Chaï : le mariage entre audiobook et livre papier

Ces derniers temps, une start-up française fait beaucoup parler d’elle dans le monde de la lecture numérique. Et pour cause, Chaï a mis au point un concept innovant : une intelligence artificielle qui lit des livres papier. Avec cette technologie, le lecteur peut passer de l’imprimé à la version audio quand il le souhaite. Ceci pourrait permettre à plus de lecteurs de terminer leur livre, comme le montre une étude commandée par Chaï.

Annoncée depuis plusieurs mois maintenant, la date de lancement de Chaï approche à grands pas. Si la start-up a été fondée en 2016, c’est en effet au début de l’année 2018 que l’application devrait être accessible pour le grand public. Comme le rapportent nos confrères d’Actualitté, Jean-Philippe Marie de Chastenay, co-fondateur, explique l’origine du projet : « [l]’idée nous est venue car nous sommes de grands lecteurs, très attachés à l’imprimé. Pour nous, le digital n’est pas un remplaçant du papier mais il apporte une valeur supplémentaire. »

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Un focus sur la non-fiction

À partir de ce constat, Jean-Philippe Marie de Chastenay et Alexis Botaya ont imaginé Chaï, qui associe un service de lecture par voix de synthèse et une intelligence artificielle à un livre au format papier. La start-up s’est concentrée dans un premier temps sur les livres professionnels, pratiques, universitaires ou de développement personnel, que la voix de synthèse pourra lire en français, en anglais et en allemand. La firme a donc choisi de ne pas se consacrer à la littérature. Plusieurs raisons peuvent l’expliquer.

L’IA se perfectionne progressivement

D’abord, la voix de synthèse utilisée par l’application semble peu se prêter à la fiction. Le potentiel manque d’humanité de la voix se fera donc moins ressentir dans les ouvrages de non-fiction que s’il s’agissait de romans, par exemple, domaine dans lequel l’émotion est plus importante. Des efforts considérables ont néanmoins été déployés pour perfectionner cette voix de synthèse. Suite à de nombreux tests auprès d’utilisateurs, la voix la plus fluide et la moins robotique a été sélectionnée. De plus, « [g]râce au machine learning, cette intelligence artificielle améliorera la voix et sa prononciation au fur et à mesure du traitement des données. Plus on la corrige, plus elle apprend », détaille Alexis Botaya, toujours selon les propos recueillis par Actualitté.

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Un genre peu exploité en audio

Une autre raison qui a pu justifier ce choix est le peu d’investissement des éditeurs de livres audio dans le domaine de la non-fiction. Comme l’explique Alexis Botaya, « un audiobook coûte cher à produire, il faut donc le rentabiliser : les éditeurs se tournent logiquement vers des best-sellers. Nous n’allons pas faire de la concurrence à ces titres avec une voix de synthèse, nous allons plutôt adresser toute la longue traîne des livres de non-fiction qui, de toute façon, n’auraient jamais eu de versions audio, car elles ne sont pas considérées comme suffisamment rentables. » Chaï a de plus l’avantage de n’imposer aucun coût à l’éditeur, tout en lui conférant des revenus supplémentaires. Les bénéfices des ventes seront en effet partagés à 50/50 avec les éditeurs et la firme s’est également assurée dès l’origine que les auteurs percevraient eux aussi une part de la somme versée à la maison d’édition.

Une application facile d’utilisation

Concrètement, le fonctionnement de Chaï est assez simple, comme le montre cette vidéo de promotion. Le lecteur ajoute le livre qu’il vient d’acheter (s’il est disponible) sur la bibliothèque de l’application en scannant le code barre avec son Smartphone. Pour marquer l’endroit où il s’est arrêté, il peut prendre une photo de la page ou lire à voix haute les derniers mots. Il n’a ensuite plus qu’à écouter la voix de synthèse lui lire son livre.

L’application, qui devrait être accessible sans dépenser plus d’un euro, se révèlera par ailleurs particulièrement utile pour le public empêché, comme les malvoyants, qui bénéficieront avec Chaï d’une solution pratique pour accéder à plus de contenus audio.

Les Français et le livre papier

Comme pour démontrer l’utilité de son application, Chaï a récemment commandé une étude à OpinionWay intitulée « Les Français et le livre papier ».  L’étude, qui s’est concentrée sur la complémentarité entre le livre audio et la version imprimée, révèle ainsi qu’un lecteur sur trois de moins de 50 ans abandonne plus de la moitié de ses livres en cours de lecture. Cette proportion monte jusqu’à plus d’un lecteur sur deux chez les hommes de moins de 35 ans.

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Le manque de temps comme raison principale

La première justification invoquée par les répondants est le manque de temps, suivie de près par le manque d’intérêt. La sollicitation par d’autres médias n’intervient qu’en troisième place. Fait intéressant, ce dernier facteur ne semble pas générationnel, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Ainsi, seuls 16 % des moins de 35 ans se disent distraits par d’autres médias alors que chez les plus de 65 ans, ce chiffre atteint 22 %.

Un autre facteur important invoqué pour expliquer le peu de livres papier terminés est le volume et le poids de l’ouvrage. Pour parer à ce problème, la solution proposée par Chaï semble toute indiquée. Pour mesurer son potentiel succès, la question suivante a été posée aux personnes interrogées : « Feriez-vous usage d’une technologie vous permettant de basculer quand vous le souhaitez d’une lecture papier à une écoute audio de votre livre ? » Parmi ceux qui abandonnent la moitié de leurs livres entamés, 48 % ont répondu par l’affirmative et chez les lycéens (tous types de lecteurs confondus, donc pas seulement ceux qui terminent peu de livres), 39 % se disent favorables à cette solution.

Au vu des résultats de cette enquête, consultable via ce lien, il semble que l’outil développé par Chaï pourrait constituer une solution innovante pour permettre à certains publics de garder un lien avec le livre. L’application a aussi l’avantage de proposer aux lecteurs une expérience augmentée des ouvrages papier tout en permettant aux éditeurs de bénéficier d’un support audio leur conférant une visibilité et un revenu complémentaires.

Raphaël Dahl

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— Rédaction

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