Claire Williams, entre artisanat électronique et textiles numériques
Câbles, fils, logiciels et outils de programmation… Pour créer ses tissus futuristes, l’artiste bruxelloise Claire Williams s’intéresse au langage numérique et déconstruit les systèmes électroniques. Diplômée d’un master en Design textile à l’ENSAV La Cambre (École nationale supérieure des arts visuels de La Cambre), c’est lors de ses études qu’elle décide d’explorer les rouages internes d’un ordinateur, de matérialiser les encodages et les données a priori imperceptibles à l’aide de procédés textiles. Situées entre techniques ancestrales et hypermodernité, toutes ces recherches ont donné naissance à une myriade de projets, notamment des machines à tricoter hackées, du textile électrique, sonore et computationnel.
Les inspirations de Claire Williams proviennent en premier lieu des textiles traditionnels et de leur histoire sociale, culturelle et technologique. Afin de comprendre tous ces enjeux, elle s’est notamment rendue en Ouzbékistan afin de découvrir la technique de tissage Ikat, qu’elle a ensuite adaptée à sa manière dans la série Glitch Knit.
C’est ici qu’intervient la technologie. Détournant une machine à tricoter préprogrammée des années 1980 pour l’adapter à des besoins plus créatifs, Claire Williams y associe un motif.
Celui-ci existe d’abord sous forme d’image numérique, corrompue à la suite dans de nombreux encodages et formats. Ce motif erroné est ensuite traduit en langage binaire entre l’ordinateur et la machine à tricoter, qui fixe définitivement le motif « glitch » dans le textile.
Un certain nombre de ses projets sont par ailleurs issus de ce système ayant pour base la machine à tricoter hackée, notamment Souffle, expérience participative créée à partir de souffles composant des motifs digitaux, et Data Knits, une série d’explorations visant « à traduire, générer et encoder des données au sein d’une surface textile ».
Le travail de Claire Williams ne s’arrête pas là. Jouant entre langage numérique, sonore et textile, elle compose des installations en fils de cuivre et broderies dont le but est la captation des différentes ondes invisibles qui nous entourent quotidiennement. Dans Sound Embroidery et Antennas, basses fréquences, ondes électromagnétiques et champs magnétiques sont ainsi matérialisés par des compositions sonores et vibratoires.
Ses œuvres plus récentes sont caractérisées par la recherche de nouveaux matériaux à exploiter. Dans le projet Zoryas réalisé en collaboration avec d’autres artistes et spécialement pour Le Fresnoy, Claire Williams se pose cette question : « Si j’étais une artiste et que j’allais habiter sur une autre planète, quel genre de matériaux pourrais-je utiliser ? »
Dès lors, son inspiration provient des aurores boréales qui seraient perceptibles de l’espace comme d’étranges matières visibles, mais intouchables. La captation de données numériques se situant au cœur de son art, il s’agit dans ce projet de récupérer les données de l’activité du soleil pour les transformer en sons audibles. Ceux-ci seront combinés aux sculptures d’ampoules en verre remplies de gaz, qu’un système électronique éclairera afin de les rendre colorés et visibles à l’œil nu.
À travers ses œuvres mêlant artisanat textile, numérique, électronique et sonorités, Claire Williams tente d’analyser le monde technologique et de s’en réapproprier les outils.
Retrouvez sa nouvelle installation à l’exposition collective Panorama 21 du 21 septembre au 29 décembre 2019 au Fresnoy, Studio national des arts contemporains à Tourcoing.
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Crédits photo à la une : © Claire Williams, Glitch Knit
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— Karolina Parzonko