Livres et réseaux sociaux : comment communiquer ?

Quel que soit le secteur, la présence sur les réseaux sociaux semble désormais incontournable pour s’assurer une meilleure visibilité et renforcer son image de marque. Par chance, le monde du livre se prête particulièrement bien aux codes du partage en ligne. Mais comment utiliser au mieux ces outils pour faire connaître des livres ou une maison d’édition ? Leur impact sur les ventes est-il réel et quantifiable ? Lettres Numériques revient sur ces questions et bien d’autres en compagnie de Justine Dauchot, chargée de communication et relations presse aux Éditions Mardaga.

Développer une image et une communauté

Aujourd’hui, la question de la présence sur les réseaux sociaux ne se pose plus, peu importe le secteur d’activité. Comme nous l’explique Justine Dauchot, chargée de communication pour la maison d’édition Mardaga, « à l’ère du digital, difficile d’exister dans le monde réel si on n’existe pas dans son pendant virtuel. En tant que marque, institution, personnalité, etc., cela reste une manière plutôt ludique, créative et vivante de faire parler de soi. Et le secteur culturel n’y échappe pas ! »

Heureusement, le monde du livre se prête particulièrement bien au partage en ligne : en effet, les utilisateurs s’activent sur les réseaux sociaux en grande partie autour de contenus qui génèrent des émotions, des réactions avant tout axées sur des sentiments, et les livres (tout comme la musique, par exemple) sont un vecteur idéal d’émotions diverses, que le libraire ou la maison d’édition peut exploiter pour créer du lien avec le lecteur. « C’est une belle opportunité pour être créatif et s’amuser. Chaque milieu a ses propres codes, ses propres règles et surtout sa propre personnalité. Une fois que l’on connaît ces codes, qu’on les comprend et qu’on les a intégrés, on peut les transgresser et les modeler pour se les réapproprier. Évidemment, même si on utilise les mêmes canaux de diffusion, on ne communiquera pas de la même manière sur une sortie littéraire ou à propos d’une nouvelle compagnie d’assurances ! La clé, selon moi, est de rester fidèle à son secteur tout en étant ouvert aux changements et nouveautés. » Dans le cas des libraires par exemple, le partage de contenus sur les réseaux sociaux peut donc s’apparenter à une forme de continuité avec le travail de prescripteur qu’il joue dans sa boutique, lorsqu’il appose des mentions « coups de cœur » sur certains ouvrages. Les lecteurs achetant de plus en plus sur des plateformes en ligne, ils recherchent aussi parallèlement souvent des recommandations sur ces plateformes.

Un impact sur les ventes difficilement quantifiable

Si elles permettent sans aucun doute de générer du trafic sur un site, il est très difficile de déterminer le taux de corrélation directe entre les activités sur les réseaux sociaux et le niveau des ventes : « En effet, à moins de sonder le lecteur à la sortie de chez son libraire, identifier ce qui lui a donné envie de se plonger dans un livre est mission presque impossible. A-t-il été séduit par la couverture ? En a-t-il entendu parler à la radio ? Par un ami ? Est-ce la renommée de l’auteur ? Le sujet correspond-il à ses intérêts ? Beaucoup de facteurs peuvent influencer la vente d’un livre, dont l’actualité par exemple. Bien entendu, parler d’un livre, c’est lui donner une certaine visibilité, et donc le faire connaître à des lecteurs potentiels. Mais ça ne fait pas tout ! » La presse joue encore un rôle prépondérant dans la visibilité d’un ouvrage, tandis que les réseaux sociaux apparaissent davantage comme un relais de cette prescription traditionnelle. Leur fonction est sans doute parallèle : ils sont l’occasion de fidéliser les lecteurs et de faciliter les relations avec les partenaires, de construire une image de marque et une réputation en donnant un visage humain à son entreprise.

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Quels réseaux sociaux utiliser ?

Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont multiples : Facebook, Instagram, Snapchat, YouTube, LinkedIn ou Twitter représentent autant de moyens de communiquer sur les livres. Lesquels utiliser ? C’est d’abord une question de moyens : « Tout dépend de la maison, du type d’ouvrages édités, du lectorat, de l’énergie mobilisable au sein de l’équipe. Une petite maison indépendante ou un plus grand groupe n’auront pas les mêmes ressources, ni le même temps à consacrer à leur communication ou à la production de contenu propre. » Dans le cas d’une petite maison, mieux vaut se limiter à un ou deux réseaux sociaux et soigner ses publications. Pour Justine Dauchot, « Facebook reste un grand classique. Il permet de mobiliser de nombreux outils pratiques (photos, vidéos, GIF, sondages), rassemblés en un endroit. Sans oublier que de nombreuses personnes possèdent un compte. » Quant à Twitter, dont les publications sont limitées à un certain nombre de caractères, « il est pertinent s’il est alimenté de manière régulière. C’est plutôt pratique pour communiquer de façon brève sur des événements ponctuels : sorties d’ouvrage ou actualité des auteurs. »

Instagram, plus récent que Facebook ou Twitter, a le vent en poupe (nous le notions il y a quelque temps dans notre article autour du phénomène Bookstagram) : « [le réseau] est de plus en plus utilisé par le secteur culturel et permet de communiquer de manière très visuelle, tout en ne se limitant pas à une simple photo d’un livre. Selon moi, c’est un des médiums les plus pertinents aujourd’hui. » Youtube possède lui aussi sa communauté de lecteurs, les booktubeurs, dont nous vous parlions également ici. En effet, la plateforme de vidéos « fonctionne assez bien dans le monde des influenceurs. Cela peut s’avérer être un canal intéressant pour une maison d’édition qui souhaiterait partager une interview d’auteur par exemple. Mais d’autres médias le permettent aussi (Facebook live, etc.). Cela reste pratique s’il est possible de faire de l’édition. »

Quant à Snapchat, où l’utilisateur peut publier des photos qui disparaissent 10 secondes plus tard, « il reste utilisé par un public assez jeune, bien qu’il existe des utilisations plutôt surprenantes de ce réseau social. Certains médias en ont fait un véritable outil d’information, et c’est plutôt époustouflant. » Outre la créativité qu’elle permet, l’avantage de cette plateforme hybride entre réseau social et messagerie réside dans le fait qu’elle est bien plus confidentielle que les autres et votre communauté, si elle est plus restreinte, sera composée de véritables « fans », plus investis et susceptibles de passer à l’achat que les personnes ayant aimé votre page Facebook.

