Qui sont les auteurs de piratage ebook ?

À l’instar d’autres secteurs culturels et créatifs, le secteur du livre numérique n’est pas épargné par le phénomène de téléchargement illégal. Le piratage ebook était en hausse en 2017 et certains pays affichaient des chiffres inquiétants. Cependant, le plus surprenant n’est pas ce constat, mais bien le profil des pirates ebook : ceux-ci sont issus de la génération Y. Il s’agit d’universitaires et membres de la classe moyenne à aisée, majoritairement âgés de plus de 30 ans. Le prix ne serait donc pas à l’origine de leur comportement ? Analysons ensemble la situation actuelle pour tenter d’y voir plus clair sur ce problème global.

En 2017, les sites proposant des ebooks piratés ont reçu plus de 50 millions de visites. Cela reste minime par rapport aux sites proposant illégalement des films ou de la musique qui, eux, en comptabilisent plusieurs milliards. Cependant, ces chiffres ne doivent pas être pris à la légère : le piratage culturel est un problème qui touche le monde entier. Alors que les trois pays qui téléchargent illégalement le plus de contenus culturels sont les États-Unis, la Russie et l’Inde, l’Europe n’est pas en reste puisque la France arrive en sixième position du classement réalisé par MUSO, spécialiste des données sur le piratage.

Des pirates inattendus

Une étude sur la psychologie des pirates ebooks, menée par la société de contre-piratage Digimarc et l’institut Nielsen, révèle que la majorité des lecteurs téléchargeant des ebooks de manière illégale sont éduqués et financièrement aisés. En effet, plus de 70 % d’entre eux disposent d’un diplôme universitaire ou postuniversitaire. Ils sont situés dans une tranche d’âge de 18 à 45 ans (près de la moitié ont entre 30 et 44 ans) et appartiennent à des ménages dont le revenu mensuel est compris entre 5 000 et 8 000 US dollars.

Dès lors, comment expliquer un tel comportement de la part de ce type de lecteurs ? Les principales raisons avancées sont la facilité, la rapidité et la gratuité. 17 % des répondants à l’étude de Digimarc et de l’institut Nielsen estiment qu’ils ne devraient pas payer pour obtenir ce type de contenu. La production culturelle apparaît encore une fois trop peu valorisée.

Un problème européen

Une étude du Bureau de la Propriété Intellectuelle (IPO) sur la violation des droits d’auteur illustre le cas européen avec quelques chiffres. En Allemagne et aux Pays-Bas, seuls 10 % des ebooks seraient achetés légalement, un chiffre inquiétant pour la propriété culturelle. Le reste des ebooks téléchargés le seraient illégalement, à partir de sites de partage de fichiers ou de Torrent.

Au Royaume-Uni, la situation diffère : moins d’un quart des livres numériques lus sont piratés, mais cette part représente environ 4 millions d’ebooks. Stephan Lotinga, Directeur général de l’Association anglaise des éditeurs, estime que le piratage ebook est un problème majeur pour le milieu de l’édition : « Nous n’avons pas traversé la même situation que les industries de la musique et du cinéma […] mais c’est tout de même 4 millions de livres pour lesquels les auteurs et les éditeurs ne sont pas payés, et qui devraient être payés. C’est une inquiétude particulière pour les éditeurs à un moment où les ventes de livres numériques sont en légère baisse. »

Comment combattre ce phénomène ?

Afin de contrer le téléchargement illégal, la ministre française de la Culture, Françoise Nyssen, a impulsé l’établissement d’une « liste noire » des sites illégaux de téléchargement, encore en cours de développement. Établie par la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), cette liste serait mise à jour régulièrement afin de permettre aux fournisseurs d’accès, aux annonceurs et aux moteurs de recherche de supprimer le référencement ou de bloquer l’accès aux sites répertoriés.

Par ailleurs, les ebooks actuels sont protégés par des verrous appelés DRM (Digital Rights Management) et ceux-ci compliquent leur accès pour des lecteurs novices. De nouvelles formes de sécurité pour les livres numériques plus performantes ont été développées, dont le watermarking. Il s’agit d’un tatouage numérique ajouté dans le fichier et traçable en cas de piratage, ce qui permet de dissuader les pirates, sans impacter le confort de lecture.

Malheureusement, il n’existe pas encore d’étude sur l’impact réel de ce genre de mesures sur les ventes ebooks et la diminution du téléchargement illégal. Toutefois, les internautes avouent que, lorsqu’ils ne trouvent pas illégalement ce qu’ils cherchent, ils pensent majoritairement à l’achat comme deuxième solution. La solution d’une « liste noire » et la désindexation des sites de téléchargement sur les moteurs de recherche formeraient donc de bonnes pistes pour enrayer ce problème.

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— Aude Luyckx

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