DPUB Summit 2020 : l’industrie du livre en Suède à l’ère du numérique

Dans le cadre du Digital Publishing Summit 2020, organisé par l’EDRLab, Alexandra Borg, professeure de littérature comparée, et Erik Wikberg, chercheur en économie, nous présentent l’industrie du livre en Suède à l’ère de la numérisation des services. 

La numérisation de l’industrie du livre en Suède

Le livre est un produit profondément ancré dans la culture suédoise. Son évolution au cours des cinq siècles derniers est marquée par la redéfinition continuelle des techniques, de la typographie à l’impression.

Pendant longtemps, l’industrie du livre est restée traditionaliste, mais l’avancée irrépressible vers une toujours plus grande accessibilité l’a poussée à utiliser les possibilités offertes par le numérique. Le livre a été l’un des premiers secteurs touchés par ce phénomène en Suède, et les Suédois se sont finalement avérés très enclins à cette transition.

La digitalisation s’est opérée en deux temps :

• d’abord, à partir de 2003, avec la mise sur Internet progressive d’une partie de l’offre d’ouvrages papier disponible;
• puis, à partir de 2016, avec la mise en ligne des services de souscription.

Depuis 2016 également, Erik Wikberg constate que l’activité des librairies et grandes surfaces en matière des livres est en déclin, tandis que celle des librairies en ligne et des services de souscription digitale sont en nette hausse.

En Suède, l’acteur principal sur le marché de la souscription digitale est la société Storytel. Cette dernière ne propose que des livres dématérialisés et en particulier un grand choix de livres audio, très prisés par le public suédois. Pour 12 euros par mois en Belgique, sa formule à volonté renie la classique vente à l’unité, tout en mettant en lumière des livres habituellement cachés sous les best-sellers.

Néanmoins, et contrairement à ce que l’on pourrait penser, le modèle de la souscription n’est très souvent pas profitable pour les entreprises, du fait des nombreux investissements nécessaires. À l’instar d’Amazon qui, pour un type d’offre différent, a longtemps été déficitaire, Storytel ne génère du profit que depuis peu. En effet, le point commun entre ces deux sociétés est que pour être bénéficiaires, elles doivent compter sur une offre et une clientèle les plus étendues possible.

L’impact de la pandémie sur le secteur du livre

La pandémie n’a fait qu’accélérer des tendances déjà présentes. Par conséquent, les acteurs qui résistent le mieux à cette crise sont ceux qui avaient déjà digitalisé leur offre avant la première vague.

Malgré l’approche souple des autorités suédoises face au coronavirus et le fait que les librairies n’étaient pas fermées pendant la première vague, la population a changé ses habitudes et cela a nécessairement eu des conséquences sur l’ensemble du secteur culturel.

Concernant l’industrie du livre, les grands perdants sont encore une fois les librairies, avec une baisse d’environ 35 % de leur chiffre d’affaires sur la période allant du mois de mars à la mi-mai. Ce chiffre est significatif d’autant plus que la marge bénéficiaire en matière de cession de livres est souvent basse.

Quant à eux, les services de vente en ligne et de souscription sont ceux qui s’en sortent le mieux. Storytel a ainsi vu sa clientèle doubler, ce qui pose la question de savoir si les services de souscription vont avoir un impact défavorable sur la vente de livres papier.

Sans pouvoir infirmer cette éventualité, ce ne sera pas forcément le cas de manière drastique. En effet, les genres les plus populaires en souscription sont les journaux, les romans policiers et les romances, genres majoritairement vendus en format papier dans les grandes surfaces, qui s’en trouveraient donc les premières touchées.

Pour pallier cela, une sensibilisation du public à la complémentarité entre livres physiques, numériques et audio pourrait être utile. En effet, beaucoup pensent que ces produits sont non substituables, alors même que chaque format présente des avantages et des particularités propres.

Finalement, en ces temps de crise, le marché du livre en Suède, comme ailleurs, fait face à de nouvelles problématiques et se doit de mettre en place des solutions innovantes pour assurer sa pérennité.

Ailleurs sur Lettres Numériques :

• DPUB Summit 2020 : Bookalope, ou quand l’IA facilite la production de livres accessibles
• DPUB Summit 2020 : le Baromètre sur la consommation numérique de livres
• DPUB Summit 2020 : Saisir le potentiel des narrations visuelles

  Retrouvez Lettres Numériques sur Twitter, Facebook et LinkedIn.

— Nausicaa Plas