Stratégies, ressources et outils : les leviers de la visibilité
En novembre dernier a eu lieu le colloque annuel du PILEn (Partenariat Interprofessionnel du Livre et de l’Édition numérique) sur le rayonnement du livre et des écritures francophones belges. Partenariats, subsides, relations presse, métadonnées… autant d’outils pour assurer une présence physique et virtuelle de la création éditoriale, ici et là-bas. Quel modèle économique et stratégie marketing mettre en place ? Comment assurer sa présence sur le Web et en salon littéraire ? Comment les secteurs culturels voisins se promotionnent-ils ? Quels soutiens des entités fédérées pour protéger la création et encourager la diffusion ? Ces questions ont été débattues lors d’une table ronde du colloque.
Métadonnées du livre et communication : les outils du rayonnement du livre
Sophie Vandepontseele est directrice des collections contemporaines de la Bibliothèque Royale de Belgique (KBR). Elle rappelle que, si le dépôt légal d’une publication est une étape obligatoire, la KBR a décidé de faire vivre la loi sur le dépôt légal pour qu’il participe du rayonnement du livre francophone belge. Pour ce faire, la Bibliothèque Royale récupère les métadonnées des distributeurs, éditeurs et auteurs pour les valoriser dans une vitrine des nouveautés, en sus du catalogue de la KBR.
Pour Sophie Vandepontseele, les métadonnées sont une nouvelle monnaie au cœur de bien des métiers. Le secteur de l’édition n’y échappe pas. Sur le site de la KBR, hormis la procédure de dépôt légal, on peut donc consulter toutes les sorties littéraires récentes ou à venir. La KBR a signé un accord avec Boekenbank, afin de faciliter le travail d’encodage des éditeurs. Sophie Vandepontseele estime que le concept de chaîne du livre devrait être renommé en chaîne de la donnée ; aujourd’hui, l’œuvre en tant que telle et les métadonnées associées sont clairement indissociables et pareillement intégrées et conservées par la KBR dans le patrimoine national du livre belge.
Isabelle Fagot, responsable communication des éditions ONLIT, estime que faire rayonner un livre, c’est évidemment penser à sa communication. Un bon texte, une belle couverture et de beaux visuels sont essentiels. Il faut aussi penser aux nouveaux outils pour les nouveaux médias (teasers vidéo par exemple), même si les médias traditionnels (presse, radio, télé) restent davantage prescripteurs de lecture pour Isabelle Fagot. Il faut surtout se donner les moyens de ses ambitions, car une bonne communication compte autant qu’un bon texte.
Pourtant, la communication n’est pas toujours pensée suffisamment en amont ou son budget est minimaliste (20 livres prévus à destination des journalistes, alors qu’il en faut généralement 60 pour obtenir 10 recensions). Pour les petites maisons d’édition, il est incontournable de miser sur la qualité plutôt que la quantité de la diffusion physique et presse et donc de prendre la peine d’identifier les canaux les plus efficaces pour son livre.
Aides à la traduction et au coaching : les institutions soutiennent le secteur de l’édition
Silvie Philippart de Foy travaille à la Direction des Lettres du Service général des Lettres et du Livre de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle s’y occupe de la promotion de la littérature belge francophone à l’international. Un large éventail d’aides existe en la matière : aides à la traduction pour des éditeurs étrangers souhaitant publier des auteurs belges francophones (70 000 euros par an) et envoi d’ouvrages recommandés par la Commission des Lettres dans des universités et des centres littéraires.
On citera aussi : soutien à l’organisation du Collège européen des traducteurs littéraires de Seneffe (où des traducteurs traduisent des auteurs belges) et soutien à la librairi e Wallonie-Bruxelles-Paris (130 000 euros par an, avec acheminement d’ouvrages de maisons d’édition belges sans distributeur/diffuseur locaux).
On citera encore : Prix du rayonnement des lettres belges, partenariats notamment avec la Foire du livre de Bruxelles (où il y a eu cette année un espace cession de droits), collaborations avec la SACD-SCAM (rencontres autour de l’adaptation cinématographique), etc. Silvie Philippart de Foy attire enfin l’attention sur Objectif Plumes, un portail des littératures belges où on retrouve 5 000 auteurs et autrices depuis février 2020.
