Ebooks : la question du droit d’auteur
Au cours d’une conférence donnée dans le cadre de la Foire du livre de Francfort, Michael Healy, directeur du Copyright Clearance Center et Michiel Kolman, président de l’International Publishers Association (IPA), se sont exprimés au sujet de la propriété intellectuelle : quelles circonstances actuelles favorisent ou entravent sa protection dans le chef des publications numériques ?
L’IPA, qui constitue la plus grande fédération d’éditeurs nationaux, régionaux et spécialisés à travers le monde, regroupe aujourd’hui 81 maisons d’édition répartir dans 69 pays sur tous les continents. Depuis sa création en 1896, l’association s’est toujours penchée sur la question de la propriété intellectuelle et de la libre publication, un sujet qui est, plus que jamais aujourd’hui, au centre des débats. Le vote récent au Parlement européen (voir notre article ici) d’un texte visant à adapter le droit d’auteur au monde du numérique montre bien l’importance prise par la propriété intellectuelle pour les instances législatives à un niveau global. Malgré les campagnes de lobby des grandes entreprises du Net destinées à contrer cette mise en place d’une législation stricte sur le respect du droit d’auteur, la mentalité des consommateurs évolue et ceux-ci sont de moins en moins enclins à donner un accès libre à leurs données personnelles.
Si des forces financières très puissantes sont indéniablement en jeu, l’adoption de cette première mouture au Parlement européen a montré qu’il était possible d’obtenir des résultats, en diffusant un message clair et positif : il est important que la lutte pour la défense de la propriété intellectuelle se fasse au nom de l’innovation et de la créativité.
Michael Healy a également évoqué la refonte du droit d’auteur qui a eu lieu au Canada en 2012, et qui s’est avérée désastreuse pour la propriété intellectuelle : en effet, une exception introduite dans les textes dans le domaine éducatif permet aux étudiants et professeurs d’utiliser des œuvres
protégées sans être obligés de demander leur accord aux titulaires de droits. Au nom d’un usage équitable, les conséquences économiques et culturelles risquent malheureusement d’être dramatiques : des maisons d’édition ont déjà fermé, la production littéraire s’est tarie (puisqu’un livre ne rapporte plus de revenus), avec le risque de voir les étudiants canadiens dans l’impossibilité d’accéder à la culture de leur propre pays (s’il n’y a plus d’auteurs canadiens). Même si le gouvernement et la population sont conscients de la nécessité de changer cette loi, le plébiscite que lui ont réservé les étudiants minimise ses répercussions économiques.
Une situation qui ne se limite pas au Canada puisque d’autres pays ont suivi son exemple, comme les États-Unis, où le nombre de livres soumis au droit d’auteur a chuté de 90 %. La tendance s’observe également en Australie, à la différence que les parties prenantes y sont bien mieux organisées qu’au Canada, ce qui permet de protéger plus efficacement les auteurs.
Si la question de la propriété intellectuelle occupe aujourd’hui une place prépondérante dans le monde de l’édition, Michiel Kolman remarque que les organisations, nombreuses, ne bénéficient pas d’une coordination optimale. Le président de l’IPA souligne l’importance d’entretenir des relations entre les différentes parties, notamment les membres du Parlement et la Commission européenne, et rappelle que sa fédération a largement investi dans différents projets de coopérations.
L’IPA compte d’ailleurs bien poursuivre sa collaboration avec la World Intellectual Property Organization (WIPO), un partenariat positif pour les maisons d’édition. Il évoque également l’intelligence artificielle, qui pourrait avoir des implications dans le domaine de la propriété intellectuelle. En effet, pour qu’une IA soit performante, il faut qu’elle bénéficie de données de qualité : toute la question est de savoir si ces données doivent être librement accessibles ou fournies par les éditeurs.
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— Elisabeth Mol
