Vous lisiez ? J’en suis fort aise : Et bien ! touchez, maintenant

La vue, l’ouïe… Jusqu’à récemment encore, les supports numériques ne mobilisaient pratiquement que vos yeux et vos oreilles. Or, grâce à de récentes avancées, vous pouvez désormais mettre à contribution votre sens du toucher sur une tablette novatrice : la « dalle haptique » !

Nous en parlions dans l’article consacré à la dernière Foire du Livre de Bruxelles, la dalle haptique faisant partie intégrante de l’Espace Futurs du Livre, entièrement dédié à la lecture sensorielle et mis en place par le PILEn. Un projet étonnant et novateur…

GENÈSE

En 2015, la Bibliothèque Municipale de Lille met en relation des chercheurs du projet Mint (Université des Sciences et Technologies, Lille 1) avec l’auteur-illustrateur belge, Dominique Maes. L’idée est de proposer à l’artiste de s’approprier le procédé numérique mis au point par les scientifiques afin de le questionner, de le mettre à l’épreuve et de le rendre accessible au grand public. Avec son expérience en tant que créateur, mais aussi et surtout suite au développement d’un récit via une application sur tablette (Bleu de toi), Dominique Maes s’est volontiers prêté au jeu pour relever ce nouveau défi.

CONCRÈTEMENT

dalle-livre-haptique_vignetteLes chercheurs ont élaboré un dispositif basé sur des céramiques piézoélectriques (on les retrouve notamment dans les allume-gaz) qui se déforment sous l’effet du courant électrique. Si les mouvements produits ne sont pas perceptibles visuellement, nos doigts, en revanche, nous permettent de sentir des microvibrations. Ainsi, à travers une technologie de pointe, une gamme de sensations subtiles est générée à travers un écran équivalent à celui d’une petite tablette. Des sensations si subtiles que certains utilisateurs doivent s’entraîner, réveiller un sens souvent sous-utilisé – le toucher –, et redoubler d’attention pour les percevoir. C’est là tout l’enjeu de l’installation imaginée par Dominique Maes : une exposition intitulée Les livres à caresser ou La Princesse Patouche et les 7 lutrins. Ainsi, avant de tester la « dalle haptique », les visiteurs sont invités à découvrir la parodie d’un conte via différents ouvrages dans des papiers de grande qualité. Ils circulent entre les lutrins et manipulent avec « les mains propres et sèches » ces livres au grain particulier, marqués par diverses techniques séculaires de gravure et d’impression, avant de se tourner vers le prototype numérique.

Le public est alors amené à faire défiler les images et le texte qui apparaît sur la dalle haptique. Des sons accompagnent cette immersion : quand ce n’est pas les écailles d’un poisson qui se hérissent dans un bruit de bulles si vous les touchez à contresens, c’est un phoque qui sort de sa marre glacée en produisant un bruit sourd parce que vous effleurez la surface de l’eau. Avec eux, c’est également tout un lexique lié aux sensations tactiles qui émerge.

En ce sens, par le biais de cette exposition protéiforme, l’artiste invite à la découverte de contenus visuels, tactiles, auditifs et textuels véhiculés par des médias aux propriétés différentes, des supports considérés ici comme complémentaires.

ET ENSUITE ?

Cela intrigue, intéresse et stimule, car l’exposition nomade ne cesse de tourner depuis sa mise en place. Dès lors, si, comme Dominique Maes, la perspective de « sentir quelque chose qui n’existe pas » vous anime, sachez qu’elle sera accessible en Belgique durant ce mois de mars. Pour consulter toute l’actualité liée à ce projet, mais aussi les autres activités de l’artiste (comme l’inauguration de son musée de produits imaginaires – La Manufacture – les 31 mars et 1er avril prochains), n’hésitez pas à faire un petit tour sur son site.

Quant au dispositif « haptique » en tant que tel, il semble qu’il soit voué à générer de nouveaux projets, car les perspectives sont multiples. En effet, on étudie à présent ses potentialités sur le marché industriel, mais aussi dans le cadre du développement d’outils, susceptibles d’aider les personnes malvoyantes ou dyslexiques à travers le sens du toucher. À suivre, donc !

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— Perrine Estienne

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