L’interopérabilité des bases de données pour le livre en Belgique francophone

Quels sont les différents projets qui entourent la gestion des bases de données pour le livre belge francophone ? Comment rendre ces données les plus communes et accessibles possible ? Dans le cadre de la campagne « Lisez-vous le belge ? », coordonnée par le PILEn, Lettres Numériques a rassemblé les regards et les actions de la KBR, de l’ADEB et de Prix du livre à ce sujet.

Une standardisation et une uniformisation à la KBR

En tant que Bibliothèque scientifique nationale, la Bibliothèque royale de Belgique (KBR) conserve plus de 8 millions de documents. La KBR met actuellement toute une série d’actions en œuvre pour rendre son catalogue le plus accessible possible au public. Ce travail de grande envergure passe par des étapes de standardisation et d’uniformisation de ses données afin de pouvoir en assurer l’utilisation, l’exploitation et l’échange.

À côté des données du catalogue général, la KBR dispose de bases de données qui contiennent des informations d’autorités pour permettre d’enrichir leurs notices catalographiques. Parmi ces bases de données se trouvent celles relatives aux auteurs et aux éditeurs.

« Ces dernières font actuellement l’objet d’un grand nettoyage et notre objectif est de les mettre à la disposition de nos partenaires. En tant que bibliothèque nationale, la KBR souhaite donner la priorité au nettoyage des données relatives aux « autorités » belges qui constituent plus d’un million d’entrées », explique Sophie Vandepontseele, directrice des collections contemporaines de la KBR.

Voici les voies dans lesquelles la KBR s’est engagée pour participer à ce travail commun de rendre les données des acteurs de la chaîne du livre en Belgique plus accessibles et d’en faciliter les échanges.

  • La création en son sein d’une agence ISNI (International Standard Name Identifier). Lettres Numériques a publié un article à ce sujet. « La KBR souhaite de cette façon offrir un véritable service aux acteurs du livre et aux auteurs de contenus culturels en général, avec un outil qui va renforcer leur visibilité numérique. Afin de faciliter le travail de nettoyage de nos autorités « auteurs », un numéro ISNI leur sera attribué de façon automatisée», précise Sophie Vandepontseele.
  • L’initiative relative au projet de recherche BELTRANS, porté par l’UCLouvain, la KULeuven et la KBR, qui a pour objet d’étudier les flux de traductions littéraires entre la Belgique francophone et la Flandre entre 1970 et 2020 et dont l’un des objectifs est de créer une base de données des auteurs belges traduits dans l’autre langue nationale. Cette base de données sera construite entièrement dans le respect de normes et de standards qui répondent le plus possible à la notion de FAIR data (données Faciles à trouver, Accessibles, Interopérables et Réutilisables). Ces données seront injectées dans le catalogue de la KBR.
  • Des projets innovants soutenant le mouvement des Linked Open Data, où les données sont liées entre elles sans hiérarchie et qui permettent, notamment, d’effectuer des recherches plus précises, d’assurer une meilleure interopérabilité des données et de participer à une meilleure visibilité sur le Web au travers d’une indexation automatisée, en générant des liens pointant directement vers le catalogue.

Déposer les métadonnées via la plateforme de déclaration de dépôt légal en ligne

L’une des missions légales de la KBR est l’organisation du dépôt légal des publications belges.

Pour pouvoir organiser cette obligation dans les meilleures conditions possible et afin d’assurer la conservation optimale des publications déposées et publier mensuellement la Bibliographie de Belgique, la KBR a mis en place un module de dépôt légal en ligne. Celui-ci offre aux éditeurs et autres déposants la possibilité d’effectuer la déclaration de dépôt légal en ligne et d’y déposer les métadonnées y afférentes. Ces métadonnées pourront être réutilisées dans le cadre du traitement catalographique des publications entrées dans les collections.

Dans le but d’améliorer le traitement catalographique des publications déposées et de les mettre le plus rapidement possible à la disposition du lecteur, la KBR souhaite automatiser le traitement catalographique en explorant toutes les possibilités de réutilisation de données déjà existantes. Pour pouvoir utiliser ces dernières de façon la plus efficiente possible, il est nécessaire de disposer de données répondant le plus possible à la notion de FAIR data.

Des métadonnées « à l’importance cruciale », pour Morgane Batoz-Herges, coordinatrice du PILEn

Le PILEn (Partenariat Interprofessionnel du Livre et de l’Édition numérique) s’implique depuis des années dans la gestion des bases de données pour le livre belge et ceci sur plusieurs plans.

  • Le volet métadonnées du livre, avec plusieurs formations et rencontres organisées pour sensibiliser les professionnels à l’importance cruciale de celles-ci pour la « découvrabilité » de leurs livres. La liste de ce qui a déjà été proposé est accessible ici. « Pour citer Sophie Vandepontseele, la chaîne du livre est avant tout une « chaîne de la donnée ». Force était cependant de constater que cette question restait relativement abstraite et suscitait assez peu d’intérêt », précisent Morgane Batoz-Herges et Flore Debaty, interlocutrice pour prixdulivre.be.
  • La gestion du portail prixdulivre.be, créé à l’initiative de la Fédération Wallonie-Bruxelles en 2018 pour être le support du décret sur la protection culturelle du livre et de la mise en œuvre du prix unique du livre en Belgique francophone. Le but premier de ce site est de répondre aux questions du grand public, qui a la possibilité de vérifier le prix des livres achetés via l’outil de recherche avancée.

