Protection du livre numérique : les DRM, état des lieux et enjeux

La protection des fichiers constitue à l’heure actuelle l’un des plus grands chantiers du livre numérique. Comment mettre au point un système de protection optimal qui permette de lutter contre le piratage tout en garantissant une bonne expérience utilisateur ? Un sujet que nous avons abordé à plusieurs reprises et qui a longuement été discuté lors de l’EPUB Summit organisé à Bordeaux. Cette semaine, Lettres Numériques fait le point sur les différentes DRM mises en place actuellement.

Qui dit fichier numérique dit risque de piratage, comme le montrent les cas de la musique, du cinéma, des séries TV, etc. Une réalité à laquelle n’échappe malheureusement pas l’ebook et qui inquiète libraires et éditeurs. Comment protéger son fichier afin d’éviter qu’il se perde dans la nature et soit téléchargé illégalement ? Face à ces craintes, plusieurs solutions ont été mises au point, parmi lesquelles la DRM, Digital Rights Management, sorte de verrou électronique apposé sur le livre numérique et censé empêcher toute tentative de piratage.

La DRM d’Adobe

Nous vous en parlons depuis plusieurs années, et pour cause : la DRM mise au point par Adobe a longtemps été la seule sur le marché et est donc actuellement utilisée par la majorité des sites de vente en ligne. Elle est pourtant loin de faire l’unanimité, tant chez les lecteurs que chez les librairies, principalement pour les étapes qu’elle ajoute entre le moment de l’achat et la lecture de l’ebook. Concrètement, une fois son livre acheté, le lecteur doit se créer un compte Adobe et suivre la procédure mise au point avant de pouvoir commencer à lire. Premièrement, un lecteur qui vient d’acheter un nouveau livre n’a qu’une seule envie : commencer sa lecture. Deuxièmement, la marche à suivre n’étant pas des plus intuitives (c’est le moins que l’on puisse dire), nombreux sont ceux qui se retrouvent bloqués, incapables de lire leur ebook. Le plus gros désavantage de cette solution réside donc dans une expérience utilisateur désastreuse, qui peut décourager purement et simplement le lecteur numérique novice de procéder à de nouveaux achats. Comme nous l’expliquait dernière David Dupré, directeur général de The Ebook Alternative (TEA), seuls 20 % des lecteurs repassent à l’achat après avoir expérimenté la DRM d’Adobe et le taux de service après vente est désastreux (n’hésitez pas à relire l’interview complète ici). Quoi de plus frustrant en effet que d’acheter le livre que vous rêvez de lire depuis plusieurs semaines et d’être incapable de l’ouvrir ? Une situation qui, dans le pire des cas, peut même pousser le lecteur à télécharger illégalement.

Il est donc difficile de trouver des points positifs à la technologie mise au point par Adobe, si ce n’est le sentiment de sécurité qu’elle peut procurer aux éditeurs. Une sécurité finalement quelque peu illusoire puisque, précisons-le, tout lecteur un tant soit peu mal intentionné peut assez facilement faire « sauter » la DRM moyennant quelques manipulations techniques.

La DRM LCP de Readium, une DRM « sociale »

Readium

Face à cette situation, la Fondation Readium (pour tout savoir sur Readium, c’est par ici) a mis au point une nouvelle DRM, la DRM LCP, pour Lightweight Content Protection. Une DRM qui se veut plus « légère » au niveau de son utilisation, tout en garantissant parallèlement une sécurité optimale pour le fichier. Pour le lecteur, cela signifie moins d’étapes entre l’achat de son ebook et le début de la lecture. La DRM sera bien présente, mais il n’en aura pas conscience. De son côté, l’éditeur est rassuré puisque le fichier est protégé, tandis que les librairies accuseront moins de retours et auront donc moins de service après vente à gérer.

Une solution qui a inspiré la boîte française TEA dans la création de sa propre DRM, appelée CARE pour Content & Author Rights Environment. Cette DRM est basée sur un système de jetons, à savoir que le lecteur a droit à 10 jetons, chacun équivalant à un support de lecture.

La solution mise au point règlerait donc en théorie tous les problèmes engendrés par la DRM d’Adobe. Si son utilisation vient à se généraliser, elle permettra d’offrir une expérience utilisateur optimale, apte à concurrencer celles des systèmes fermés tels qu’Amazon et Apple, et de garantir une sécurité maximale des fichiers.

Le tatouage numérique

N’oublions pas non plus que la DRM n’est pas le seul moyen existant pour protéger les fichiers numériques puisqu’il existe également le système du tatouage numérique. Au lieu d’apposer un « verrou » sur le fichier, le tatouage permet d’indiquer au sein de l’ePub les coordonnées de la personne qui l’a acheté. De cette façon, le fichier peut être tracé et l’on peut facilement retrouver la personne qui l’a acheté à l’origine. Le tatouage a donc une portée dissuasive plutôt que contraignante. Une belle parade au système problématique de la DRM d’Adobe. À voir si cette pratique aura toujours sa raison d’être sur le long terme si les acteurs parviennent à implémenter une DRM facile d’utilisation.

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— Mélissa Haquenne

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Mélissa Haquenne

Digital Publishing Professional