Régine Kolinsky : « Le numérique ? Tout dépend de comment on l’utilise ! »

Régine Kolinsky nous éclaire sur l’apprentissage de la lecture et ce que le numérique peut y apporter.

Régine Kolinsky interviendra lors du colloque Erasmus+ du 18 septembre « Des écrits aux écrans ». Directrice de recherches au Fonds National de la Recherche scientifique (FNRS), elle travaille à présent à l’ULB, dans l’Unité de Neurosciences cognitives (UNESCOG). Ce qui l’intéresse, c’est la lecture. Plus spécifiquement, elle se penche sur la façon dont l’apprentissage de la lecture et de l’écriture change notre perception du monde, de ses sons et de ses images.

« L’écriture est un outil nouveau dans le long parcours de l’humanité » rappelle-t-elle. Et l’homme ne naît pas plus lecteur que scripteur : il acquiert ces compétences au fil d’un apprentissage long, parfois difficile… s’il les acquiert : le monde compte toujours 16% d’adultes analphabètes. Apprendre à lire, c’est adapter son cerveau, c’est établir des connexions entre vision et langage, entre le mot « chat » dans une bouche ou une oreille, et les caractères « chats » tracés sur une page.  Certains éléments passent inaperçus dans le monde naturel : une anse de tasse à gauche ou à droite. Mais à l’écrit, des éléments en apparence tout aussi anodins font toute la différence : accent grave ou aigu, p ou q, et le mot est tout différent…

« Pour tout apprenti scripteur, la confusion entre « q » et « p » est tentante » explique Régine Kolinsky. « On les distingue plus facilement quand on les écrit manuellement » dit-elle encore, s’appuyant sur les propos de son collègue Jean-Luc Velay. Le mouvement moteur aide à associer le son à l’écrit. De plus, lorsque l’apprenti scripteur pose à nouveau les yeux sur les lettres en question, les zones du cerveau activées lors du mouvement moteur seront à nouveau sollicitées pour aider à la reconnaissance de ces lettres. Écrire à la main est donc précieux à plus d’un titre pour l’enfant ou l’adulte en cours d’apprentissage.

Le numérique est-il dès lors un obstacle à l’apprentissage de l’écriture et de la lecture ? « Ah, le numérique… Tout dépend de ce qu’on met dedans ! » répond d’emblée Régine Kolinsky. Elle rappelle aussi que le numérique est jeune encore, trop jeune même pour permettre à la recherche de tirer de grandes conclusions. Elle relève aussi que le numérique ouvre à un monde d’informations à l’écrit et qu’il est avantageux de pouvoir y accéder au plus tôt. Les outils numériques eux-mêmes peuvent faciliter l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Ainsi, Graphogame est une invention finnoise : en s’entraînant quelques heures, quelques semaines, à ce jeu sur ordinateur, les enfants apprennent à associer graphèmes et phonèmes. Les élèves et leurs professeurs sont séduits : avec ce jeu sur ordinateur, l’apprentissage devient tout de suite moins ardu et plus ludique. Avec les outils adéquats donc, les structures cérébrales nécessaires à la lecture peuvent se développer plus aisément. Autre atout du numérique : l’outil et sa présentation se plient au rythme de l’élève. Un « ch » capricieux pourrait être souligné systématiquement dans une couleur pour un élève par exemple. « Bref, ce qui compte, c’est que l’apprentissage ne soit pas uniquement visuel » rappelle Régine Kolinsky. L’apprenant doit pouvoir associer ce qu’il entend et ce qu’il voit, numérique ou pas !

L’affaire est à suivre et à discuter le 18 septembre, avec Régine Kolinsky et les autres intervenants du colloque « Des écrits aux écrans ».

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Source photo : Digital Society Forum

— Sibylle Greindl

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