« À l’origine fut la vitesse », une création numérique immersive adaptée de « La Horde du Contrevent »

À l’origine fut la vitesse : Le testament de Sov Strochnis est une proposition immersive, théâtrale et sonore pour 44 spectateurs, librement adaptée de La Horde du Contrevent de Alain Damasio. Philippe Gordiani s’associe à Nicolas Boudier pour cette réalisation au dispositif scénique et musical inédit : les spectateurs sont équipés d’un casque audio à conduction osseuse et d’un masque aveuglant pouvant devenir écran de vidéo projection.

Une immersion totale dans l’univers de Damasio

L’adaptation littéraire est construite autour d’une voix, celle de l’acteur Thomas Poulard, qui est le cœur d’une mise en sons et en espace où les spectateurs se retrouvent embarqués. À l’origine fut la vitesse commence en invitant le spectateur à masquer sa vue : équipé d’un « combo », masque-écran et occultant combiné à un casque audio à conduction osseuse où la voix du comédien résonne directement à l’intérieur du crâne, le spectateur se retrouve relié à la mémoire de Sov Strochnis, ultime survivant de la 34e Horde.

« La Horde du Contrevent relate une quête illusoire : un groupe d’élite, formé dès l’enfance à faire face, part des confins d’une terre féroce, saignée de rafales, pour aller chercher l’origine du vent. Ils sont vingt-trois, un bloc, un nœud de courage : la Horde. Ils traversent leur monde debout, à pied, en quête d’un Extrême Amont qui fuit devant eux comme un horizon fou. À contrepied du roman, nous imaginons une époque où le vent n’existe plus, les spectateurs sont venus pour revivre cette sensation perdue et oubliée à travers l’épopée de la dernière Horde du Contrevent. Face à eux, Sov Strochnis, scribe partiellement amnésique, ultime survivant de cette Horde. Les spectateurs découvrent par bribes/flashs, la reconstitution chaotique du parcours de la 34e Horde. »

Une démarche qui vise à permettre une (re)découverte de notre faculté à entendre à 360°.

La musique et le son comme support narratif

À l’origine fut la vitesse est une adaptation transdisciplinaire où la musique et le son sont conçus comme support premier de la narration. De nombreux outils numériques spécifiquement dédiés sont nécessaires à sa dramaturgie : la mise en œuvre d’un objet sensoriel, le combo, ainsi que le développement de connexions intermédias, son, vidéo et lumière.

La source d’inspiration initiale étant le vent, l’équipe artistique et technique a créé et développé des outils technologiques afin de prélever et de transformer le DATA du vent. Ces flux de données intègrent les logiciels sonores, musicaux et vidéo pour cette création. Vitesses, mouvements et intensités des vents se transforment en déplacements de sons et d’images pour façonner l’expérience sensorielle des spectateurs.

« Pour ce spectacle, je compose une musique électronique à partir de synthétiseurs, de samplers et d’ordinateurs, au croisement des musiques actuelles et des musiques exploratoires », explique Philippe Gordiani dans sa note d’intention. « On ne me verra pas jouer, mais la musique est projetée en live dans l’espace du public via un dispositif de 24 haut-parleurs. Elle se transforme en une matière invisible en mouvement permanent. Le vent est extrêmement proche du son, il est lui aussi un espace invisible en mouvement permanent. […] j’ai imaginé et j’ai fait construire un dispositif de récupération des DATA du vent. C’est un système de capteurs (anémomètres et girouettes connectés) qui permet d’enregistrer les courbes d’intensités et les mouvements réels des vents. »

Des casques à conduction osseuse pour un double rapport d’écoute

L’utilisation de casques à conduction osseuse dans un dispositif multi-phonique permet d’élaborer un double rapport d’écoute, intérieur et extérieur. Ces casques fonctionnent sur le principe de l’osthéophonie, le phénomène de propagation du son jusqu’à l’oreille interne via les os du crâne, qui laisse les oreilles complètement ouvertes. Ils sont posés sur la partie osseuse se trouvant à 3 ou 4 cm devant l’orifice auriculaire.

Équipés de ces casques, les spectateurs profitent d’un relief sonore particulier : ils peuvent entendre la voix du narrateur via la conduction osseuse tout en étant totalement immergés via un dispositif multi-phonique tout autour d’eux. « Les dispositifs multi-phoniques immersifs sont complexes à réaliser, chaque spectateur étant à une place différente il n’y a pas d’écoute objective », précise Philippe Gordiani. « Pour cette création, je pars du principe qu’au même titre que les Hordiers face au vent, les spectateurs sont répartis dans la multidiffusion avec des différences de perceptions, certains plus exposés que d’autres aux rafales sonores. »

Deux espaces scénographiques imbriqués

Pour mener à bien cette multidiffusion, Nicolas Boudier a mis en place deux espaces scéniques.

  • L’espace extérieur : « plastique et expérientiel, numérique et digital, une salle de broadcast pensée comme les réseaux informatiques où il s’agit de transmission et de liaison permettant la diffusion des données à plusieurs utilisateurs en même temps : le multicast, allant à l’opposé d’une communication point à point : l’unicast. Les visiteurs sont invités à faire l’expérience du vent disparu, une salle d’écoute augmentée où le visuel les renseigne et les guide, une bibliothèque 3.0, une salle connectée où sciemment les spectateurs s’installent et viennent revivre l’épopée de la dernière Horde du Contrevent, nostalgiques de la brise mais aussi de la tempête».
  • L’espace intérieur : « le Combo pour Combiné est un dispositif innovant, hybridation entre vision et écoute, développé entièrement pour le spectacle. Casque VR comme Vision Rétinienne, il est une passerelle vers la Réalité Virtuelle, il donne accès à nos réelles perceptions et sensations, notre vivant interne. Il compile son, lumière et vidéo et entraîne une perte totale des repères […] il assume et amplifie le côté immersif et physique des sensations. […] Le visuel se fait à travers la vitre du casque qui est augmentée d’un film Holoscreen pouvant imprimer l’image vidéo projetée tout en laissant passer une lumière trichromique plus diffuse, créant une véritable profondeur de champ en travaillant sur la perception rétinienne. Il permet la création de paysages immatériels et abstraits, des images intérieures résonnant avec l’écoute sans jamais la contrer ni la commenter ».

Un teaser est disponible sur Vimeo. Cette réalisation numérique inspirée de La Horde du Contrevent est à découvrir du 17 au 19 décembre dans le cadre de la quatrième Biennale d’art numérique Némo à Paris.

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— Cynthia Prévot

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