La pandémie : quels impacts sur les pratiques et habitudes de lecture ?

La pandémie nous a obligés à revoir notre manière de vivre et de consommer. Les nombreux secteurs mis en pause et le confinement ont amené la population à modifier leurs habitudes de consommation, leurs routines, de temps et divertissement, et la lecture n’y a pas échappé. Plusieurs études ont été menées afin de déterminer si la pandémie avait changé les pratiques et habitudes de lecture de chacun.

Les habitudes de lecture avant la pandémie

Avant la pandémie, il n’était pas rare de lire ou d’entendre que les jeunes ne lisaient plus. Il est vrai que chaque nouvelle génération lit moins d’imprimés que les précédentes. Cependant, cette observation ne correspond pas chronologiquement avec la place de plus en plus importante prise par Internet, les réseaux sociaux et la presse gratuite ; ce phénomène était déjà observable avant l’avènement de ces nouveaux médias. Selon le sociologue Claude Poissenot, « le monde de l’écrit sur support imprimé est voué à un inéluctable recul, ce qui ne signifie pas que le livre disparaîtra », ni que les gens arrêteront de lire.

Même si le support papier est concurrencé, les gens lisent toujours autant grâce aux nouveaux supports numériques. Le numérique a l’avantage de faciliter le transport, mais le papier conserve une part de lecteurs conquis. Ces derniers apprécient « sa simplicité, sa permanence et sa dimension matérielle qui autorise l’échange dans le cadre d’interactions réelles ainsi que la trace d’une lecture passée ou la promesse d’une lecture à venir ».

Mais depuis, qu’est-ce qui a changé ?

Le premier confinement

Cet été, Book Riot, un important site éditorial indépendant de livres en Amérique du Nord, a mené une étude afin de déterminer si la pandémie avait changé les pratiques et habitudes de lecture de chacun. L’enquête comportait 7 questions visant à évaluer une potentielle évolution, et plus de 5 000 répondants.

La première question concernait la quantité de lecture. D’après les chiffres partagés par Book Riot, 58,4 % des répondants ont déclaré lire davantage depuis le début de la pandémie ; 18,2 % disaient lire moins ; tandis que 23,3 % annonçaient une moyenne de lecture inchangée. Alors que l’augmentation peut s’expliquer par davantage de temps libre et un besoin de s’évader, la diminution se traduit par le manque de temps dû au télétravail, aux écoles fermées, etc. ; et par le stress lié à la situation et la surinformation qui a pris le pas sur le plaisir de la lecture.

Des tendances qui s’inversent

« Des seniors sur les réseaux sociaux, des cadres qui abandonnent la lecture et des jeunes qui s’adonnent à la sculpture : usages culturels révolutionnés par le confinement ! » Une étude réalisée par le DEPS du ministère de la Culture a analysé à quelles activités les Français se sont adonnés à domicile pendant que les écoles, cinémas et magasins restaient fermés. Là où l’épidémie a renforcé les inégalités, l’enquête révèle une étonnante réduction des écarts entre les générations et les classes socioprofessionnelles.

En effet, l’enquête démontre que la pandémie semble avoir réduit, sur la période étudiée, les écarts de pratiques culturelles au niveau socioprofessionnel. Les cadres, comme annoncé dans l’étude, lisaient moins, tandis qu’on a pu observer une augmentation de la consommation de biens culturels chez les ouvriers. L’étude prouve qu’ils ont davantage consulté des ressources culturelles en ligne grâce au temps libéré par le chômage partiel, étant donné que certains métiers ne permettent pas de télétravailler.

« Pour occuper les enfants, beaucoup d’activités culturelles se sont faites en groupe, dont certaines à visée éducative. À ce titre, on peut saluer l’élan donné par les écoles qui ont mis des ressources culturelles, comme des visites virtuelles de musée par exemple, à disposition de public qui n’y aurait pas eu forcément recours spontanément. » Il en va de même pour les livres mis à disposition sous l’initiative d’écoles et de maisons d’édition.

Les jeunes et la lecture

Comme susmentionné, une majorité de lecteurs ont déclaré lire davantage depuis le début de la pandémie ; toutefois, ce regain d’intérêt est majoritairement effectif chez les adolescents de 18 à 24 ans. Près de 42 % d’entre eux ont trouvé une bulle d’évasion grâce à la lecture lors du premier confinement, contre 24 % lors du second, comptant les mois d’octobre à décembre 2020.

La lecture a agi comme un véritable antidote pour des jeunes fatigués par un usage excessif des écrans. Parmi les principales raisons évoquées : « occuper ses journées, lutter contre l’ennui » (43 %), « se déconnecter de l’actualité » (33 %) et « éviter de rester trop longtemps sur les réseaux sociaux » (31 %). Soucieux du monde qui les entoure, la plupart (85 %) ont déclaré être favorables à l’ouverture des librairies de quartier dans le cas d’un troisième repos forcé.

Les habitudes de consommation

Concernant les habitudes d’achat, les librairies indépendantes et Amazon ressortent majoritaires, avec respectivement 31 % et 27 % des répondants. En effet, les librairies ont mis en place de nombreuses initiatives afin de continuer à prodiguer les livres. Les librairies d’occasion ont aussi trouvé preneurs pendant la pandémie puisque 18 % des personnes interrogées ont effectué leurs achats dans ces enseignes.

Le format de lecture

Le format de lecture est l’impact sur les pratiques de lecture le plus marquant. 47 % des répondants ont affirmé avoir changé leurs habitudes durant la pandémie. Parmi eux, 22 % ont écouté plus de livres audio, et 29 % ont consommé plus d’ebooks. Une évolution marquée pour la lecture sous forme numérique, qui correspond aux changements observés dans la plupart des pays.

Le genre

La question des genres littéraires des genres littéraires a également été abordée. Durant la pandémie, 33 % des utilisateurs de Book Riot semblent avoir changé leurs habitudes de lecture au niveau du genre, en désirant lire davantage de variété, de romance et de non-fiction. Un besoin affiché de diversité, donc, qui semble aller de pair avec l’envie de s’évader grâce au pouvoir de la lecture, ainsi qu’un désir de s’instruire pour mieux appréhender les débats actuels qui animent le monde.

Et maintenant ?

Nous avons vu, notamment grâce aux chiffres concernant le passage sur les jeunes et la lecture, que la reprise des activités a également eu un impact sur les habitudes et pratiques de lecture. La réouverture des secteurs et le monde remis en marche ont eu raison du besoin de la population de ressortir. Toutefois, nous pouvons observer le besoin de garder la lecture comme point d’ancrage permettant ce moment de silence, de solitude et d’intériorité, qui fait figure désormais de luxe dans un monde ultra connecté.

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— Emiline Gambacorta

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