Le projet ReLIRE en 2020, qu’en est-il ?

ReLIRE est un projet de numérisation massive des ouvrages indisponibles du XXe siècle, lancé en 2012. Les auteurs ont été appelés à voter à son propos ce 18 juin, dans le cadre de l’assemblée générale ordinaire de la Sofia. À l’ordre du jour ? Notamment le budget investi. Dans cet article, retrouvez les chiffres autour du projet.

Quel est le but du projet ReLIRE ?

Il existe de nombreux ouvrages publiés après 1900 qui ne sont pas encore tombés dans le domaine public, mais qui ne sont cependant pas réimprimés et sont donc indisponibles. Comme ils sont encore soumis à des droits d’auteurs, leur numérisation est autorisée à condition de négocier les droits numériques individuellement, soit avec les auteurs, soit avec les ayants droit.

Cette limitation ne permettant pas de numérisation massive, une loi française a été votée en 2012 pour faciliter la numérisation des livres indisponibles publiés avant le 1er janvier 2001. C’est ainsi qu’est né ce projet d’envergure, s’engageant à préserver le patrimoine éditorial du XXe siècle en redonnant une deuxième vie à des milliers d’ouvrages indisponibles en les numérisant massivement pour les rendre accessibles à un large public.

ReLIRE, comment ça marche ?

La BnF établit une liste de livres indisponibles, l’éditeur ne les exploitant plus, publiés avant le 1er janvier 2001. La BnF gère donc le registre ReLIRE qui constitue une réserve de livres imprimés destinés à la numérisation et se charge ensuite de les scanner pour fournir les fichiers JPEG.

Ensuite, la société La Sofia s’occupe de la gestion des droits collectifs des ouvrages demeurés dans le registre six mois après la publication de la liste annuelle, tandis que la société FeniXX (éditions numériques des livres indisponibles du XXe siècle), conçue par les éditeurs, numérise, distribue et commercialise les œuvres. Le CNL (Centre National du Livre), agence nationale indépendante dédiée à la chaîne du livre, finance 100 % de la numérisation réalisée par la BnF et 70 % de la production des ePub et des PDF.

La place des auteurs dans ce projet ?

Nous vous en parlions déjà ici, en 2018, le projet ReLIRE posait quelques problèmes au niveau législatif, notamment avec la loi votée en 2012 pour faciliter la numérisation massive qui ne serait pas conforme à la Constitution. De plus, ce projet de numérisation patrimonial ne demande pas forcément l’autorisation des auteurs, les rechercher individuellement présentant un travail colossal. Cette difficulté implique que malheureusement, les droits des auteurs sont négligés.

Dans cette perspective, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) est intervenue en 2016 et a imposé que ce qui avait été validé avant sa décision pouvait continuer d’être exploité, mais interdiction de produire de nouvelles listes. Pour la CJUE, en dehors des cas prévus par le droit européen, et bien que le projet soit louable dans ses intentions, « toute utilisation d’une œuvre effectuée par un tiers sans un tel consentement préalable doit être regardée comme portant atteinte aux droits de l’auteur de cette œuvre ».

Mais, en cas du silence d’un auteur, peut-on déduire son consentement à ajouter son œuvre à la liste des ouvrages de la base ReLIRE ? Toujours d’après la CJUE, non, car un tel accord implicite ne peut se déduire qu’à la condition que l’auteur dispose d’une « information effective et individualisée » qui fait ici défaut.

Quelques chiffres

Si le projet est en stand-by et ne peut créer de nouvelles listes d’ouvrages à numériser, le contenu qui l’avait déjà été peut encore être exploité. La Sofia a été chargée de délivrer les licences d’exploitation à l’éditeur dont le titre avait été numérisé, et de percevoir les sommes issues des ventes, afin de les répartir.

Quel est donc le bilan chiffré du projet à l’heure actuelle ? Voici quelques chiffres donnés par la Sofia :

  • plus de 200 000 titres sont entrés en gestion collective ;
  • 162 784 titres disposent d’une licence (40 % exclusive, 60 % non exclusive) ;
  • 61 000 références sont commercialisées par FeniXX et distribuées par Eden Livres ;
  • 45 000 auteurs sont représentés dans le catalogue ;
  • 34 000 ouvrages ont été vendus ;
  • 180 000 € de ventes totales ;
  • 16 736 € est la somme reversée destinée aux auteurs (à noter que ReLIRE garantit 1 € de rémunération à l’auteur, quel que soit le prix de vente) ;
  • 91 151 € (pour 2015, 2016 et 2017) de perceptions réalisées par la Sofia auprès des éditeurs et/ou de la société FeniXX ont fait l’objet d’une redistribution en 2019 ;
  • 91 151 € sont facturés en 2017 et 2018 aux éditeurs et à la société FeniXX par la Sofia au titre des exploitations réalisées sur 2015, 2016 et 2017 ;
  • 62 990 € sont facturés en 2019 pour l’exercice 2018 ;
  • 240 000 € est le chiffre d’affaires de FeniXX en 2018 ;
  • 85 400 € est le chiffre de pertes de FeniXX en 2018 ;
  • 3,4 millions d’euros est la somme injectée par Sofia depuis 2013 dans son action pour ReLIRE ;
  • 14,75 millions d’euros est la somme de l’argent public contribuant à ReLIRE découle (Caisse des Dépôts et Centre national du livre à la hauteur de 70 %) ;
  • 278 672,96 € qui ont été investis dans la gestion des indisponibles doivent être approuvés par les associés de la Sofia cette année.

Vers une meilleure gestion des budgets et dépenses ?

Aujourd’hui, tous ces chiffres et bilans des années ReLIRE mènent au débat. On parle de centaines de milliers d’euros, chaque année, dont le détail des dépenses n’est pas toujours très bien compris par le public. Nombreux se sentent lésés dans le monde du livre et sont dans l’incompréhension face aux agissements du projet et des politiques qui en découlent, notamment en lien avec la polémique des droits d’auteurs.

Reste à savoir si le système pourra être adapté dans le futur pour concilier efficacement la conservation du patrimoine grâce à la numérisation et la défense des intérêts des auteurs et des éditeurs.

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— Aline Jamme

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