Marie-Eve Tossani est chargée de programmation littéraire au Centre Wallonie-Bruxelles Paris. Face à une offre culturelle pléthorique, comment se faire une place à Paris ? Le Centre Wallonie-Bruxelles Paris travaille avec des formats inédits et hybrides, à l’image qu’a la Belgique en France : novateur.
Le Centre travaille aussi avec une approche par thématiques. Hors programmation propre, le Centre est aussi présent dans les salons et festivals : Salon du Livre de Paris, Salon du Livre de Montreuil, Festival de BD d’Angoulême. Dans ces évènements littéraires, le Centre Wallonie-Bruxelles Paris arrange des rendez-vous professionnels pour les éditeurs indépendants de Wallonie et de Bruxelles avec des attachés de presse, journalistes, programmateurs et influenceurs. Car la notion de relation personnelle est très importante dans le rayonnement du livre.
Par ailleurs, le Centre édite des catalogues conjoints car la notion de collectif est nécessaire à la visibilité des petits territoires. Le WBI aide par ailleurs les professionnels du livre comme les auteurs souhaitant se rendre en salon (trajet pris en charge) ou les éditeurs souhaitant se développer (prise en charge du trajet également ou d’un coaching professionnel pour élaborer sa stratégie à l’international).
Vers un tax-shelter du livre ?
Noël Magis est managing director de screen.brussels fund, le fonds régional d’investissement dans l’audiovisuel. Même combat dans l’audiovisuel, où le défi est de pouvoir émerger dans une quantité hallucinante de contenus. Pour Noël Magis, la qualité du contenu est la clé. C’est pourquoi il est nécessaire de développer le travail d’écriture. Le travail d’écriture lui-même doit être correctement rémunéré. Au vu des fonds publics concernés, c’est une simple responsabilité de bonne gouvernance. Il est aussi primordial d’avoir une stratégie coordonnée avec tous les opérateurs de la chaîne de valeur. Enfin, de bons outils de communication sont indispensables ; il faut concevoir le storytelling et préparer sa communication parfois deux ans en amont. Ceci permet de connaître son audience et de réfléchir aux formats adéquats.
Pour Robert Sillen, directeur juridique des éditions Casterman, un tax-shelter pour le livre serait bénéfique pour son rayonnement. Le tax-shelter permet à une entreprise belge d’investir dans la réalisation d’une œuvre en contrepartie d’une réduction fiscale. L’audiovisuel, les arts de la scène et les jeux vidéo bénéficient déjà du tax-shelter. L’ADEB (Association des éditeurs belges) milite pour élargir le tax-shelter à l’édition. Ceci nécessite une adaptation du système, notamment sur les investissements planchers car le coût d’un livre est évidemment bien moindre que celui d’un film, d’un jeu vidéo ou même d’une pièce de théâtre.
Autre piste de rayonnement : Robert Sillen parle aussi de la coédition, un partenariat entre acteurs d’expertises diverses pour créer des produits innovants ou transmédias et pour toucher un public plus large (exemples : illustrateurs BD dans des guides touristiques pour remplacer les traditionnelles photos). Robert Sillen pointe trois choses indispensables en coédition éditoriale : se mettre d’accord sur le fonctionnement (quels canaux d’exploitation pour le produit ?), la prise de décision (si un coéditeur veut réimprimer, peut-il le faire de sa propre initiative ?) et les aspects financiers (établir un compte d’exploitation provisionnel). Vous pourrez en apprendre plus dans le compte-rendu de la formation donnée par Robert Sillen au PILEn.
Pour survivre dans une jungle de contenus, le livre belge francophone n’est pas sans armes. Bien entendu, il faut travailler en amont sur la qualité du contenu car ce dernier est roi. S’il ne faut pas négliger la communication traditionnelle, celle-ci ne suffit pas pour se démarquer. Les métadonnées du livre exploitées par la KBR contribuent au rayonnement, de même que la coédition permet d’ouvrir des portes. De nombreuses aides publiques font exister le livre belge à l’international, notamment en favorisant le développement des relations personnelles, prépondérantes dans le secteur de l’édition. Mais ces aides publiques seraient inspirées d’élargir le tax-shelter au livre.
Retrouvez ce compte-rendu ainsi que d’autres billets sur le blog du PILEn.
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— Gilles Simon