Un écrivain américain poursuit le site de piratage Ebook.bike

Le site pirate créé par Travis McCrea fait à nouveau parler de lui à la suite d’une poursuite lancée par le romancier John Van Stry. Nous vous en parlions dans un précédent article, l’association d’auteurs américains Authors Guild avait lancé un appel aux auteurs en mars dernier afin de demander la suppression des liens du site Ebook.bike sur Google. Ebook.bike permettait en effet de lire des ebooks en ligne gratuitement.

Mis en accusation pour violation des droits d’auteurs, Travis McCrea, l’ancien gérant du site eBook.bike et ancien chef du Parti pirate du Canada, estime toujours n’avoir commis aucune faute. Au contraire de l’administration qui, selon ses dires, n’aurait pas notifié correctement les demandes de suppression de contenu.

L’auteur américain John Van Stry n’est pas du tout du même avis, puisque selon lui, « McCrea a une longue et fière histoire de violations constantes, flagrantes et fameuses de la propriété intellectuelle d’autres personnes ». Van Stry a lancé une procédure devant la justice contre McCrea et son prétendu partenaire commercial Francisco Humberto Dias, exerçant sous le nom de Frantech Solutions, devant un tribunal du Texas pour violation du droit d’auteur directe, contributive et par procuration.

Les droits d’auteur ou la visibilité ?

Retour au 27 mars dernier : l’écrivain John Van Stry porte plainte contre Travis McCrea qui, dans un premier temps, préfère ne pas prendre part à l’affaire. Ce 12 juillet, le juge William C. Bryson devra malgré tout trancher.

Dès le mois de juin, une question se pose : un jugement par défaut est-il acceptable ? McCrea accepte peu de temps après sa date de comparution. Dans le même temps, il indique contre-attaquer avec une plainte pour diffamation, tout en faisant une offre de transaction au plaignant, rapporte Torrent Freak, le blog d’information consacré aux actualités concernant le partage de fichiers et le copyright.

La ligne de défense de Travis McCrea est la suivante : il se soumettait bien au Digital Millenium Copyright Act (DMCA), en acceptant volontiers de supprimer des fichiers si ceux-ci étaient signalés comme frauduleux. Il estime par ailleurs que son service de téléchargement en ligne offrait de la visibilité aux écrivains en faisant découvrir leurs œuvres gratuitement aux lecteurs.

« Soyons clairs : je n’ai à aucun moment hébergé du contenu que je ne possédais pas sur Ebook Bike et je me suis toujours assuré que les contenus protégés par le droit d’auteur ne seraient pas téléchargés, en utilisant les mêmes méthodes et techniques utilisées par YouTube, Facebook et autres », affirme-t-il.

Tout en subtilités

Le second point de cette affaire porte sur la compétence de la cour. Bien que cela ait été rapidement établi, la question de la compétence personnelle à l’égard de McCrea pose problème, car sans cela, tout jugement serait nul. Les subtilités du droit interviennent alors : le juge doit se baser sur les affirmations et allégations de la plainte pour définir s’il est en mesure de trancher. Celui-ci estime alors que la Cour manque de preuves pour disposer des compétences nécessaires afin de rendre un jugement par défaut.

Si la compétence personnelle peut être établie à la satisfaction de la Cour, la question des dommages et intérêts demeure. En effet, pour le juge, aucun document ne démontre en quoi la somme de 180 000 dollars, réclamée par Van Stry, est appropriée. Complication supplémentaire : McCrea n’est pas résident américain. L’injonction réclamée ne peut être exécutée en dehors des États-Unis. À ce titre, le juge ne peut pas rendre un verdict qui minimiserait la portée de la demande.

Les exigences du DMCA

Le gérant du site de téléchargement d’ebooks plaide donc l’irrecevabilité. Il considère « indéniable que le plaignant n’a pas déposé les avis de retrait appropriés, comme l’exige le Digital Millenium Copyright Act ».

La législation du DMCA oblige en effet les hébergeurs à retirer le fichier faisant l’objet d’une plainte du site, dès lors que cette dernière est formulée et justifiée. Or, la législation implique que la demande contienne « des informations raisonnablement suffisantes pour permettre au fournisseur de service de localiser le contenu », point négligé par Van Stry dans sa démarche.

Torrent Freak reproduit quelques éléments de la demande de retrait en question. Le site indique que les liens fournis par Van Stry ne pointaient que vers des résultats de recherche, où aucune œuvre contrefaite n’était recensée.

Le plaignant n’a donc pas satisfait aux exigences légales du DMCA, ce qui a permis à McCrea d’estimer qu’il n’y a « aucune affaire à laquelle répondre ». Ce dernier déclare dans un même temps qu’il a toujours fait part de son engagement à faire respecter le droit d’auteur sur les sites web où il s’est impliqué.

John Van Stry réclamait 180 000 dollars de dommages et intérêts, mais le préjudice n’a pas été correctement démontré. Aujourd’hui, le tribunal « serait disposé à conclure que le plaignant a droit à une indemnité légale de 750 dollars pour chacune des douze œuvres », soit 9000 dollars au total. Une somme que McCrea ne compte pas payer de sa poche, puisqu’il a sollicité l’aide du public via un financement participatif pour payer ses frais de justice.

Le site Ebook.bike, désormais hors service, ne comptait pas moins d’un million de visiteurs par mois au plus fort de son succès.

Ailleurs sur Lettres Numériques :

Retrouvez Lettres Numériques sur TwitterFacebook et LinkedIn.

— Cynthia Prévot

Share Button