YouTube reconnu coresponsable de violation de droits d’auteur
Le livre audio connaît depuis quelque temps un essor sans précédent. Malheureusement, ce développement va de pair avec une augmentation de violations des droits d’auteur. C’est notamment sur YouTube que de nombreux livres audio se retrouvent illégalement à disposition des internautes. La plateforme s’est toujours justifiée en revendiquant son statut d’hébergeur de contenus et non d’éditeur. Mais cela n’a pas empêché un tribunal autrichien de déclarer YouTube coresponsable de violation de droits d’auteur.
C’est une décision qui fait l’effet d’un séisme dans le monde de l’hébergement de contenus. Le statut « d’intermédiaire neutre » revendiqué par YouTube est en effet mis à mal par le tribunal de commerce de Vienne, qui a déclaré dans un jugement publié ce 5 juin que la plateforme de partage de vidéos était activement impliquée dans la diffusion de contenus piratés. YouTube est ainsi coresponsable des violations de droits d’auteur dont se rendent coupables ses usagers lorsqu’ils visionnent ces contenus, parmi lesquels on retrouve notamment de nombreux livres audio.
De nombreux livres concernés
Une rapide recherche sur la plateforme permet de réaliser l’ampleur du phénomène. Aux côtés de certains livres audio libres de droits, on retrouve les romans de la saga Harry Potter, Game of Thrones, ou encore L’idéaliste de John Grisham, tous disponibles à portée de clic sans débourser un euro. À l’heure où l’audiobook a le vent en poupe, des heures d’écoute et de nombreux livres sont proposés, chacune des vidéos proposant son lot de suggestions pour accéder à la suite de l’ouvrage ou à des récits du même genre.
L’implication active de Youtube
La filiale de Google était poursuivie par Puls 4, une chaîne de télévision privée autrichienne, depuis 2014. Une plainte avait alors été déposée, suite à la présence illégale de contenus appartenant à la chaîne sur YouTube. Depuis, Puls 4 et ses avocats ont pu apporter la preuve de la complicité de la plateforme dans la diffusion de ces vidéos, bien que celles-ci aient été mises en ligne par des internautes. La plateforme a avancé son traditionnel argument du statut d’hébergeur de contenus, et non d’éditeur, selon lequel elle ne pourrait pas être reconnue légalement responsable des vidéos proposées.
Des contrôles préliminaires
Mais cette fois-ci, l’argument n’a pas été jugé recevable, et le tribunal de Vienne a décidé de donner raison à Puls 4. « Du fait des liens, tris et filtres opérés, notamment la création de sommaires par catégories, l’examen des comportements des utilisateurs et l’offre de propositions de contenus sur mesure, (…) YouTube ne relèverait plus du domaine d’un intermédiaire neutre », a déclaré le tribunal.
Ce serait donc l’éditorialisation des contenus qui poserait problème, d’autant plus que la plateforme retire d’importants bénéfices de leur diffusion. La cour estime en outre que YouTube devra à l’avenir soumettre les contenus qu’elle diffuse à des contrôles préliminaires, en vue de s’assurer qu’ils ne violent aucune législation sur les droits d’auteur.
Une décision qui pourrait faire jurisprudence
« Les médias qui se nomment réseaux sociaux vont devoir reconnaître qu’ils doivent porter une responsabilité pour les contenus avec lesquels ils gagnent des fortunes », s’est félicité Markus Breitenecker, directeur de Puls 4. Si le jugement devait être confirmé, il pourrait en effet faire jurisprudence. Rappelons toutefois qu’il s’agit ici d’une décision de première instance, et que Youtube a toujours l’opportunité de faire appel. Selon l’AFP, la plateforme a ainsi assuré à la presse autrichienne « prendre la protection des droits d’auteur très au sérieux » et n’exclure « aucune option, y compris un appel ».
Une réforme européenne
Cette décision est d’autant plus intéressante qu’elle intervient en pleine réflexion européenne sur le droit d’auteur. Une grande réforme a en effet été amorcée fin mai à Bruxelles, afin que les plateformes rémunèrent mieux les éditeurs de presse et les artistes pour leur production en ligne. L’Union européenne espère notamment obliger les plateformes de partage de vidéos comme YouTube à développer des technologies qui pourraient détecter automatiquement les titulaires de droits des chansons, vidéos ou livres audio, afin que les contenus puissent être autorisés ou supprimés.
La numérisation de la lecture a grandement facilité les violations des droits des auteurs, que ce soit pour les ebooks ou les livres audio. Si cette décision devait être confirmée par un éventuel appel, elle pourrait marquer une étape importante dans la lutte contre ce phénomène. Affaire à suivre donc.
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— Raphaël Dahl