandes du lecteur et son usage reste donc faible. De plus, des flash codes ont été ajoutés dans les livres et permettent de retrouver plus de photos sur la destination.
Dans le cas de Marmiton, l’inverse est également vrai puisque, comme le rappelle Christophe Duhamel, l’entreprise a fait le chemin inverse en partant du site internet pour se diriger ensuite vers le papier et leurs ventes ont dépassé toutes les espérances. Aujourd’hui, celles-ci permettent à l’entreprise de stabiliser ses revenus.
L’ebook ne convainc par contre pas encore, notamment parce que les revendeurs ne prennent pas encore tous en compte les nouvelles normes de l’epub3 et que l’epub2 reflow demande une révision totale de la maquette d’origine.
L’application, beaucoup d’investissements pour peu de résultats ?
C’est en tout cas ce qui ressort de cette discussion. « Les maisons d’édition spécialisées dans le livre pratique se sont d’abord tournées vers l’application. Malheureusement, elles ont vite constaté que celle-ci implique des coûts très lourds et que les compétences techniques ne sont pas présentes dans les maisons traditionnelles. Ce n’est pas tout puisqu’une fois l’application lancée, il faut également investir au niveau marketing afin d’optimiser sa visibilité », déclare Christelle Derda. Nathalie Bloch-Pujo la rejoint sur ce point en expliquant qu’avec une telle offre en applications, il est difficile de mettre la sienne en valeur.
En plus de cet investissement, il semblerait également que les lecteurs soient peu enclins à payer pour ce genre d’application. « L’ensemble de nos utilisateurs trouvent la qualité formidable, pourtant on n’a pas d’achat. Il est très difficile de faire du marketing sur des stores sachant que toutes les applications se retrouvent au même plan », ajoute Nathalie Bloch-Pujo.
Différents supports pour différents contenus ?
À cette question, la réponse est mitigée. Du côté de Marmiton, on entend offrir le même contenu pour la version papier et pour le numérique. « Ce qui pousse les gens à se tourner vers du contenu papier alors qu’ils peuvent le trouver gratuitement sur internet, c’est qu’ils achètent avant tout une expérience », explique Christophe Duhamel. Même chose pour Le Routard, chez qui l’application et le livre contiennent exactement les mêmes informations.
Du côté de Storylab, c’est l’avis inverse. Selon Nicolas Francannet, il faut proposer un contenu différent selon le support afin de convaincre les lecteurs de la pertinence de la démarche. Tous s’accordent en revanche sur le fait qu’il est important de proposer des solutions flexibles et ouvertes afin que le lecteur navigue entre le papier et le numérique sans même s’en rendre compte.
L’on peut donc retenir que, si le livre pratique occupe une place primordiale dans le choix des lecteurs, les éditeurs n’ont pas encore trouvé l’équation parfaite entre papier et numérique, tant au niveau du choix de support (internet, ebook, application) qu’au niveau de la rentabilité (trop d’investissement en temps et argent pour trop peu de revenus).
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— Mélissa Haquenne