Eric Briys, cofondateur de Cyberlibris : « La question n’est plus de savoir si une bibliothèque est physique ou numérique : elle est bibliothèque »

Chaque jour, le numérique révolutionne les habitudes de lecture au travers de concepts toujours plus innovants. Parmi ceux-ci, la lecture en streaming qui se décline aujourd’hui sous plusieurs types d’offres, aux spécificités et particularités distinctes.

Lettres Numériques a rencontré Éric Briys, cofondateur de la société Cyberlibris créée en 2001 et dédiée aux bibliothèques numériques, l’un des intervenants du colloque co-organisé par le PILEn et la Fédération Wallonie-Bruxelles le 2/12 (Coexistences nouvelles ?  Les futurs de la mise à disposition du livre numérique).

Comme l’explique Eric Briys, l’idée de base de Cyberlibris était de contrecarrer les inconvénients des bibliothèques physiques (livres en attente car déjà empruntés, durée des emprunts, etc.) en proposant une bibliothèque en ligne, permettant un accès 24 heures sur 24, à un nombre illimité d’ouvrages, consultables eux-mêmes simultanément par plusieurs personnes. L’objectif était donc de réinventer le principe d’achat à la pièce en instaurant un système simplifié à tous les niveaux, et notamment pour les lecteurs.

Cyberlibris repose sur le système de la lecture en streaming : pas besoin d’application, tout se passe directement dans le navigateur internet (Google Chrome, Internet Explorer, Firefox) ; ce qui signifie que tout système informatique peut accéder aux ouvrages mis en ligne par Cyberlibris, à condition de disposer d’une connexion internet.  Autant dire qu’à l’heure actuelle, ce problème n’en est plus vraiment un.

3 bibliothèques pour 3 cibles distinctes

L’offre de Cyberlibris est structurée en 3 famille de bibliothèques : les bibliothèques académiques ScholarVox, les bibliothèques professionnelles ExecVox et, enfin, les bibliothèques familiales. Ces dernières comprennent les livres en « lecture publique » (bibliothèques municipales et institutions françaises à l’étranger : Bibliovox) ainsi qu’une offre plus spécifiquement dédiée aux familles et disponible sur abonnement individuel : Smartlibris. Smartlibris est issue des bibliothèques numériques familiales lancées en 2006 par Cyberlibris en collaboration avec Belgacom et la FNAC. La date de lancement du format actuel de Smartlibris coïncide avec celle de l’iPad, en 2010. Ce découpage répond à l’idée qu’il existe une bibliothèque propre à chaque étape de la vie du lecteur.

Avec SmartLibris, une famille peut ainsi souscrire un abonnement pour tous ses membres sans restriction au niveau du nombre d’utilisateurs. Pour Eric Briys, cette offre est très intéressante parce qu’elle « permet notamment d’aller au-delà des traditionnels best-sellers et de découvrir un éventail de livres bien adaptés aux besoins des familles dans les domaines de l’éducation, la santé, l’art de vivre, la culture, les loisirs, etc. »

Une offre large

Le choix de titres disponibles sur CyberLibris dépend avant tout des décisions prises par les éditeurs quant au choix de rendre leurs publications disponibles sur la plateforme ou non. CyberLibris conseille également les éditeurs dans leurs choix de titres et les demandes des lecteurs introduites sur la plateforme sont également relayées auprès des éditeurs.

Selon Éric Bryis, « la grande force de Cyberlibris réside dans son analyse des métadonnées, qui met en avant la similitude entre les habitudes de lecture et non entre les livres eux-mêmes. Non seulement Cyberlibris analyse les métadonnées, mais elle les retravaille également en profondeur à l’aide d’outils issus de l’apprentissage automatique (machine learning) afin d’en tirer une visualisation sociale de la bibliothèque baptisée DICE (Digital Content Explorer) ».

Le DICE sera sous peu mis à disposition gracieuse des clients et partenaires de Cyberlirbis. Selon Eric Briys, le nombre de consultations d’un livre en numérique dépend en effet non seulement de la qualité de son contenu mais aussi de la façon dont on en permet la découverte. Le DICE est une réponse à cet enjeu.

Une rémunération basée sur le nombre de pages consultées

La rémunération de Cyberlibris correspond à une commission de 50% sur le prix de ventes des abonnements aux clients, tant privés qu’institutionnels (collectivités, bibliothèques, etc).  La rémunération des ayant droits se calcule sur les autres 50%, en tenant compte de la consultation des titres, et non de la taille du catalogue mis en ligne. Chaque consultation est ainsi comptabilisée et toute impression sur papier d’un titre est également comptabilisée comme une consultation supplémentaire. Cela signifie donc que la rémunération se fait uniquement en fonction du volume de pages lues, indépendamment du prix public hors taxe du livre.

Quand on l’interroge sur le risque d’un tel modèle pour les éditeurs, notamment en termes de perception de valeur du livre, Eric Briys répond que « tout dépend du contexte dans lequel est introduit l’abonnement : personne aujourd’hui ne songe par exemple à contester la valeur apportée aux éditeurs et à leurs auteurs par l’abonnement en milieu académique. » Il ajoute : « pourquoi ne pas considérer que l’abonnement est à l’achat du livre récemment sorti ce que le livre de poche est à ce même livre ? »

Quel rôle pour les bibliothèques ?

Quant à savoir si le concept de Cyberlibris révolutionnera, à long terme, la vision du livre et le concept de bibliothèque physique, il s’agit là, toujours selon Éric Bryis, d’arriver à ce qu’une bibliothèque ne se pose plus la question de savoir si elle est physique ou numérique : elle est bibliothèque.

Selon lui, « il faut remettre en question le concept actuel de la bibliothèque et s’interroger sur la manière dont les mètres carrés utilisés par une bibliothèque physique seront dorénavant habités. Les bibliothèques sont des espaces d’échanges et de rencontres. Elles permettent de rompre la solitude. Les bibliothèques ont un atout magnifique : leur espace, à elles d’en faire un lieu « magnétique »».

Propos recueillis par M.H.

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— Rédaction

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