Le recours au Crowdfunding pour sauver les Editions du Caïman !
Les Editions du Caïman, maison d’édition française indépendante créée en janvier 2010, connaissent depuis peu une crise liée au redressement judiciaire de leur distributeur papier, De Borée. Ce dernier étant en cessation de paiement, les revenus liés aux derniers mois d’activité n’ont pas été payés à l’éditeur, qui risque de ne jamais toucher les montants dus. Pour pallier à cette situation critique, une campagne de crowdfunding a été lancée début octobre pour récolter les fonds nécessaires à la survie de la maison d’édition. Rencontre avec son fondateur et gérant, Jean-Louis Nogaro, qui nous en dit plus sur la démarche adoptée.
Qui sont les Editions du Caïman ?
Nous publions principalement du polar et de la littérature jeunesse. Bien que nous n’existions que depuis 2010, les éditions du Caïman bénéficient déjà d’une bonne notoriété et nos livres se vendent de mieux en mieux, une visibilité que nous devons en partie à notre diffusion numérique, grâce au travail de notre distributeur ebook, Primento. Avec le recul, je pense même que notre présence sur les librairies en ligne va contribuer à la poursuite de notre activité éditoriale.
Face au redressement judiciaire de votre distributeur papier De Borée, quels sont les impacts concrets pour Le Caïman ?
Nous n’avons pas encore touché les revenus liés aux ventes de nos livres en librairies, et cela pour un tiers de l’année 2015. À vrai dire, nous risquons même de ne jamais en voir la couleur. Nous sommes une petite maison d’édition et n’avons malheureusement pas les reins assez solides pour assurer cette absence de revenus. Concrètement, il nous manque 8000€, chiffre d’affaires qui nous est dû, nécessaire pour éponger nos dettes et garder la tête hors de l’eau. Actuellement, notre distribution papier est gelée et les livres se vendent au ralenti.
Quelle a été la réaction de vos auteurs par rapport à cette situation ?
Dès que j’ai appris la nouvelle, je les ai contactés pour leur proposer de récupérer leurs droits. Au lieu d’accepter cette proposition, tous ont souhaité poursuivre avec nous et certains d’entre eux ont cherché à trouver une solution pour venir en aide aux éditions du Caïman. C’est ainsi qu’ils ont choisi de lancer une campagne de crowdfunding sur le Web, pour nous aider à récolter la somme nécessaire pour assurer la survie de la maison d’édition. Nous avons donc la chance de bénéficier du soutien de nos auteurs, avec lesquels nous entretenons de bonnes relations. Notre volonté en tant qu’éditeur repose en effet sur deux critères : le premier concerne la qualité du livre, le second le rapport entretenu avec les auteurs. C’est la raison pour laquelle nous éditons peu de livres par an afin de pouvoir assurer comme il se doit leur promotion.
Comment cette démarche de crowdfunding a-t-elle été accueillie ? Quels ont été les outils mis en place pour communiquer autour de cette initiative ?
Nous avons constaté un bel élan de solidarité de la part des différents acteurs de la chaine du livre : lecteurs, auteurs, collègues éditeurs, etc. Certains libraires organisent par exemple des signatures des livres de nos auteurs. Nous bénéficions d’un gros soutien de l’ensemble de la profession. J’en suis le premier surpris. Cela va faire six ans que les éditions du Caïman existent et cette situation de crise m’a permis de voir à quel point le milieu du livre est extrêmement solidaire et non-concurrentiel. On se file des tuyaux plutôt que de vouloir tirer la couverture à soi. Même si je suis seul à gérer les Éditions du Caïman, la société est bien entourée : comité de lecture, relecteurs professionnels, maquettiste, transporteurs, imprimeurs, etc. Tout ce petit monde travaille de près ou de loin avec la maison d’édition.
Nous avons envoyé des communiqués afin d’informer notre entourage. Les réseaux sociaux nous ont également permis de transmettre l’information, grâce à une page spécialement dédiée à la campagne de crowdfunding. Nous avons souhaité conserver deux pages distinctes afin de bien séparer notre activité éditoriale qui continue et notre problème de distribution. Nous ne souhaitons pas apparaître comme la société souffreteuse qui est en faillite, mais plutôt comme une maison d’édition qui a toujours pour volonté première de publier des livres.
Cela fait un mois que la campagne de crowdfunding a été lancée. Les résultats sont-ils positifs ?
Le 26 octobre dernier, j’ai envoyé un communiqué aux différentes personnes sollicitées qui reprend un bilan chiffré. Nous transmettons les informations en toute transparence sur cette opération. Grâce à la campagne de crowdfunding, nous avons actuellement récolté 1745€, de la part de 55 donateurs. Les gens peuvent participer pendant deux mois encore, via ce lien. À cela s’ajoute les dons directs d’auteurs, éditeurs, libraires, qui s’élèvent à 151€. Il y a également les « commandes solidaires », effectuées directement sur notre site internet, pour un montant de 1704€. De nombreuses autres initiatives ont été mises en place parmi lesquelles les « vitrines solidaires » de libraires qui vendent nos titres en réduisant ou supprimant leurs marges, les concours organisés par des blogueurs, les relais de presse et radio, et j’en passe. Aujourd’hui, nous comptabilisons une entrée de 3600€, soit près de la moitié de ce dont nous avons besoin pour poursuivre l’aventure des Éditions du Caïman.
Qu’en est-il de votre distribution/diffusion papier ? Comment envisagez-vous la suite ?
Nous sommes actuellement en train de clôturer notre contrat avec De Borée, société qui continue, malgré son redressement judiciaire, à travailler avec professionnalisme. Dans un même temps, nous avons commencé à chercher d’autres distributeurs papier car nous souhaitons poursuivre la diffusion de nos livres sur tout le territoire et pas seulement au niveau de notre région. À l’inverse, nous étudions les propositions de différentes entreprises qui nous ont sollicités. En attendant, nous poursuivons l’activité éditoriale, avec la sortie en décembre d’un nouveau titre. Pour la suite, nous allons devoir repousser la mise en place de certains projets, comme la location de nouveaux locaux. Dans l’immédiat, nous continuons à faire exister la maison d’édition et mettons tout en œuvre pour sortir de cette crise.
Le crowdfunding ou financement participatif, concept en vogue pour le soutien de nouveaux projets (nous vous en parlions dans Lettres Numériques), représente ici un autre enjeu, puisqu’il est question de permettre la poursuite d’un projet menacé de disparaître. Une nouvelle manière d’appréhender le concept, dans un marché du livre quelque peu instable et en constante évolution ?
Pour participer à la campagne de crowdfunding lancée par les auteurs des éditions du Caïman, rendez-vous ici.
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— Gaëlle Noëson