La poésie martienne de Jenna Sutela

L’exploration de l’au-delà n’est pas seulement réservée aux missions spatiales. En effet, l’œuvre audiovisuelle nimiia cétiï invite à la découverte d’une poésie martienne créée à partir d’une intelligence artificielle, d’une bactérie et de textes issus de l’art médiumnique.

L’artiste finlandaise Jenna Sutela, à l’origine de cette création, s’intéresse à la communication inter-espèces, cherchant à développer des langages inédits.

Ses projets s’articulent autour de l’observation de différents micro-organismes probiotiques tels que le Bacillus subtilis, qu’elle met en relation avec divers récits et textes ainsi que des nouvelles technologies, notamment des systèmes informatiques.

Les résultats de ses expérimentations débouchent sur nimiia cétiï, sa dernière œuvre audiovisuelle restituant ce qui pourrait être une langue martienne, tout en nous projetant dans un monde au-delà de notre conscience.

Quand l’intelligence artificielle donne la parole à une bactérie

Concrètement, nimiia cétiï présente les interactions entre un réseau neuronal artificiel (IA), des enregistrements audio d’une langue martienne et les mouvements de la bactérie Bacillus subtilis. Une voix est attribuée à cette colonie de bactéries à travers l’intelligence artificielle, traduisant les mouvements et les configurations spatiales en sons et symboles.

Le résultat des interactions entre ces éléments est présenté sous forme d’installation audiovisuelle. Sur l’écran, nous pouvons observer les bactéries qui s’agitent, filmées à travers un microscope. Celles-ci sont analysées par l’ordinateur en même temps, qui procède à leur décodage en textes, écritures, paroles et sons. Dès lors, ce nouveau langage fascinant et incompréhensible apparaît peu à peu à l’écran.

Afin de générer un langage audible, la voix de Jenna Sutela ainsi que des sons divers ont été préenregistrés et assimilés par l’intelligence artificielle, qui recompose ensuite seule tous les éléments qui lui ont été fournis.

Un terrain méconnu

À travers cette expérience, une constatation s’est imposée aux artistes du projet : le processus qui s’opère lors de l’apprentissage des machines reste majoritairement méconnu. Pour eux, le problème de la boîte noire dans l’intelligence artificielle résulte dans des difficultés de compréhension des cheminements utilisés par l’IA pour arriver à ses conclusions. En ce sens, les artistes ont eux-mêmes recréé un « alien ».

Le langage de nimiia cétiï est élaboré à partir des écrits martiens d’Hélène Smith, une médium suisse de la fin du XIXe siècle, considérée comme la muse de l’écriture automatique par les surréalistes. En effet, celle-ci était connue pour entrer dans des états de transe avec glossolalie, prétendant communiquer avec des civilisations issues de la planète Mars. Ces sessions de transe donnèrent naissance à des écrits présentant la langue martienne en symboles et textes, qu’Hélène Smith traduisit ensuite vers le français.

Dans nimiia cétiï, l’ordinateur est similairement présenté comme une sorte de shaman des temps modernes, un médium qui peut recevoir et articuler des messages d’entités qui ne disposent pas de voix. Ces entités, les Bacillus subtilis, sont depuis peu considérées comme étant les seuls organismes capables de survivre sur Mars. Selon l’artiste Memo Akten (ayant collaboré au projet) et Jenna Sutela, ces bactéries probiotiques que nous ingérons pourraient éventuellement être des martiens natifs, et que ceux-ci ont possiblement quelque chose à nous dire…

Pour une plongée au cœur des sons martiens dans vos écouteurs, l’accompagnement audio officiel de nimiia cétiï, intitulé nimiia vibié, est disponible sur diverses plateformes d’écoute musicale. Une vidéo explicative de la réalisation du projet est également disponible. Le projet de Jenna Sutela a été réalisé en collaboration avec Memo Akten et Damien Henry.

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Crédits image à la une : © Jenna Sutela

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— Karolina Parzonko

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