Le portail Prix du livre : vers une conscientisation sur l’importance des métadonnées

Sur prixdulivre.be, les métadonnées sont transmises par des gestionnaires que sont Dilicom en France et Banque du Livre en Belgique, qui sont étroitement liés. Ces bases de données sont alimentées par les distributeurs et les éditeurs auto-distribués, seuls habilités à créer, alimenter et corriger les notices des livres.

Très récemment, le catalogue des livres éligibles pour l’action d’achat massif mise en place par la Fédération Wallonie-Bruxelles en soutien à la chaîne du livre y a été intégré. Deux autres types de publics se sont alors emparés de la recherche et des catalogues : celui des professionnels du livre (bibliothécaires et libraires) et celui des collectivités (CPAS).

Dans le cadre de cette action, le PILEn répond à leurs questions et à leurs difficultés car, pensé à la base pour un autre usage, le portail prixdulivre.be n’offre pas des fonctionnalités de recherche optimales. De plus, d’autres questions et demandes d’information s’ajoutent de la part des auteurs, autrices et maisons d’édition.

Le portail prixdulivre.be, en portant à la connaissance d’un plus large public les « fiches » de livres utilisées auparavant en B2B, a donc permis d’avancer dans ce travail de conscientisation sur l’importance des métadonnées et, au-delà, sur la nécessité d’améliorer les bases de données existantes pour donner plus de visibilité au livre belge. Prise de conscience d’autant plus aiguë en période de crise sanitaire, avec le développement du commerce en ligne, notamment via Librel, qui ne fonctionne qu’avec des métadonnées.

Les métadonnées des éditeurs, un enjeu aussi pour l’ADEB

Depuis l’automne 2019, l’ADEB a mené deux opérations qui ont mis en avant l’inutile complexité des bases de données concernant le livre belge.

  • L’étude des circuits de diffusion et de distribution de l’édition belge: « Il est apparu que les données remises par les distributeurs étaient souvent limitées aux données les intéressant eux seuls dans leur relation commerciale avec les libraires », explique Benoît Dubois, directeur de l’ADEB. « Ceci n’est pas illogique mais, ce faisant, les métadonnées à portée plutôt éditoriales sont oubliées pour nombre de petits éditeurs (mots-clés, illustration de couverture, etc.). Par ailleurs, si le chargement des données se fait à partir de la France, les données spécifiquement belges ne sont pas nécessairement introduites. En bout de course, l’éditeur n’a même pas la possibilité de contrôler ses fiches dans le moteur de Banque du Livre », poursuit-il.
  • Dans le cadre des aides Covid-19, l’ADEB a essayé de mettre au point un catalogue exhaustif des éditeurs (éligibles aux aides publiques) : « Dans cette démarche, nous avons été confrontés à la multiplicité des bases de données, très peu interconnectées, très peu à jour, et surtout pilotées essentiellement par des acteurs français pour qui, sans doute, le marché belge n’est qu’accessoire. »

Vers un élargissement de l’interopérabilité des données

L’ADEB souhaite travailler dès 2021 à la définition de bases de données cohérentes, d’éditeurs belges et de produits d’édition belges, interconnectées et mises à jour par leurs acteurs. L’espoir est de pouvoir élargir encore l’interopérabilité avec :

  • les objectifs du dépôt légal à la KBR ;
  • des sites de promotion de la littérature belge francophone comme Objectif plumes ;
  • des sites incontournables pour une distribution sans faille en Belgique et en France ;
  • un site éventuellement ouvert au grand public, pour rassasier son intérêt pour l’édition de Belgique.

« Pour asseoir cette mission interprofessionnelle, il nous a semblé important de l’inscrire dans les objectifs de la toute neuve Chambre de Concertation des Écritures et du Livre et de la porter avec nos partenaires du PILEn dans une réflexion à mener en Région wallonne », conclut Benoît Dubois.

Le PILEn mise sur le dialogue et la concertation au sein de l’interprofession et avec tous les acteurs impliqués : le PILEn en collaboration avec les deux associations d’éditeurs (l’ADEB et Les Éditeurs singuliers), le Syndicat des Libraires francophones de Belgique (SLFB), les associations professionnelles des bibliothécaires (FIBBC et APBFB), la KBR, mais aussi Librel, la Banque du Livre et Dilicom.

« La constitution d’un véritable fichier exhaustif du livre belge est un projet de longue haleine d’une importance cruciale pour tout le secteur. L’ambition doit être de rendre les bases de données existantes les plus communes possible, mais aussi d’en améliorer l’usage en tenant compte non seulement du public professionnel, mais aussi du grand public », conclut Morgane Batoz-Herges, coordinatrice du PILEn.

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— Cynthia Prévot

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