La problématique des scantrads : quelles conséquences sur le monde de l’édition ?

Quoi de mieux que de lire un manga et surtout de le comprendre ? Le japonais n’est pas une langue facile à apprendre. Ceci explique le succès que rencontrent les traductions de mangas de nos jours. Malheureusement, un problème survient lorsque ces traductions sont faites de manière illégale. En effet, en France, 400 millions de chapitres de mangas sont lus chaque année et plus de la moitié illégalement… C’est pourquoi Lettres Numériques a décidé de se pencher sur la problématique des scantrads, ces traductions faites par des amateures de mangas.

Le scantrad est né dans les années 90 suite à une pénurie de l’offre légale publique de mangas. À cette époque, l’intérêt pour la culture japonaise connaissait un réel essor, mais la distribution des œuvres japonaises n’atteignait pas encore les pays étrangers. Le seul moyen pour les fans de mangas de découvrir des nouvelles œuvres était donc de se tourner vers les scantrads. 

Mais au fond, qu’est-ce qu’un scantrad ? 

Nommé aussi scanlation en anglais ou encore scanslation, le scantrad est un manga numérisé (scanné) qui est ensuite traduit de sa langue originale (souvent le japonais) vers une autre langue par des amateurs. Dans un monde habitué à avoir accès à tout immédiatement, le scantrad, principalement distribué gratuitement, lance beaucoup de controverses dans le monde de l’édition. 

En effet, le scantrad viole la législation sur le droit d’auteur puisque les œuvres sont redistribuées sans que la maison d’édition ou l’auteur du manga donnent leur accord. D’un point de vue juridique, le scantrad est donc considéré comme du piratage.

Différents types de piratages ?

Le Figaro a interrogé plusieurs maisons d’édition qui se sont accordées pour dire qu’il existait deux sortes de « piratages » scantrads. 

Tout d’abord, il y a les traducteurs bénévoles qui traduisent les mangas par véritable passion de ceux-ci. N’ayant pas conscience qu’ils peuvent nuire à l’auteur et à l’œuvre qu’ils aiment, ils retirent généralement directement le scantrad lorsqu’on le leur demande. Ces traductions se rapprochent très souvent de la fanfiction, un récit que certains fans écrivent pour prolonger l’histoire de leur fiction préférée. Il existe aussi des sites de scantrads qui, loin d’être légaux, cherchent tout de même à respecter l’œuvre d’origine en achetant la version officielle du manga qu’ils veulent traduire. Leur objectif est de simplement compléter le marché légal avec de nouvelles offres numériques. 

Ensuite, il existe de nombreuses plateformes qui cherchent à tirer du profil des scantrads. Ces dernières sont remplies de publicités et se font de l’argent sur le dos des créateurs de ces œuvres. Ces pirates sans scrupules qui, parfois, volent les œuvres avant leur impression au Japon, sont difficiles à arrêter, leurs sites étant souvent installés sur des serveurs étrangers. 

Existe-t-il des solutions ?

Les conséquences du scantrad sur l’industrie éditoriale sont moins élevées en Europe que dans les pays asiatiques tels que le Japon et la Corée. C’est pourquoi leurs gouvernements sont très actifs sur ce sujet. En effet, depuis le début de la pandémie, de nombreux Japonais se sont tournés vers des sites pirates, souvent hébergés à l’étranger, pour lire leurs mangas préférés. En 2020, le marché du manga au Japon aurait perdu plus de 1,56 milliard d’euros à cause de sites illégaux. Faire fermer ces sites est de plus en plus difficile. Les éditeurs japonais se battent quotidiennement contre ces sites qui se reproduisent à l’infini. Le gouvernement japonais a donc pris de nouvelles mesures. Au lieu de punir les administrateurs des sites, ils ont décidé de punir les utilisateurs de ces scans. En se focalisant sur le lecteur, ils ont réduit considérablement l’affluence vers ces sites. À côté de cela, le gouvernement japonais travaille aussi en collaboration avec des associations pour recenser les sites pirates. 

En France, une autre solution a été imaginée, celle de convaincre les régies publicitaires et les annonceurs, ainsi que les services de paiement (Visa, Paypal…), de ne plus collaborer avec ces sites. Des stratégies ont aussi été mises en place par les éditeurs qui proposent des prix réduits ou mettent à disposition certaines sagas gratuitement pour un temps réduit. 

Et les traducteurs professionnels dans tout ça ?

Les traductions des scantrads de mangas sont souvent considérées, par de nombreux lecteurs, comme étant plus valables que la traduction officielle qui arrive peu après. Des tensions, pouvant aller jusqu’au harcèlement, entre les traducteurs de métiers et les fans de scantrads sont à déplorer. Le japonais étant une langue complexe et vague, la traduction de certains mangas laisse place à l’interprétation. Le scantrad, dont la traduction est souvent littéraire, impose généralement en premier la traduction d’un terme ou d’un nom de personnage. Le traducteur officiel qui interprète l’œuvre et passe après la traduction scantrad, voit donc souvent son choix de vocabulaire critiqué et même hué. Nous pouvons prendre l’exemple de la traduction de la série « Jujutsu Kaisen ». Le nom de l’une des attaques, «Kokusen», a été traduit par Fédoua Lamodière, la traductrice officielle de la série, comme étant « Rayon noir » alors que le scantrad mentionnait un « Éclair noir. » Cette dernière en a subi les conséquences violentes sur Twitter malgré ses explications et justifications. 

En conclusion

Malgré les arguments de certains amateurs qui soutiennent que le scantrad permettrait de populariser les mangas auprès d’un nouveau public et qui par après achèterait l’œuvre en papier, ce concept reste illégal et prive les auteurs et les maisons d’éditions de leurs droits. Cependant, en juillet 2020, le mouvement #WeLoveManga a été lancé pour inviter les lecteurs, éditeurs, libraires et pirates à se construire un avenir commun ensemble autour de leur passion. L’objectif actuel est de réfléchir à des alternatives au piratage sans pour autant faire la morale aux consommateurs de mangas. Vous pensez que c’est une « mission impossible » ? Seul l’avenir nous le dira ! 

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— Clémence Claes

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