Congrès international des éditeurs : le digital, futur de l’édition et de l’éducation

Le 32e congrès international des éditeurs s’est tenu à New Delhi du 11 au 13 février dernier. La fédération indienne y a accueilli pour la deuxième fois les spécialistes de 60 nations afin de discuter de l’avenir du secteur de l’édition. Professionnels, auteurs ou encore bibliothécaires issus du monde entier se sont réunis autour d’un thème commun : « Façonner le futur : l’innovation rencontre l’expérience ».

C’est donc en Inde que l’Union internationale des éditeurs (UIE) a décidé de réunir les acteurs mondiaux du livre pour cette nouvelle édition. Ce congrès biennal est un événement majeur dans le calendrier éditorial et les sujets abordés sont de premier ordre. Il est question de droit d’auteur, de la liberté de publication ou encore des nouvelles technologies. C’est avant tout l’occasion d’échanger idées, craintes et possibles solutions sur l’avenir du secteur.

Michiel Kolman, président de l’UIE, avait pour objectif d’amener les participants à comprendre l’importance de l’équilibre entre traditions littéraires et évolutions technologiques. Pour lui, puisque « l’industrie du livre regarde en permanence vers le futur », les éditeurs doivent sans cesse réinventer les supports de lecture.

Le digital, une nécessité

Une démarche novatrice que trop peu d’acteurs comprennent actuellement. Alors que les marchés les plus développés ont déjà passé le cap du digital en travaillant à la fois sur les données des consommateurs, la chaîne d’approvisionnement et une offre numérique dynamique, le reste du secteur est encore trop souvent attaché aux valeurs traditionnelles de l’édition. D’ailleurs, peu d’entre eux ont une vision claire du marché pour les 10 prochaines années. Pourtant, la concurrence du divertissement digital est réelle et prend une place croissante auprès des consommateurs : la télévision, les films et les jeux vidéo séduisent toujours plus le public. Nos habitudes de consommation littéraire s’érodent, un constat d’autant plus visible chez les nouvelles générations.

Cependant, la diversité du marché explique cette réticence à l’innovation. En effet, les nations ont des cultures du livre différentes et l’illettrisme reste encore un problème majeur dans certaines d’entre elles. Le Brésil, l’Inde et la Chine en font partie et à eux trois ils représentent 40 % de la population mondiale. Promouvoir la lecture et l’éducation dans le monde est donc impératif, quels que soient les outils. Amitabh Kant, PDG de NITI Aayog, expliquait durant le congrès que « la technologie sera[it] un élément perturbateur pour l’Inde qu’on le veuille ou non » et « que les professeurs devr[aient] être assistés par la technologie pour améliorer la qualité de l’enseignement et le rendre plus amusant ».

Un enjeu pour l’éducation

Au cours du débat « Créer les lecteurs de demain », Sheikha Bodour bint Al Qasimi, fondatrice de Kalimat, première maison d’édition jeunesse émirienne, a décidé d’interpeller son audience à ce sujet. Elle a ainsi demandé aux éditeurs incluant le digital dans leur façon de concevoir leur métier de se lever. À cette question, la majorité du public est restée assise tandis qu’un rire nerveux s’est fait sentir dans la salle. Un constat surprenant, quand on sait que l’intégration de la technologie est vitale pour donner une chance à la lecture de faire partie des passe-temps incontournables du jeune public. Monica Malhotra Kandhari, directrice du groupe éducatif MBD, explique qu’en Inde le meilleur usage de la technologie dans l’édition est encore axé essentiellement sur l’interprétation des données permettant la création d’une meilleure offre de produit. Une idée intéressante qui reste toutefois beaucoup trop limitée. Gita Wolf, fondatrice de Tara Books, rappelle également que « si l’on convainc un enfant de devenir un lecteur à un jeune âge, il le sera pour la vie ». Suivant cette logique, nul doute qu’il faille penser dès maintenant à une stratégie globale capable de séduire et d’encourager la jeune génération à devenir le lectorat de demain.

Le congrès international des éditeurs reste aussi l’occasion de récompenser la liberté d’expression et d’édition à travers le Prix Voltaire. Cette année, il a été décerné à Gui Minhai, éditeur suédois d’origine chinoise, actuellement porté disparu depuis son dernier voyage en Chine en janvier dernier. Un bel hommage qui clôture ce rassemblement empreint de nouveaux défis. Michiel Kolman se montre quant à lui optimiste par rapport à la direction future du secteur, même si la technologie reste encore un point sensible.

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— Aude Luyckx

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