Un roman autoédité sélectionné pour le Prix Renaudot 2018
Cette année, le Prix Renaudot aura beaucoup fait parler de lui. Fait rare, mais pas unique dans l’actualité des prix littéraires, la présence d’un roman autoédité aura marqué les esprits. Publié sur Amazon à compte d’auteur, le roman Bande de Français de Marco Koskas figurait sur la première sélection du célèbre prix littéraire. Plus qu’un simple effet d’annonce, la présence d’un livre autoédité aura provoqué un tollé dans le monde de l’édition traditionnelle. Lettres Numériques revient pour vous sur une petite révolution dans l’institution que forment les prix littéraires.
Les faits
Le 27 avril dernier, Marco Koskas publiait à compte d’auteur sur Amazon le roman Bande de Français, qui retrace l’immigration d’un Juif français en Israël. Déjà auteur d’une quinzaine d’ouvrages publiés de manière traditionnelle, Koskas a eu la bonne surprise de voir cet ouvrage sélectionné pour le Prix Renaudot. Sur la couverture, l’auteur a eu l’ingénieuse idée d’indiquer un éditeur imaginaire : Galligrassud, mot-valise qui combine les noms des trois monstres de l’édition (Gallimard, Grasset et Actes Sud).
La position claire du Jury
Dans Le Point du 6 septembre 2018, Patrick Besson (président du Jury du Prix Renaudot 2018) argumentait avec ferveur sa position et son choix. « Cela fait des décennies que les livres sont autopubliés ou publiés à compte d’auteur », déclarait-il. Et de citer Marcel Proust, publié à compte d’auteur chez Grasset, comme parfait exemple. Plus qu’un choix littéraire, force est de constater que la présence d’un ouvrage autoédité fait passer un message fort aux grands éditeurs. « Quel agriculteur donnerait son champ à labourer contre un pourcentage de 10 % ? C’est normal que certains auteurs ne soient pas satisfaits des conditions économiques et se rebellent contre les éditeurs. »
Un combat entre Amazon et les éditeurs traditionnels ?
Le bruit qu’a entraîné cette sélection, et notamment la colère du Syndicat de la librairie française (SLF) qui s’en est suivie, aura fait remonter à la surface le vieux débat sur la place d’Amazon par rapport au circuit traditionnel. En France, 17 % du dépôt légal des titres imprimés sont autoédités aujourd’hui, contre 10 % en 2010. Une des raisons de cette augmentation, comme le rappelle Patrick Besson, est la différence de revenus pour l’auteur. En effet, la rémunération peut monter jusqu’à près de 70 % du chiffre de vente, contre 8 à 10 % chez les éditeurs traditionnels. Cependant, il faut prendre en compte que la totalité des frais de mise en page, de distribution, de promotion et d’impression est à la charge de l’auteur qui s’autoédite.
Dès lors, peut-on parler de concurrence entre le géant américain et les éditeurs traditionnels ? Rien n’est moins sûr. En effet, l’émergence de nouveaux talents sur Amazon se révèle une nouvelle manière pour les éditeurs de recruter des auteurs ayant déjà un certain succès sur Internet. De plus, comme le nuance Patrick Besson, « on croyait que la tablette allait tuer le livre, et ce n’est pas le cas. La chose qui importe, c’est la personne qui a écrit, le livre en lui-même et la personne qui le lit. Le reste, ce sont des aléas techniques. »
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— Matthieu Lamon