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Combien de comptes créer ? Faut-il les diviser par collection et communauté de lecteurs ?

Pour Justine Dauchot, « une seule règle s’applique : keep it short and simple. Un seul compte suffit, sinon on risque de disperser le lecteur. Si vous suivez un théâtre ou un centre culturel, vous n’avez probablement pas envie de suivre un compte dédié aux expos, un compte dédié aux concerts, etc. Pour l’édition c’est pareil. » Seules les collections bien distinctes pourront faire l’objet d’un compte à part, pour attirer l’attention du lecteur et éviter un mélange des genres. « Mais pour des titres de sciences humaines, je ne vois pas l’intérêt. C’est à ce moment-là que l’on peut être créatif ! Dans la nomenclature associée aux publications, dans la forme (une couleur de logo différente, un petit symbole discret, mais qui permet de différencier, etc.). »

Faut-il adopter une communication saisonnière ?

Certaines périodes de l’année (l’été et les départs en vacances, la période du bac, la rentrée littéraire) semblent plus propices que d’autres à la publication de contenus. Faut-il surfer sur la vague, au risque de se noyer dans la masse ? « Oui », selon Justine Dauchot, « mais sans se contenter de publications trop ciblées ou limitatives. L’exemple de la période de Noël est plutôt bon. Presque toutes les marques, institutions, etc., vont communiquer de la même manière (du rouge, des flocons, des cadeaux, un bol de chocolat chaud, et mille autres clichés). Cela peut sembler un peu too much ; ce sont des codes bien ancrés et difficiles à contourner… mais pas impossible ! »

Développer des partenariats avec des blogueurs ou influenceurs littéraires, une bonne idée ?

Les exemples de Bookstagram et de Booktube, ou d’un site comme Babelio, montrent l’influence grandissante des nouveaux critiques littéraires du Net. Et de nombreuses maisons d’édition, notamment jeunesse, l’ont compris. En effet, la nouvelle génération née avec Internet, présente sur les réseaux sociaux à un âge précoce, est de plus en plus sensible aux recommandations qu’elle trouve sur des réseaux comme Instagram. Pour Justine Dauchot, si le gain de visibilité est clair dans certains cas, « dans d’autres, cela peut avoir un effet inverse et déforcer une certaine image de marque. Il faut donc bien connaître son secteur, son public et évaluer, même si cela reste difficilement quantifiable, l’impact qu’aura tel ou tel choix. »

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Quel type de publications privilégier ? 

Sur Facebook, par exemple, il est préférable de ne pas se contenter d’une simple présentation du livre, à part s’il s’agit d’une nouveauté. Dans la majorité des cas, et surtout s’il s’agit de rappeler l’existence de titres anciens, il sera toujours plus intéressant de les relier à l’actualité et d’éviter la publicité directe, « en les évoquant à l’occasion de journées mondiales, en écho à un fait d’actualité, à une actu d’auteur, etc. ». Dans le cas d’Instagram, un médium très centré sur le visuel, il sera au contraire plus pertinent de parier sur l’objet en tant que tel, à travers le partage de la couverture d’un ouvrage, par exemple accompagné d’une citation. Dans tous les cas, ce sont les « photos qui fonctionnent, mieux qu’un texte brut. » D’autres « contenus secondaires, comme un documentaire, un podcast, une expo en lien avec une thématique d’un ouvrage, etc. » apportent de la diversité à la page. Il est aussi intéressant d’animer la page en la ponctuant de rendez-vous réguliers, instaurés progressivement. « Les hashtags #coupdecœur ou #vendredilecture fonctionnent assez bien et sont une manière de fidéliser le lecteur. Attention cependant à ne pas spammer sa communauté. » Le lien avec le lecteur se consolide aussi via les interactions avec lui : en publiant un contenu sur un ouvrage, il est à la fois ludique et utile de lui demander son avis ou de partager ses recommandations. Les jeux-concours, très appréciés des lecteurs, sont également l’occasion d’améliorer son image de marque et d’augmenter sensiblement le partage de ses publications. « On peut par exemple imaginer de faire appel à la créativité du lecteur en lui demandant de partager une photo de lui avec un livre de sa maison d’édition, et faire gagner une nouveauté à la photo la plus originale. »

Se mettre à la place du public cible

Pour Justine Dauchot, la clé d’une communication réussie sur les réseaux sociaux réside dans la capacité à se montrer proche du lecteur en se mettant à sa place : « Nous lisons tous, qu’avons-nous envie de voir/lire/entendre lorsque nous recevons de l’information d’une maison d’édition, d’une entité culturelle ? ». Les lecteurs en ligne sont les mêmes que les lecteurs « physiques » : « Il importe donc de rester fidèle aux codes du secteur, tout en se permettant quelques écarts. Enfin, keep it short and simple : mieux vaut partager du contenu de qualité, un peu moins souvent, que publier tous les jours des contenus vides. »

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— Elisabeth Mol

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